Régionales/4

On est devant un immense chantier

Première appréciation du scrutin du 6 décembre, remarques sur les scores des listes Front de gauche, précisions sur la préparation du second tour : entretien avec Pascal Savoldelli, responsable du secteur Elections.

Ton appréciation d’ensemble ?

Ce fut un scrutin kafkaïen pour les gens. Il présente un côté ahurissant
avec cette nouvelle progression de l’extrême droite. Et on mesure le decallage entre ce qu’attendent les gens du politique et leur participation. Prenons l’exemple des jeunes. La moitié des 18/25 ans ne sont pas inscrits, et ne risquent donc pas de voter. Sur les inscrits, 72 % se sont abstenus ! Par ce prisme des jeunes, on constate un ecart croissant entre les attentes citoyennes et le vote républicain. Je dirais, à propos du contexte, qu’on a assisté à sorte de hold-up. On a appelé les gens à voter sur autre chose que sur les régions et sur les politiques publiques ; on a assisté à une offre quasi référendaire, opposant l’égalité à la sécurité, une sorte de pour ou contre le Front national. Les débats ont porté sur des idées semées depuis longtemps en matière de sécurité, d’immigration, toutes choses amplifiées avec les attentats. Ce qui est inouï, c’est que sur les grandes questions sociales, culturelles, de sens, il y a des millions de gens qui ont voté contre leurs intérêts. Une situation de tous les dangers car il faut à la fois juger les résultats et mesurer la profondeur de l’abstention.

Concernant les forces en présence ?

On a une droite qui fait du surplace, un PS qui enregistre une défaite avec des contrastes ; il est découpé en trois : il retrouve 2010 dans un tiers de la France, dans un autre tiers, il est coupé en deux ; dans le dernier tiers, c’est recul sans effondrement. Un FN qui progresse ; et il progresse là où progresse l’abstention.

Et le Front de gauche ?

On est dans la plus faible mobilisation de l’électorat du Front de gauche par rapport à 2012. On a un Front de gauche immobilisé, paralysé. Il n’arrive pas à motiver ses électeurs (on n’a mobilisé que 45 % d’entre eux) ; et il n’ouvre pas à la participation de nouveaux électeurs. Il y a un échec électoral de la mobilisation du Front de gauche. Ce qui ne nous fait pas sous-estimer des résultats interessants, en Ile de France, en Normandie entre autres. En même temps, ce résultat ne peut pas totalement nous étonner ; il prolonge la tendance de toutes les partielles depuis 2012, y compris les scrutins nationaux intervenus depuis.
J’ajoute : le FN, en 2009, faisait 6 % ; il y a eu, depuis 2009, trois créations politiques à gauche, le NPA, le Front de gauche, Europe Ecologie. Ces créations ont apporté des idées nouvelles mais : Un : elles n’ont pas permis la non-progression du FN ; et Deux : elles n’ont pas influé sur l’ensemble de la gauche. Ce qu’il faut tirer comme enseignement , c’est qu’on a un problème d’agenda avec les gens, d’écoute. On est devant un chantier immense où avec les citoyens, il va falloir reconstruire un espoir, sur un diagnostic et des propositions qui soient à la fois pragmatiques, rassembleuses et qui vont donner un autre sens à la république sociale.

Concernant le second tour ?
Dans un certain nombre de régions, nous allons additionner nos forces à d’autres forces ; en aucun lieu, il ne s’agit de fusions et en aucun lieu, il ne s’agit de voter pour un autre parti, notamment le parti socialiste. Dans les discussions, le PS a à respecter la proportionnelle obtenue par les autres listes de gauche, point.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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