Liberons les medias (2)

Pluralisme et campagne électorale

Ça bouge dans le PAF, et dans le paysage médiatique en général. Et ça bouge vite. Une espèce de révolution à la mode libérale s’y déploie. Et des argentiers se constituent des magots pour acheter à tour de bras tout ce qui passe dans le secteur (Libération ou L’Express vendus à prix bradés, NextRadioTv, Canal+, sociétés de production, salles de spectacles, sociétés de contenus numériques, etc). Il y a là des vieux crocodiles genre Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Serge Dassault, Arnaud Lagardère et puis des nouveaux aventuriers qui viennent bousculer la donne. Comme Patrick Drahi ou Xavier Niel, « des nouveaux entrants, venus de l’industrie de la finance, et qui appliquent des mesures radicales de restructuration » note Le Figaro Economie.
Est à l’oeuvre une concentration capitalistique intense, remarquée avec la formation d’agrégats d’un nouveau genre. Désormais, en effet, les propriétaires des tuyaux veulent aussi être propriétaires des médias. Ils mélangent allègrement business et idéologie. Comme Drahi qui possède Numéricable d’un côté, Libération et l’Express de l’autre. Désormais, si vous vous abonnez à SFR, on vous offre un abonnement à L’Express. Elle est pas belle, la vie ? Ils mettent de l’idéologie dans les télécoms pour vendre plus de télécoms, qui assurera demain une plus grande couverture idéologique, etc. La déontologie journalistique de ces messieurs, c’est « qu’il faut être rentable ! ».
Concentration capitaliste accélérée, donc, et on peut penser que les crocodiles n’ont pas fini de s’entre-dévorer. L’été dernier, Drahi envisageait d’absorber Bouygues. Et ce Drahi, pourtant endetté à la hauteur de 30 milliards d’euros, obtint immédiatement, sur un « claquement de doigts » (dixit la presse économique), une avance de 10 milliards de Paribas ! L’opération n’a pas eu lieu. Sans doute partie remise.

Formatage

Uniformisation du propos d’autre part, avec un formatage idéologique haute dose ( c’est comme si chaque chaîne, chaque média voulait son petit « débat » Finkielkraut/Onfray, arbitré par F.O. Gisbert...), une propagande libérale sans retenue qui marginalise de plus en plus la parole critique, qui banalise, valorise, encourage le discours de Marine Le Pen. Cette créature est aussi un produit du PAF recomposé. Le dernier numéro du Journal du Dimanche (11 octobre) faisait toute la Une sur ce personnage, et consacrait à sa formation les pages 2, 3 et 4, soit la totalité de la vie politique, alors que rien dans l’actualité ne le justifiait ! Bref, c’est toujours les mêmes qui servent la même soupe. Jusqu’à la nausée. Canal+ est mis au pas. La création est bafouée. Face aux tycoons dominants, le secteur public, paupérisé, se défend mal. Les rédactions et journalistes de France 3 sont malmenés. Et puis, côté contenu, on observe dans ce secteur public, une même volonté d’alignement. Voir Daniel Mermet et « Là-bas si j’y suis » qui a du émigrer sur Internet.
On peut légitimement penser que derrière cette fébrilité ambiante se mettent en place aussi des dispositifs propagandistes des futurs candidats à la présidentielle. Les Bolloré- Arnault-Bouygues louchent à droite, côté libéraux/Républicains, c’est connu. Les Niel-Pigasse-Bergé ( avec le Monde et Le Nouvel Obs entre autres) seraient plutôt tendance libéraux-sociaux à la sauce Macron : « Ils lèvent 500 millions pour racheter des médias et rivaliser avec Vivndi » dit la presse (6 octobre).
Evidemment ce double mouvement de concentration et de normalisation s’accompagnent d’un recul sensible du pluralisme. Ce phénomène est d’autant plus notable dans la période électorale où nous entrons. Rappelons par exemple les chiffres du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, qui a d’ailleurs l’air largué par cette bourrasque libérale) concernant le temps de parole des partis politiques lors des dernières municipales. BFM (groupe Drahi) a accordé 43 % du temps d’antenne au FN ( !), 17 % au PS, 15 % à l’UMP, 3 % au PCF. Sur iTélé, l’UMP a eu droit à 41 % de temps d’antenne, le PS 20 %, le FN 15 % et le PC 2 %. LCI a donné 38 % du temps au PS, 27 % à l’UMP, 19% au FN ; le score du PCF n’apparaît même pas au compteur. Or il existe tout de même une loi (du 30 septembre 1986, article 6) sur l’organisation du pluralisme en période électorale.
Autant de bonnes raisons, donc, à quelques semaines des régionales, qui ont poussé le PCF à lancer sa campagne « Libérons les médias ! ». Il va s’agir de demander aux rédactions de respecter la loi. Et la démocratie. Ajoutons que dans sa contribution « La France en commun », le PCF propose « une réappropriation populaire des médias » et demande « d’attribuer le droit de veto des rédactions sur la nomination des cadres éditoriaux et des sièges pour les salariés des médias dans les conseils d’administration ».

Gérard Streiff

Pour information, quelques (premiers) numéros de téléphone des pôles régionaux de France 3 :
Pôle Nord Ouest (Normandie, Bretagne, Pays de Loire, Centre, Paris) : 0299017909
Pôle Sud Est : 0491234545



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