Sur l’engagement communiste

CN/Débat avec Francette Lazard et René Piquet

Le conseil national du 21octobre dernier avait décidé d’auditionner Francette Lazard et René Piquet, anciens dirigeants communistes, et « toujours membres du PCF », la chose sera notée à plusieurs reprises ; ils sont les co-auteurs de l’essai « Les vérités du matin. Regards croisés sur un engagement » paru aux éditions de l’atelier. Ce fut un débat d’une qualité particulière, au plan de l’écoute et des interventions. Cela tenait sans doute à la personnalité des deux invités et à leur sujet, l’engagement. L’intitulé de la soirée était « Etre dirigeant du PCF d’hier à aujourd’hui ». D’emblée, René Piquet assure qu’il n’est pas venu « pour dire le bien et le mal aux autres », pour faire la leçon. Retiré des affaires, comme on dit, il se tient à une position de « retrait ». Pour autant, il a des choses à dire. Pourquoi le livre ? Parce qu’il y a la vie du parti et, derrière, « il y a les hommes, les femmes avec leurs problèmes, leurs douleurs ; c’est eux qui font l’autorité du PCF. C’est à eux qu’on veut s’intéresser.(...) Il y a beaucoup de livres d’historiens sur le PCF mais c’est la première fois que des communistes parlent d’eux mêmes » et des militants qui sont la force vitale, la réserve de générosité, de disponibilité, d’attente du parti. L’engagement reste décisif, cette présence de soi est essentiel, c’est la condition même de la vie sociale ; et l’engagement politique en est une forme particulière. Il évoque les responsabilités qu’il assuma durant trente ans, les satisfactions procurées, les limites de l’exercice, de surcroît dans une période qui marqua « trente ans de déclin » du parti. « L’engagement aujourd’hui est d’autant plus nécessaire que le monde d’une extraordinaire fragilité » et les communistes ont la « responsabilité historique » de répondre aux défis nouveaux.
Francette Lazard considère qu’on est à un « moment essentiel, soit le PCF réussit ce qu’il a engagé, soit les pesanteurs sont telles qu’il n’y arrive pas ». Lors des réunions suscitées par le livre, elle perçoit dans l’assistance un « point de rencontre entre l’épaisseur d’humanité communiste et les interrogations, les doutes, les souffrances (des militants). » Le temps où elle dirigeait ce parti reste celui d’une longue et difficile sortie du monolithisme alors qu’aujourd’hui il s’agit de « travailler à créer du commun ». Elle rappelle les cinq séquences du livre : l’engagement, la politique, la prise de responsabilité, les limites, l’époque actuelle. « La façon de diriger le parti n’est pas pour rien dans son déclin », dit-elle, la prétention à la vérité qui était alors celle du PCF, assis qu’il était sur des certitudes, transmettant une parole pédagogique vers le peuple, « cette conception a fait son temps ». Elle pointe la différence d’approche, en matière d’engagement, avec René Piquet. Pour ce dernier, il s’agissait de « trouver des espaces de liberté, d’un besoin de partage » ; elle s’est engagée pour « contribuer à des élaborations collectives ».
Une fenêtre s’ouvre sur un au delà du capitalisme : « Le PCF saura-t-il s’y inscrire ? » Elle souhaite qu’il « soit une caisse de résonance de toutes les créativités qui se cherchent », de tous ceux qui sont en quête de nouveau.

Un livre qui parle au présent

Suit un long échange avec la salle. Des intervenants se félicitent de l’existence de ce livre qui, dira l’un d’eux, « combat la nostalgie, parle au présent, pèse son poids d’humanité » et notent que si les auteurs ont changé, « leur engagement est intact ». Ces interventions abordent des sujets comme l’expérience, l’Histoire, la dimension humaine, l’individu, le pouvoir, le programme commun, le je et le nous, la transmission...
Sur la manière de diriger : Francette Lazard précise que sur des enjeux comme la renégociation du programme commun, le rapport à l’Urss, la participation au gouvernement, les décisions n’ont « jamais été discutées collectivement ».
Aujourd’hui, ajoute-t-elle, il y a besoin d’un énorme effort d’invention politique, du local au mondial. « On sous-estime l’amplitude de la crise de civilisation, on n’est plus dans le même monde, ce n’est pas un retour aux principes d’hier dont on a besoin, c’est investir de tout ce qu’on est porteurs collectivement, être avec tous ceux qui cherchent à inventer. »
Pierre Laurent prolonge cette réflexion commune notamment sur la manière de prendre les décisions. Il faut avoir « à la fois l’ambition de décider juste et rester humbles, en faire la loi commune et demeurer en éveil ». Il plaide pour une « manière de vivre ensemble, respectueuse de chacun et que chacun respecte la loi commune. Quand la décision est prise, il faut la défendre ET assumer la part d’incertitude. » On sort d’une époque où « le monolithisme reposait aussi sur une homogénéité culturelle. Aujourd’hui, pour faire du collectif, il faut être formé, il y a un vif besoin de formation exprimé par les militants ».

Gérard Streiff



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