Fabien avant fabien

Fabien avant Fabien
Petite histoire du 8 avenue Mathurin Moreau

Au 8 avenue Mathurin Moreau (du nom d’un ancien maire du 19e arrondissement) se situe le siège du PCF depuis le début des années soixante-dix. La chose est notoire. Ce qu’on sait sans doute moins, c’est que cette adresse a été de longue date un haut lieu du mouvement ouvrier.

Là s’est établie, (1919-1920) dans les locaux de l’ancienne Compagnie des omnibus à chevaux, une annexe de la Maison des syndicats ( le siège central était 33 rue de la Grange-aux-Belles). On était à deux pas du métro Combat (nom du quartier).

Cette annexe se composait de plusieurs bâtiments. Le plus grand d’entre eux était la Maison des syndicats ; le second bâtiment était celui du Secours rouge international ; en 1925 une troisième installation s’imposera, « le pavillon des soviets ».

La maison des syndicats comportait plusieurs salles de réunion (salle des travaux, salle Pelloutier, salle Raymond Lefevre...) et de nombreux bureaux, de petite taille. Dans un de ces bureaux se réunissait par exemple l’Internationale de l’enseignement, l’ITE, dont parle Georges Cogniot ? dans ses mémoires.

On retrouve dans les petites annonces publiées par le journal L’Humanité de ces années vingt-trente de nombreuses invitations pour des réunions, syndicales ou politiques, dans cette annexe.

Les syndicats de la Seine organisaient des stages de formation. On peut lire par exemple dans le quotidien communiste du 1er décembre 1925 un encart destiné aux menuisiers, les avertissant que les cours de dessin s’y tenaient les mardi, vendredi, samedi à 8 heures précises « salle des travaux ».

Le jeune parti communiste y tient aussi ses réunions. Dans le journal du 20 décembre 1925, sous la rubrique « Vie du parti », on peut lire : « Tous les bureaux de rayons, sous-rayons et cellules doivent prendre leurs dispositions pour assister à l’assemblée de mardi qui aura lieu salle Pelloutier (Fernand Pelloutier, 1867/1901, était un militant syndicaliste révolutionnaire. NDR), 8 avenue Mathurin Moreau, à 19 heures précises. Ordre du jour : « le sens politique de la lettre ouverte aux membres du parti, l’attitude de la droite. Les camarades suivant le cours d’agitateurs doivent également y assister, cette réunion remplaçant le cours prévu ».

Une date importante pour l’Annexe fut l’installation du Pavillon des Soviets en 1925. L’URSS, présente à l’exposition universelle à Paris la même année, fait don de son pavillon aux communistes qui vont le transporter et le réinstaller dans ? l’avant cour de la rue Mathurin Moreau. On en trouve la description dans L’Humanité du 9 avril 1925 qui parle de son « esprit révolutionnaire nouveau (…), d’un pavillon très simple, très peu coûteux, rationnel et accueillant ». C’est au Pavillon des soviets que « la commission de la main d’œuvre féminine » organise par exemple une « conférence féminine ».

L’annexe est un lieu de lutte et de fêtes : on y donne « des bals rouges » pour le 14 juillet ; on y répète des pièces de théâtre avec Prévert ; on y fait du sport.

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Petite histoire du 8 avenue Mathurin Moreau (2/2)

1931 est une autre grande date : pour s’opposer à l’exposition coloniale à Vincennes, raciste et méprisante, des militants de « la ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale » préparent dans l’annexe une « exposition anti impérialiste ».
L’objectif (L’Humanité du 4 juillet 1931) est « de présenter dans un raccourci vivant l’impérialisme sous son vrai jour : la conquête, l’expropriation des terres, le travail forcé, la répression, les mouvements pour l’indépendance. En contrepartie l’œuvre des Soviets dans les républiques musulmanes qui étaient traitées comme des colonies par l’ancien régime tsariste. » L’exposition comportera des dessins, des graphiques, des objets d’art, elle durera un mois et s’intitulera « la vérité sur les colonies ».

Troisième moment de gloire de l’annexe, 1936/1938 : alors que la guerre civile ravage l’Espagne, et que le gouvernement Blum capitule en refusant d’aider la République voisine au nom de la « non intervention », c’est à l’annexe que s’inscrivent les volontaires pour les brigades internationales
Un journal d’extrême droite, « La voix du combattant », écrit : « C’est au numéro 8 de l’avenue Mathurin Moreau à Paris que se trouve le grand bureau d’engagement. Les volontaires y sont reçus et inscrits, ils y passent la visite médicale. Reconnus aptes, miliciens en puissance, ils reçoivent des bons de couchage pour un petit hôtel rue des Chaufourniers et des bons de repas à prendre au restaurant de la « Famille nouvelle », 173 boulevard de la Villette. On leur délivre un petit bout de carton portant les inscriptions suivantes : Cercle de joueurs d’échec, La Tour, Participation au tournoi. C’est le sésame qui leur permettra d’être hébergé au cantonnement à Béziers, dernier centre de rassemblement avant le passage de la frontière. Plusieurs fois par semaine , des groupes d’une trentaine de participants prennent le train gare d’Orsay ; le billet leur est donné sur place et un viatique de 48 francs. Il y a là des Français, des Belges, des Allemands, des Anglais. » le journaliste , un certain Paul Galland, se comporte ici comme un flic, il dénonce ce mouvement de solidarité et demande au gouvernement d’y mettre fin. Mais il nous reste ce texte qui, bien involontairement, témoigne de l’importance du rôle joué par l’annexe en matière de solidarité…

Puis déferle la répression anticommuniste. Fin 1939, l’annexe est occupée par la police. On peut lire dans « Le Matin » du 9 novembre 1939 : « Des commissaires de la police judiciaire ont procédé hier après midi à des perquisitions et à la fermeture des sièges des organisations syndicales communistes. Ces opérations se sont déroulées à l’annexe de la Maison des syndicats, 8 et 12 avenue Mathurin Moreau. On sait qu’en cet endroit les communistes avaient fait transporter et réédifier – naturellement aux frais du parti- dans l’avant cour le pavillon des Soviets. »

C’est le prélude aux années noires, celles de la débâcle, de l’occupation et de la collaboration. Celles aussi de la Résistance, animée notamment par le jeune Jean Pierre Georges, qui réside à deux pas de l’avenue Mathurin Moreau, bientôt surnommé Fabien.

Gerard Pellois, Gerard Streiff



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