Charonne

Le crime de Charonne

Le 8 février 1962, des syndicats ouvriers (CGT, CFTC), étudiants (UNEF) et enseignants (SGEN-CFTC, FEN), le PCF et le PSU appellent à manifester à Paris, entre 18 h 45 et 19 h 30. Il s’agit de répondre aux attentats commis à l’explosif par l’OAS la veille, en même temps que de réclamer la paix en Algérie. Or, le préfet de police, Maurice Papon, celui-là même qui avait fait ses armes sous Vichy, puis organisé le massacre du 17 octobre 1961 contre les manifestants indépendantistes algériens, Papon donc interdit le rassemblement. Puis encourage sa police à charger le défilé. Une répression particulièrement sauvage va coûter la vie à neuf manifestants à la station de métro Charonne. Tous membres de la CGT. Tous membres (sauf un) du Parti communiste Français. On dénombra plus de 250 blessés.
Le 13 février, alors que de très nombreux arrêts de travail ont lieu, que toute la région parisienne est bloquée, une foule immense, évaluée à plusieurs centaines de milliers de personnes, depuis la place de la République jusqu’au Père Lachaise, va accompagner les dépouilles des martyrs jusqu’au Père-Lachaise.
Ils s’appelaient : Jean-Pierre Bernard, 30 ans, dessinateur aux PTT ; Fanny Dewerpe, 31 ans, secrétaire ; Daniel Féry, 15 ans, apprenti ; Anne-Claude Godeau, 24 ans, employée aux chèques postaux ; Hippolyte Pina, 58 ans, maçon ; Édouard Lemarchand, 40 ans, employé de presse ; Suzanne Martorell, 36 ans, employée à L’Humanité ; Raymond Wintgens, 44 ans, typographe ; Maurice Pochard, employé de bureau, 48 ans, décédé le 20 avril 1962 à l’hôpital à la suite de ses blessures.
Ces victimes seront enterrées au cimetière du Père Lachaise, près du mur des Fédérés, où se trouvent les tombes de dirigeants du PCF (97è division)
Le 12 février 1962, le Premier ministre Michel Debré se rend dans les locaux de la police parisienne, pour « apporter le témoignage de sa confiance et de son admiration » ; puis, le 13 avril de la même année, il écrit une lettre à Maurice Papon, rendant « un particulier hommage à [ses] qualités de chef et d’organisateur, ainsi qu’à la façon dont [il a] su exécuter une mission souvent délicate et difficile » .
Pourquoi cette tuerie ? De nombreux historiens verront dans cet événement (qui devait conduire à la fin de la guerre d’Algérie) un gage donné aux milieux d’extrême-droite, très influents dans l’armée et dans la police, et affirment le caractère prémédité de l’événement. « L’Express » du 15 février 1962, attribue au gouvernement ce calcul : « Les 8 morts du 8 février auraient servi, assure-t-on au gouvernement, à démontrer à l’armée et à la droite conservatrice que le rempart contre le communisme était assez solidement maintenu par l’État et que la propagande anticommuniste de l’OAS était pure démagogie. »

L’historien Alain Dewerpe, dans « Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d’un massacre d’État » (2006) , montre à la fois comment fonctionna la violence policière ; comment le gouvernement mentit afin de nier sa responsabilité ; comment enfin l’appareil judiciaire a évacué la responsabilité de l’État.

G.S.



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