Congrès10

Table ronde
Les transformations du PCF en question

Construire un PCF toujours plus en phase avec la société comme avec son projet, ça veut dire quoi ? Table ronde avec des dirigeant(e)s communistes, Sophie Celton (Bouches du Rhône), Elsa Faucillon (Hauts de Seine) et Hervé Poly (Pas de Calais) autour des questions figurant dans la « cinquième fenêtre » de la base commune.

Quels changements sont nécessaires dans notre organisation ?

Sophie Celton :
Ce que je constate, c’est que nous disons beaucoup « proximité, proximité », mais dans la réalité de notre action, on a bien du mal à faire confiance à cette fameuse proximité. Nous avons par exemple beaucoup de difficultés à nous occuper des adhérents, à être véritablement en lien avec eux. Si je prends les quartiers populaires : je trouve que nous avons tendance à ne pas faire confiance aux habitants de ces quartiers, ce qui peut se traduire par « pas d’activité du tout » dans ces secteurs. Nous devons écouter ce que nous disent ces gens qui nous rejoignent, nous devons oser leur donner des responsabilités, petites ou grandes, dès l’adhésion. Car je constate que chaque nouvel adhérent décide de s’engager pour faire quelque chose, pour être utile. Cela nous oblige à mieux travailler l’accueil de ces nouveaux adhérents, à mieux les « accompagner » dans une prise de responsabilité. Partout dans nos sections, on doit veiller à ce qu’un camarade, au moins, soit chargé du contact avec tous les adhérents, afin d’élargir notre influence, de gagner en rayonnement.

Hervé Poly :
D’abord je pense qu’il ne faut surtout pas faire de la question de la transformation du parti une forme de course vers un pseudo modernisme qui cacherait dans les faits un recul idéologique. Je ne pense pas par exemple que la nouvelle carte du parti où l’on supprime la faucille et le marteau, et ce sans aucun débat, soit une avancée transformatrice. Les symboles sont porteurs de sens et le nôtre traduit notre ancrage dans l’héritage historique du mouvement politique révolutionnaire. Vouloir le faire disparaitre apparait de manière tout à fait légitime comme une volonté, celle de rompre avec un courant d’idée qui est l’essence même de l’existence de notre organisation. Les transformations du parti doivent pour moi être en prise avec le parti et avoir pour préalable notre volonté d’un épanouissement démocratique des militants à la base. Or la réforme des statuts va à l’encontre de cette exigence. On peut faire toutes les déclarations de bonnes intentions mais dans les faits, ce qui est proposé au travers des nouveaux statuts, s’avère être tout le contraire. La modification de la clef de répartition financière des quatre organisations structurantes de notre parti pose un grave problème. Passer de la règle financière des quatre quarts (cellule, section, fédération et direction nationale) à une nouvelle règle de trois (section, fédération et direction nationale) entérine la mort des cellules et assèche de fait de 17% les finances de nos organisations de bases. Il s’agit là d’une faute politique lourde qui s’assimile à la nouvelle bureaucratie du futur fonctionnement de notre parti. Nous ne sommes plus en l’espèce dans une transformation mais dans une liquidation de nos organisations de bases. On croit bien faire mais c’est prendre le parfait contre-pied de ce que désire l’immense majorité des communistes. La cellule doit rester l’organisme « vivant » de notre parti

Elsa Faucillon :
Si notre objectif est de contribuer à l’intervention massive de femmes et d’hommes dans la bataille politique pour changer de cap, il est à mon sens prioritaire pour notre organisation de concevoir notre propre activité dans ce sens et d’en tirer un certain nombre d’enseignements sur nos pratiques. Du point de vue de notre vie interne, la transversalité doit prendre la place d’une verticalité encore trop prégnante. Cette idée semble faire accord, mais nous buttons sur sa mise en œuvre. Les structures qui régissent notre vie interne sont aujourd’hui, pour beaucoup d’entre elles, des lieux de validation de décisions. Les Conseils départementaux ou les AG de section débordent de savoir-faire militant, je pense pourtant que leur forme actuelle ne permet pas d’en valoriser tout le potentiel. Considérer l’élaboration collective comme un gage d’égalité et d’efficacité, libérer l’initiative sans modèle prêt à l’emploi pour les militants communistes me semblent des principes fondamentaux pour penser nos structures et plus généralement pour avancer ensemble vers une démocratie réelle. Franchir un cap dans l’implication populaire nécessite également que la démocratie s’incarne mieux dans nos pratiques politiques. Je pense par exemple à des initiatives où le slogan « Prenez le pouvoir » se concrétise et fait vivre la politique comme utile, émancipatrice, accessible à toutes et tous. Il s’agit donc pour notre organisation d’inventer un nouveau rapport à la société, plus en dialogue et en coopération avec celles et ceux qui la font vivre.

Comment renouveler notre activité avec le monde du travail ?

Sophie Celton :
La situation des entreprises à changé. Nous avons à développer et à travailler de nouvelles formes d’organisation, des formes qui permettent une activité dans l’entreprise elle-même ou par branche d’entreprises. On peut faire ça en réseau par exemple, comme c’est le cas avec les salariés de la presse dans les Bouches du Rhône. Ne nous figeons sur la cellule, sur la forme cellule – même si nous devons les maintenir quand c’est possible - mais regardons comment on met en lien les salariés entre eux, afin de permettre l’échange et la construction d’initiatives qui peuvent être collaboratives.

Hervé Poly :
Sur la question de l’entreprise, force est de constater que nous avons fortement reculé dans la vie des cellules à l’entreprise. La tâche est immense et reste une priorité difficile à mettre en œuvre. Pour autant une présence régulière, un contact étroit avec les organisations syndicales, peuvent permettre à terme de nous redéployer dans des lieux de travail éclatés où il est plus difficile d’être présent. Par ailleurs une présence régulière aux portes des boites, un contact étroit avec le monde du travail peut nous permettre de rendre visibles et plus pertinentes encore les interventions de nos élus. Avec nos élus en charge des questions économiques, nous nous employons, filière par filière, à prendre des points d’appui pour faire des propositions offensives permettant le développement économique de notre région. C’est le cas sur la filière ferroviaire où d’ailleurs les militants communistes à la SNCF ont décidé de mutualiser leurs actions en créant un réseau militants cheminots dans le Nord-Pas-de-Calais. Être à l’offensive idéologiquement, par exemple sur les questions industrielles, peut nous permettre à terme d’aller mieux dans nos combats sur cette question du travail politique à l’entreprise.

Elsa Faucillon :
Le capitalisme a produit ces trente dernières années une segmentation inédite entre le travail et la politique. Dans mon département, sur le site de la Défense où travaillent 170 000 salariés, les camarades de cette section d’entreprise parlent d’une zone de non-droits sociaux, syndicaux et bien sûr politiques ! Si la régularité de notre présence aux portes des entreprises est indispensable pour créer et maintenir des liens avec les salariés, je crois pourtant que nous ne pouvons simplement tenter de réactiver des modèles anciens d’action et d’intervention face à cet immense chantier. Les expériences menées par les fronts des luttes ont initié des rencontres d’acteurs et d’actrices de luttes, des convergences, un renforcement de rassemblements ou de dynamiques politiques. Cela représente des pistes intéressantes pour de nouveaux rapports, de coopération, de co-élaboration régulière, avec le mouvement social. Je pense également aux ateliers législatifs ou à des ateliers municipaux avec les salariés notamment sur les questions d’emploi, de démocratie à l’entreprise, d’égalité hommes/femmes, de la place du travail dans notre société ou encore de la culture dans l’entreprise.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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