Retour sur les municipales

Défaites, questions et reconquête
 
Le secteur Elections du PCF a décidé de tenir une série de réunions régionales, cinq en tout, sur les « villes perdues » lors dernières municipales. La première rencontre, consacrée à la région parisienne, a eu lieu le 1er octobre à Fabien où se retrouvaient une vingtaines de cadres, un ancien maire, des secrétaires de section, des secrétaires départementaux, pour un échange, inédit, d’expériences. Ce fut passionnant.
 
La réunion fut ouverte par un topo de Yann le Pollotech qui revint, à l’aide d’un diaporama, sur toute la séquence électorale depuis 1995, rappela le contexte des dernières municipales, le poids des idées de droite et d’extrême droite, l’effondrement socialiste, le relatif maintien du PCF, marqué tout de même par plusieurs défaites remarquées. Pascal Savoldelli, en charge du secteur, souhaita que cette réunion soit un moment de partage politique dans un esprit de reconquête. Au terme des cinq rencontres prévues, une note de synthèse serait proposée à la direction du parti.
 
La réunion pouvait être « délicate » car, en règle générale, on aime mieux trinquer à la victoire que disserter sur des défaites. Or elle fut proprement passionnante, trois heures de débats intenses, humainement et politiquement, sur ce qui s’est passé à Bobigny, Bagnolet, Roissy-en-Brie, Blanc Mesnil, St-Ouen, Villejuif … en mars dernier. Une première remarque de méthode, pourrait-on dire. A l’évidence, cette rencontre était nécessaire, attendue. « On ne se voit pas assez », diront les intervenants, « on n’échange pas assez, les communistes des différents territoires, surtout quand on se retrouve placés dans ces circonstances difficiles, ont tendance à rester dans leur coin ». Du coup, s’est exprimée une forte envie de poursuivre sous des formes à inventer cette discussion.
Puis, quelques enseignements un peu généraux : si dans les villes « perdues », une première tendance est d’abord de « localiser » l’échec, d’y trouver des raisons locales (ces raisons existent par ailleurs), la discussion a vite montré que toutes les villes sont confrontées peu ou prou aux mêmes enjeux, aux mêmes difficultés.
Presque tous les intervenants ( à la réserve de Roissy-en-Brie) ont eu le sentiment d’avoir mené au printemps dernier plutôt une bonne campagne, de ne pas avoir commis de fautes majeures ; certes il y a toujours le regret d’avoir oublié tel ou tel secteur mais, globalement, ces campagnes ont rassemblé du monde, plus de monde qu’en 2008. Alors ? Cherchez l’erreur.
La question est même venue, volontairement provocatrice : « Est-ce nous qui avons perdu ? ou eux (UMP) qui ont gagné ? »
Notons encore qu’à aucun moment, les intervenants n’ont cherché des boucs émissaires pour expliquer leur problème. Remarquons encore que le problème des alliances ( la gauche ? le front de gauche ?), qui prit tant de place au printemps dernier, est peu venue en discussion.
 
Alors, un peu en vrac, quelles sont les questions venues sur le tapis ?
*On (ce « on » désignant l’opinion de la majorité des intervenants) a sous-estimé la dynamique de la droite ; on vivait dans un schéma « droite = anti-immigrés », une ligne qui la mettait plutôt hors-jeu en région parisienne. Or la droite sut tout à la fois consolider ses positions dans son électorat traditionnel, réactionnaire, et entretenir des alliances « contre-nature »(?) avec des milieux populaires, issue des cités, alliances souvent de caractère clientéliste.
*On n’a pas mesuré l’importance de l’effondrement des valeurs de gauche (solidarité) et l’ascension de celles de droite, boostées par cinq ans de sarkozysme puis la dérive droitière de Hollande/Valls.
*On a été confrontés à des élections apparemment « apolitiques » et désarçonnés par le niveau de la campagne des autres ; quand on parlait projet, urbanisme, etc, on nous répondait : rumeurs, idées crapoteuses, attaques personnelles. Cette « dépolitisation » volontaire, nourri par un air du temps, a brouillé les repères gauche/droite et destabilisé des électeurs.
*On se heurte à un problème d’efficacité ; nos villes produisaient, construisaient mais la demande, renforcée par la crise, par l’urgence sociale, était telle que ces efforts pouvaient paraître vains.
*La droite a usé, pour sa campagne, d’une même « boîte à outils », un même type d’argumentaires ; nous, on a manqué d’une « boîte à outils » pour les villes communistes ; en partie parce qu’on se disait : chacun connaît le mieux son terrain, chacun y apporte les meilleures réponses. Oui mais la campagne fut aussi nationale et il y avait aussi besoin d’une démarche plus centralisée.
*On a fait remarquer que le pouvoir communiste municipal était le plus souvent un pouvoir « blanc » pour utiliser un mot un tantinet provocateur ; si nous avons su nouer des liens avec la population dans sa diversité, à l’arrivée, cela s’est peu vu sur les listes.
*On a été pris au dépourvu par l’ampleur des enjeux religieux et sociétaux comme le « mariage pour tous », la théorie du genre : ces questions ont pris une grande place ; trop souvent nos militants n’étaient pas armés pour y répondre ( la question de la formation des adhérents est revenue plusieurs fois) ; comment argumenter simplement sur ces enjeux simples : lutte contre le sexisme ? contre les stéréotypes ? le problème n’est pas celui des rapports hommes/femmes, estimait un participant, mais celui de la famille ; la force de la droite est d’avoir établi l’équation : la gauche serait contre la famille. « On n’est pas contre la famille ! »
*La jeunesse des banlieues change ; la droite a su s’entendre avec une frange, sur une même idéologie libérale. Un intervenant citait ce jeune homme qui parlait de l’alliance droite/jeunes : « Voilà ce que vous auriez dû faire avec nous ! »
*On a besoin de nouveaux « marqueurs » communistes ; certes les points forts communistes sont connus mais comment les faire vivre aujourd’hui ? et quel pourrait être un marqueur communiste de 2014 ? le soutien aux Roms ?
* les rapports parti/élus ! Vaste programme, comme dirait l’autre. Les avis divergent sur le bilan mais on s’accorde à dire qu’aujourd’hui, le renforcement de liens entre élus et parti est plus que jamais nécessaires.
 
Et plein d’autres questions, encore : comment mieux mettre en valeur les réalisations communistes ? comment concrètement faire revivre la solidarité ? comment reprendre des municipalités à la droite, laquelle change la ville ? comment partir de l’acquis pour les prochaines départementales ?
Affaire à suivre, assurément.
 
Gérard Streiff



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