Edito/Revue/Decembre

Idées communistes : entre affirmation et volonté d’effacement

Les deux informations se sont télescopées il y a quelques jours. A l’Assemblée Nationale, à l’initiative de la Fondation Gabriel Péri et du groupe communiste, une après midi d’étude était consacrée à Gabriel Péri. Une grande figure de journaliste (responsable de la rubrique internationale de L’Humanité à 22 ans) , de député (sa dénonciation des « Munichois » fut implacable), de militant antifasciste ( luttant contre l’obscurantisme triomphant en 1941 alors qu’il rédige le pamphlet radical « Non le nazisme n’est pas le socialisme »), arrêté par la police française et fusillé par l’occupant allemand. Une vie comme une comète : il est mort à 39 ans. Un symbole de rectitude, de courage, de fidélité, d’intelligence politique.
Or le même jour ou presque, on apprenait qu’à Argenteuil (ville dont il fut le député), le maire réactionnaire débaptisait la MJC Gabriel Péri !

Voilà bien le paradoxe : depuis des années, on nous répète que le communisme est mort mais ses fossoyeurs tournicotent autour de la tombe, pris de doute. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on ait droit à un documentaire suspicieux pour discréditer, disqualifier, ici ou là-bas, le communisme. Pas une semaine non plus sans qu’on s’alarme, dans les médias mainstream, d’un retour des communistes partout où des voix s’élèvent contre les dominations sous toutes ses formes ( de fric, de classe, de sexe, coloniales ou autres…).

A la mi décembre, un plumitif du Figaro se navrait : « Il existe encore en 2021 un parti communiste français » ; et l’astucieux observateur ajoutait « D’autres partis, des syndicats et de nombreux intellectuels se réclament ouvertement du marxisme. Que faut-il donc pour qu’ils soient guéris ? » (8/12/21 page 16).

On le sait, le temps est couvert, le fond de l’air est maussade et le retour de la calamité sanitaire n’arrange pas les choses. Mais est-ce une raison pour affirmer que la société se serait (définitivement) droitisée ? La droite, c’est vrai, occupe le terrain (médiatique). Mais à force d’entendre ses mantras, on en oublierait presque que sur nombre d’enjeux essentiels, les idées alternatives (au tout libéral) s’imposent.

On nous serine des enquêtes alarmistes sur la sécurité et l’immigration. Rappelons qu’une série impressionnante d’études affirment, ces derniers mois, que des idées de gauche, des idées communistes, sont ici et maintenant, largement dominantes. Quelques exemples, en vrac : 60% des Français trouvent la société injuste ; 70% estiment que l’Etat dépend trop des grands groupes ; pour 57%, il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres ; 57% jugent que la notion de flexibilité est une menace ; pour 64%, la compétitivité est une attaque contre les droits acquis ; 71% estiment que pour se défendre, il faut se coordonner avec ses proches ; 66% des sondés sont pour taxer les grandes fortunes ; 57% estiment que le modèle économique n’est pas efficace pour réduire les inégalités sociales ou garantir un bon niveau de vie ; 77% pensent que les ressources naturelles (eau, forets) ne devraient pas relever du privé ; 61% sont opposés au recul de l’âge de la retraite ; huit Français sur dix sont pour le SMIC à 1800 euros (et cette demande est majoritaire dans toutes les familles politiques) ; 69% sont pour les 32 heures ; 89% sont contre les délocalisations. Et puis, last but not least, une autre idée est quasiment plébiscitée : 97% des sondés trouveraient juste que le salarié donne son avis dans l’entreprise.

Voilà des éléments qui dessinent les contours d’une opinion assez loin de l’image caricaturale, et réactionnaire que veulent nous donner les nantis. Cette opinion se retrouve, peut se retrouver dans les propositions défendues par le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel, lequel a clos la première étape de sa campagne par sa participation remarquée au Journal Télévisé de la Deux, qui a connu ce soir-là un audimat d’exception.

Gérard Streiff



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