Européennes

Il est urgent que le Front de gauche entre en campagne

Pascal Savoldelli, responsable du secteur Elections à la direction du PCF, rapportait devant le Conseil National du 11 avril tout à la fois sur les municipales, sur la nouvelle situation politique après ce scrutin et sur les européennes. Un ordre du jour copieux. Entretien.

Résistance et pertes, c’est ainsi que tu caractérises le score du PCF.

Dans ces municipales, la droite a su mobiliser ses réseaux les plus réactionnaires. Elle a eu souvent recours à la diffamation, au clientélisme, à la rumeur. Disons qu’elle a réussi à traduire, au plan politique, une société complètement éclatée, où seule compte la réussite par le fric. L’abstention a été très forte, et le PC et le Front de gauche en ont subi l’impact, abstention de gens qui considèrent que la politique est impuissante, tant au plan local que national. Troisième aspect : face à une politique « de gauche » qui, depuis 22 mois, se montre beaucoup plus proche du patronat que des attentes de la population, l’abstention-sanction a frappé. Dans les deux dernières semaines de campagne, ce phénomène de sanction s’est amplifié.
Dans ce cadre, le PCF maintient un ancrage territorial important mais il connaît un recul de ses positions. Il perd des élus notamment dans les municipalités d’union dirigées –et perdues- par le PS. Ce parti, lui, a subi un véritable Waterloo ; il a perdu la moitié de ses communes de plus de 20 000 habitants.
Le PCF conserve 137 villes de plus de 3500 habitants, il en perd 47 et en gagne 12, dont deux villes de plus de 75 000 habitants, notamment Montreuil. Le parti communiste, ses élus restent une force nationale, debout, mais qui n’est pas épargnée par l’abstention et une forte traduction des idées de droite dans le vote.

Comment tu apprécies la politique de François Hollande, notamment depuis les municipales ?

On a assisté aux municipales à un vote de crise, une crise politique et institutionnelle. Le Président de la République applique une politique libérale et il le fait au nom d’une nouvelle marque de gauche ; il opère ce que j’appellerais un aggiornamento politique. Il veut redessiner une gauche qui abandonnerait ses valeurs du fait de son acceptation partielle du capitalisme, de son caractère indépassable, son acceptation des diktats des marchés financiers. Cette situation est grave. On a eu le président des riches et maintenant on aurait le président du grand patronat ! C’est une mutation que Hollande veut réaliser, laquelle doit soulever beaucoup d’interrogations dans le peuple de gauche. Et ces interrogations ne peuvent pas rester sans réponse. Entre le Pacte de responsabilité et le soi disant pacte de solidarité, il n’y a rien qui puisse améliorer la situation des gens. C’est la même logique qui est à l’œuvre, baisse du coût du travail et compression des salaires. Le Président de la République, qui a été le premier dirigeant des socialistes, met en œuvre cette orientation politique à travers les institutions telles qu’elles sont. Il veut imposer une nouvelle marque à la gauche, en acceptant le système capitaliste avec ses ramifications, ses réseaux, toute sa toile morale et identitaire, un capitalisme où l’argent est la seule finalité. A partir du moment où on accepte ce modèle, on conduit à une déshumanisation de la société, une crise de sens, une crise de destin collectif.

La réunion du CN a adopté l’accord sur les listes Front de gauche pour les européennes ( 77 pour, 18 contre, 9 abstention). Tu as à la fois critiqué et justifié cet accord.

Il est urgent que le Front de gauche entre en campagne, comme il est urgent, pour le Front de gauche, que le PCF entre en campagne. Il y a la situation nationale, l’austérité qui fait des ravages dans tous les peuples d’Europe. Il faut gagner des rapports de force au niveau européen et contribuer à ce que le troisième groupe à l’Assemblée européenne soit un groupe anti-austérité, le GUE-NVL. L’accord entre les différentes composantes du Front de gauche dont on a débattu au CN n’est pas le meilleur accord pour le FDG, ni le meilleur accord pour le PCF. On avait fait des propositions beaucoup plus audacieuses, équilibrées et offensives. Je pense notamment à l’ouverture de nos listes à des personnalités politiques, syndicales, associatives. Mais cet accord a deux justifications majeures : il y aura une offre politique du Front de gauche aux européennes pour tous ceux qui ont le cœur à gauche et qui veulent agir pour un sursaut de toute la gauche et contre les marchés financiers. Et deuxièmement, cet accord reconduit nos camarades Jacky Hénin dans le Nord-Ouest et Patrick Le Hyaric en Ile de France. Et puis le PCF fait respecter la candidature citoyenne de Marie-Christine Vergiat, député sortante, dans le Sud Est. Si le Front de gauche est uni, combatif, il peut obtenir un résultat permettant des gains partagés entre ses différentes sensibilités ; on peut ambitionner par exemple pour le parti communiste une parlementaire européenne supplémentaire dans le Sud-Ouest.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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