Institutions

Pour une nouvelle ambition démocratique

Le gouvernement projette des réformes institutionnelles qui marqueraient une concentration des pouvoirs, un affaiblissement de la démocratie. Entretien avec Pierre Dharréville, membre de l’Exécutif, responsable du secteur « République, démocratie et institutions ».

Il est beaucoup question du projet « Métropoles »...

En vérité, on assiste à un projet de remodelage institutionnel en plusieurs étapes. Cela a commencé avec le projet de métropoles et ça se poursuit avec un nouveau projet concernant l’organisation des collectivités territoriales (départements, régions,etc). Le projet Métropoles est une forme de recentralisation autoritaire, qui veut diminuer le rôle des élus locaux, l’espace d’intervention citoyenne, la place des communes, pour installer des institutions au service de logiques que nous connaissons bien, l’austérité, la compétitivité, la concurrence, la diminution de la participation des gens. Ces réformes sont liées aux objectifs politiques affirmés au plus haut niveau de l’Etat, elles plongent au cœur des institutions européennes.

Le pouvoir use et abuse du thème du « mille-feuilles » institutionnel ; il y aurait trop d’institutions.

Cette expression de « mille-feuilles » a déjà été beaucoup employée par la droite. Peut-on résumer la politique à des expressions patissières, moi je ne le crois pas ? Il existe effectivement plusieurs niveaux de structuration de l’Etat républicain. Chaque fois qu’on a créé des espaces de démocratie, il a été possible de les investir, de les faire vivre et de répondre aux besoins. Avec leur thème du « mille-feuiles », ce qu’ils veulent, en vérité, c’est surtout d’enlever la crème, si j’ose dire, ne plus répondre aux besoins des gens, de ne plus y répondre de manière égalitaire. Tous les projets qui vont voir le jour sont des projets d’inspiration libérale et qui visent à supprimer cet élément « bloquant » que peut être l’intervention des gens, leur participation. Les premières forces intéressées à cette suppression, ce sont les marchés financiers, les multinationales. Chaque fois que ces forces ont voulu remodeler le territoire à leur façon, elles se sont heurtées aux élus locaux, aux citoyens. Toutes les collectivités locales ont été des espaces où nous, on a cherché à développer des politiques novatrices, la participation, la réponse aux besoins. Vouloir faire disparaître tout cela, évidemment, ne peut pas nous agréer. Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous sommes pour le maintien de l’existant et que l’on défend les institutions existantes. Ce qu’il faut, c’est se donner une ambition démocratique et sociale véritable et non pas réduire cette ambition. Ce qui nous intéresse, c’est la démocratie, la participation des gens, la coopération entre les territoires et non pas leur concurrence, la réponse aux besoins, des services publics efficaces. L’idée qu’il y aurait trop d’élus, trop d’institutions, trop de démocratie, une idée complètement poujadiste, sous-entendu dans le discours ambiant, est profondément inacceptable, et ne pourra conduire qu’à des catastrophes démocratiques. Aujourd’hui, on a plutôt besoin de mettre de la démocratie au cœur des processus de décision au lieu d’accroitre les fractures dans la société.

Prenons l’exemple de l’Ile de France. Que signifieraient ces réformes pour ce territoire ?

Ce qui se prépare en Ile-de-France est symptomatique d’une volonté de vouloir créer ce qu’on a appelé « des monstres institutionnels ». C’est à dire une collectivité quasi-unique, qui concentrerait des pouvoirs exhorbitants, ceux des communes, des conseils généraux, des régions et un certain nombre de compétences de l’Etat. Une collectivité unique marquée par le présidentialisme ambiant, congénital de nos institutions de la 5e République. En éloignant les pouvoirs de décision, cela va mettre les pouvoirs entre les mains d’un tout petit nombre, voire d’un seul homme, et ces gens-là vont être soumis à la pression de la finance et des multinationales.
Je redis que non seulement il n’y a pas trop d’espaces où les gens débattent mais j’ajoute qu’enchevètrer plusieurs points de vue de collectivités locales, parfois d’orientations politiques différentes, est quelque chose de tout à fait formidable.

Sur ces enjeux, nous parlons de référendum ?

Nous portons en effet l’idée que toute modification des cadres démocratiques ne peuvent sans démocratie et doivent se faire par la validation des citoyens. Toute modification de la démocratie locale doit se faire avec des référendums locaux. J’ajoute que tout cela appelle à penser une Sixième République ; on est en train aujourd’hui d’opérer des modifications fondamentales sans le dire, on modifie en profondeur la manière de prendre des décisions avec des espaces de souveraineté populaire qui vont se refermer. J’appelle à un grand débat populaire, à une nouvelle ambition démocratique.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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