Didier Le Reste

Réintéresser les salariés à l’action politique

A une semaine du 1er mai, où en est la mobilisation sociale ? Que penser de la journée d’action du 9 avril ? Que disent les luttes actuelles et comment repolitiser les salariés ? Entretien avec Didier Lereste, membre du CN, animateur du Front des luttes.

La journée du 9 avril a marqué un engagement social plus fort.

Je dirais d’abord que le monde du travail avait besoin de cette journée de mobilisation ; il avait besoin de se retrouver dans l’unité syndicale pourse rassembler, exprimer son mécontentement, ses exigences. Cette journée fut une éclaircie dans un contexte dur, vicié par l’épisode FN ; c’est aussi une promesse pour l’avenir. Elle appelle des lendemains pour élargir le rapport de forces. On le voit aujourd’hui avec la loi Macron, la loi sur le dialogue social : c’est la question du choix de société qui est posée, la question de l’alternative à opposer. Il faut donc que les négociations, d’entreprises, de branches, au plan national, soient placées dans un meilleur rapport de forces. Le Medef, le grand patronat font feu de tout. Jamais ils n’ont autant eu gain de cause qu’avec un gouvernement qui se dit de gauche ; Des exemples ? la loi ANI qui a permis de contourner la justice, les lois Macron ou Rebsamen qui continuent de casser le code du travail. Il y a vraiment besoin de peser sur le rapport de forces, sociales, politiques et citoyennnes.

Les luttes sont plus nombreuses et pourraient annoncer un fort premier Mai.

La quasi totalité des médias ( L’Humanité exceptée) a fait le silence sur la journée du 9 avril. N’empêche : de nombreuses luttes se développent, dans les entreprises et dans les branches. Toutes les études d’opinion récentes montrent bien que montent fort les questions de création d’emploi, de conditions de travail, de qualité du travail mais aussi le salaire, l’augmentation du salaire, du pouvoir d’achat, des pensions et retraites. C’est là le fond de la conflictualité sociale qui prend de l’ampleur. Ce climat devrait permettre de lever des soupapes, d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. C’est ce dont nous avons besoin : une plus grande combattivité. Et j’ajoute qu’on enregistre des résultats dans de nombreuses entreprises ; des salariés gagnent sur l’augmentation de salaires. Ce n’est pas rien au moment où dans la fonction publique, le point d’indice est gelé depuis 2010, où les retraites sont gelées, où l’augmentation du Smic est insignifiante. On a besoin aujourd’hui de relancer la machine, de relancer la croissance économique pour permettre de faire repartir l’emploi. Une parenthèse : le détournement du crédit d’impôt recherche ou du crédit impôt compétitivité, tout cela va devenir un scandale d’État ! Des milliards d’euros sont mis à la disposition des entreprises pour soit-disant investir mais cet argent est détourné pour renflouer les fonds de trésorerie, restaurer les marges des entreprises. A l’arrivée, il n’y a pas plus d’investissement que de création d’emploi.

Dans le rapport d’Oliver dartigolles, il est question, à propos des luttes, de « développer des initiatives de solidarité concrète » ; comment l’entendre ?

Je pense qu’aujourd’hui on a besoin d’être plus audibles, de crédibiliser nos propositions en rupture avec les politiques libérales. Il s’agit de réintéresser à nouveau les citoyens , les salariés à l’action politique, au combat politique en disant : tout n’est pas figé, il y a une autre issue à gauche que la politique menée. Tant au niveau du Parti communiste que du Front de gauche, on a besoin de revisiter, de recalibrer nos dispositifs, nos outils pour être plus efficaces. Il faut reconstruire une offre politique populaire, citoyenne, en rupture, redonner envie d’une gauche de combat en matière sociale. Et j’ajoute : il faut nous libérer de positions individuelles qui nous sclérosent, il faut remettre du collectif, du commun.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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