Bon

Daewoo

Au départ il y a un scandale et une lutte : Daewoo, multinationale coréenne, s’implante à la fin des années 80 au cœur d’une zone sinistrée de Lorraine ; la firme reçoit un pactole d’aides publiques, près de 50 millions d’euros, pour fabriquer des téléviseurs, des micro-ondes. En 2002, après avoir épuisé cette aide publique, le patron, Kim Woo Choong, liquide le site, met sur le carreau 1200 personnes, des femmes, déménage le matériel à l’étranger et disparaît ! Un escroc notoire et pourtant on lui a remis la Légion d’honneur et donné la nationalité française pour service rendu.
Ensuite, grève, occupations, luttes. François Bon et le dramaturge Charles Tordjman feront de ce drame une pièce de théâtre, montée à Avignon l’été 2004. De cette expérience, Bon fait un livre, le roman d’une délocalisation. Un ouvrage de 49 sections où alternent entretiens avec d’anciennes ouvrières, documentation sur l’affaire, récits des visites. Un travail contre l’effacement de la vie de ces ouvrières, de l’usine, elle même démontée ;
« Perte d’emploi, perte de soi » pour reprendre la formule de la sociologue
Danièle Linhart.
Il s’agit ici de lutte pour la dignité contre l’humiliation, le suicide (celui de Sylvia, la meneuse), le divorce, le cancer ; de lutte contre l’effacement du monde du travail, d’usines, de sa culture, qui plus est en Lorraine déjà meurtrie.
Importance des dialogues, de la parole ouvrière qui dit « non pas la nostalgie de l’usine : nostalgie de ce qui te protégeait de l’angoisse » ; qui dit aussi « riche dans une société bien faite, ça devrait être à tour de rôle ».

Le livre montre aussi à l’oeuvre la « novlangue » libérale, ces périphrases et ces euphémismes avec lesquels les patrons entourloupent, emberlificotent et finalement coulent les salariés.
Intitulé roman, ce livre de reportage est une autre façon d’aborder le romanesque, de traiter le réel, la fiction, d’y intégrer la documentation.

Un des livres pionniers faisant de l’entreprise un sujet de roman.
(Café littéraire 2005).

Fayard



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