Tuil

Karine Tuil

Douce France

Grasset

Le titre reprend une romance de Trenet, reprise récemment par un groupe
de musique en vogue ; on comprend qu’on va parler de la façon dont notre
pays accueille l’étranger. Tout commence dans un décor qui ressemble à
ce qu’on peut voir sur les quais d’Ivry : un groupe de clandestins venus
de l’Est attend pour vendre ses bras. Une jeune femme, notre héroïne,
qui a besoin d’aide pour monter sa bibliothèque, passe par là ; arrive
des cars de police, contrôle d’identité, les étrangers sont embarqués,
la jeune femme aussi. Elle avait laissé ses papiers à la maison et
subitement déclare aux fonctionnaires qu’elle est roumaine ! Elle va
connaître alors une sorte de descente aux enfers, commissariat, juge
puis un centre de rétention comme il en existe au Chatelet, à Vincennes
ou à Roissy, lieu hors du monde, hors de l’Etat de droit aussi.
S’ébauche sur fond de tensions un début d’histoire d’amour entre cette
franco-roumaine et Yuri, bielorusse clandestin.

Pourquoi cette femme a-t-elle choisi de mentir ? En réalité, l’incident
où elle se trouve mêlée télescope avec sa propre histoire. Cette fille
de juifs venus du Maghreb et intégrés depuis peu, elle qui est si
parfaitement à l’aise, cultivée, reconnue, retrouve cette part d’elle
oubliée, les efforts terribles que firent ses parents pour rentrer dans
le rang, se faire accepter, se faire oublier. C’est pourtant elle qui,
paradoxalement, dit dans l’incipit du roman : « Du plus loin que je me
souvienne, je me suis toujours sentie en situation irrégulière ». On
retiendra encore cette phrase en exergue, tirée du Deutéronome : « Vous
aimerez l’étranger, vous qui avez été étrangers dans le pays d’Egypte ».
Bref, un beau roman d’amour pour l’étranger.

Un livre court qui se lit très vite.

Karine Tuil est née en 1972. Elle fut d’abord juriste. Elle a commencé à
écrire en 2000, notamment « Tout sur mon frère » et « Quand j’étais
drôle » qui a eu le prix 7e art.



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