Divry

La condition pavillonnaire

Revoilà Madame Bovary, modèle 2014. L’héroïne n’est nommée que par ses initiales, M.A. (=Emma...). Cette dame âgée, qui se souvient et passe en revue son existence, l’auteure la tutoie ( « Tu t’ennuyais beaucoup quand tu étais petite »).
Le récit est chronologique. Une première partie évoque l’enfance, la jeunesse, jusqu’au mariage. M.A. est née au milieu des années 50, famille modeste ;enfance normale, plutôt solitaire.
Dans la deuxième partie, voici le mari, le pavillon, les objets. Autant les
personnages sont assez peu décrits, autant les objets sont mentionnés avec une redoutable (et angoissante) précision. Il y a ici le sentiment implacable de la répétition, celle des gestes de la vie quotidienne, hérités sans doute de sa mère et la mère de sa mère, l’ineluctabilité du temps qui passe ! Pointe l’idée : c’est ça, la vie ? cette interminable répétition de gestes et de phrases toutes faites ? Des séquences d’anthologie sur la place de la télévision, de la voiture, du lave-linges, de la lessive, de beaux moments, très stressants aussi, sur la préparation du repas (avec des amis), sur une soirée (réussie ?), sur le couple. L’ordre qui règne dans cette existence n’est peut-être que du vide ? L’insatisfaction est latente. M.A. y échappe le temps des vacances, d’une passion amoureuse aussi. Mais l’amant s’en va, la routine revient.
La troisième partie raconte une lente démission. Et l’auteur sait manier l’objet pour dire l’atmosphère. Exemple :« Cinq années avaient passé, la machine à laver tomba en panne, elle était hors garantie. »

Jamais Sophie Divry ne se moque de son personnage, elle ne la prend pas de haut ; trop de fois dans ce récit, comme Flaubert disait « Mme Bovary, c’est moi », le lecteur peut se dire « M.A., c’est moi ? », et il n’aime pas forcément ça.
« La condition pavillonaire » est un livre qui grince, qui dérange. Une critique a parlé de « roman discrètement puissant, terriblement mélancolique ».

Noir/Blanc



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