Constant

La bête à chagrin

Paule Constant

Gallimard

Un roman bouleversant au titre magnifique. Une tragédie dont le titre
est à lire au premier degré : il y est vraiment question d’une bête, d’un
chien, incarnation du désespoir, de l’abandon, de la dépendance, mais il
désigne aussi des personnages pitoyables et déchirants, à commencer par
Cathy et Jeff.

Cathy a tout d’une femme heureuse, un mari charmant, sportif, un bel ado
de fils, un travail de cadre, une belle maison en bord de mer, pas très
loin de Marseille. Mais une série de coups de tonnerre la destabilisent :
son mari la quitte pour sa meilleure amie, Malou ; au même moment, Cathy
se retrouve enceinte, tout comme Malou ; puis Malou met au monde un petit
Angelo, le même prénom qu’elle même a choisi pour son deuxième enfant.

Autant de grains de sable qui vont faire dérailler la mécanique mentale
de Cathy. Pour passer du drame à la tragédie, il faut un nouvel
ingrédient : ce sera Jeff. Une bête à chagrin que ce Jeff. Comme son
chien d’ailleurs. Un enfant du malheur devenu un marginal adipeux,
mythomane. Par certains côtés, il fait un peu penser au héros du film
« un ami qui vous veut du bien », celui qui prend au mot vos fantasmes,
vos colères. Jeff est d’un tout autre monde que celui de Cathy.
Normalement, ils n’auraient jamais du se croiser. Mais la collision de
ces chagrins va devenir explosif.

« La bête à chagrin » est une sorte de thriller psychologique (?), plus
psy que thriller, d’ailleurs, une longue descente dans le déséquilibre
mental qui explique et accompagne une dérive meurtrière. C’est décrit
avec une grande finesse, sans jamais mordre le trait, avec un réalisme
impressionnant. On est partagé entre peur et compassion, peur de ces
personnages dont les gestes peuvent être irréparables et compassion
devant la machine paranoiaque qui prend forme, s’organise, tisse des
liens de plus en plus étroits et dangereux. Même si on suppute d’emblée
l’issue fatale, on a très envie de savoir comment se sont passées les
choses.

Une écriture impeccable au service de cette angoisse qui va crescendo.
Un roman construit comme une enquête policière et qui, avec ses 50
chapitres courts, se lit avec facilité.

Paule Constant est née en 1944. Universitaire, elle écrit depuis le
début des années 80 : des essais sur l’éducation des filles, des
scenariis de films, une dizaine de romans. Elle a eu le grand prix de
l’Académie française pour « White spirit » et le Goncourt pour
« Confidence pour confidence ».



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