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Trois femmes disparaissent

Un texte troublant, dans la forme (des chapitres courts et percutants) , dans le fond : une enquête romancée sur trois stars de Hollywood, Tippi Hedren, Melanie Griffith et Dakota Johnson. Tout le monde les connaît, un peu, beaucoup, passionnément. Tippi Hedren est l’interprète de « Les oiseaux » ou « Pas de printemps pour Marnie ». On a pu voir Melanie Griffith dans « Working girl » ou « Body double ». Et Dakota Johnson est l’héroïne de « cinquante nuances de Grey ». Il s’agit non seulement de trois actrices connues mais aussi de la mère, de la fille et de la petite fille. Et on s’aperçoit que ces trois générations revivent à peu près les mêmes épreuves, le même rapport (de soumission) aux hommes (aux patrons en fait), la même relation au corps, la même dépendance du regard des autres. Comme dit l’autrice, « elles racontent la même histoire, celle de toutes les femmes ». Et c’est plutôt rude. On s’aperçoit par exemple que l’une et l’autre, la mère et la petite fille notamment, signent des contrats hallucinants qui les mettent complètement à la merci de leurs réalisateurs. Alfred Hitchcock impose ainsi à Tippi Hedren un contrat d’exclusivité de cinq ans, financièrement nul et comportant des clauses qui relèvent du chantage sexuel, du plus pur harcèlement. « Il (Hitchcock) m’a fixé (Hedren dixit) et s’est contentée de me dire, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, qu’à partir de ce moment, il s’attendait à ce que je me rende sexuellement disponible et accessible pour lui, chaque fois qu’il le désirait, quels que soient la manière et le lieu où il le désirait ». Dans le même temps, Hitchcock, possessif, jaloux, grossier, se comporte avec une rare désinvolture avec son actrice durant les tournages. Les pages consacrées par exemple à cette scène illustrissime des « Oiseaux » où Tippi Hedren traverse le grenier de sa maison envahi de volatiles sont sidérantes. Dans la plupart de ses films, Griffith sera tenue de jouer nue ou dénudée. Quant à « Cinquante nuances de Grey », il offre, nous dit Hélène Frappat, un remake des tournages avec Hitchcock : « Grey contrôle ce que mange et boit la Soumise, son comportement, ses fréquentations, sa garde-robe, son maquillage, comme Hitch surveillait l’alimentation, les boissons, le poids, les tenues, la vie sociale de la Fille, y compris en dehors des tournages, lui interdisant toute intimité – même amicale et professionnelle- avec un homme autre que son patron ». Bref les rapports actrice/réalisateurs se répètent, en pire. Et l’autrice dira, par ailleurs, que ce n’est pas un hasard si le mouvement MeToo est née dans le milieu des artistes : « Elles vivent en grand de façon magnifiée ce que vivent et font toutes les femmes ». Romancière et critique de cinéma, Hélène Frappat à dernièrement publié « Le Mont Fuji n’existe pas ».

Actes Sud



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