Aurousseau

Nan Aurousseau

Bleu de chauffe

Stock

Bien que publié dans la « blanche » comme on dit, ce livre est un vrai
livre noir. Premier roman d’un titi parisien de 50 ans, un exemple
d’écriture populaire ; le style est dru, vif, nerveux, condensé,
argotique parfois. Le sujet, ou du moins le cadre, est la vie ouvrière ;
notre héros est un plombier, un ouvrier plombier. Déjà cette rareté est
une merveille : un héros qui n’est pas avocat ni journaliste ni romancier
mais plombier. Et l’ouvrage nous promène sans vergogne dans l’univers
des chantiers, dans ce monde de la construction d’une rare dureté, avec
un travail à risque, un racisme plus ou moins entretenu, des petits
patrons véreux, des donneurs d’ordre combinards, etc.

Donc, un récit écrit par un ouvrier ( c’est le cas de Nan Aurousseau)
sur la vie ouvrière, quelle étrangeté ! Il est significatif que l’auteur
donne, en fin de livre, un glossaire des termes techniques, des méthodes
de travail, des outils, des qualifications professionnelles. Un peu
comme si l’ouvrier et le parler ouvrier étaient devenus une langue
étrangère.

« Bleu de chauffe » en fait raconte une double histoire, celle d’un
plombier qui piste son patron en train de déménager en douce son coffre
fort et celle du héros qui revisite son passé, sa famille, la
délinquance, la prison. Là encore, les données autobiographiques sont
évidentes et expliquent cette façon, souvent très juste, de parler de la
misère en milieu ouvrier ; de l’intoxication par la télé ; du pognon et de
l’exploitation ; de la prison ; des quartiers difficiles comme on dit ; de
Manchette, un pape du polar français que notre héros croisa, écoutant
ses conseils d’écriture. Il y a des pages drolissimes sur ses rapports
avec sa femme, rapports amoureux bien sûr, rapports agacés aussi, par
exemple quand elle se met à passer l’aspirateur (une page d’anthologie).

On sent chez le héros (et son auteur) une force terrible, une rage
contenue, maîtrisée, mais qui peut à tout instant vous sauter au visage.

« Bleu de chauffe » a eu le prix 2006 du salon du livre d’Arras.



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