Roger

Marie-Sabine Roger

La tête en friche

Rouergue

Un livre épatant, généreux, confiant, drôle, presque une fable. C’est l’histoire de Margueritte et de Germain. Elle est une dame âgée, cultivée, attentive, usée ; lui un quadra très brut de décoffrage, un type simple, voire sommaire, voire rudimentaire, voire limité. Un moment, il dit de lui qu’il est « un pauvre gland qui lit à peine mieux qu’un gosse de sept ans ». Ils se croisent assez régulièrement dans un parc de la ville sans se voir et un jour, alors qu’il est en train de compter les pigeons, elle lui demande combien il en a trouvé ; ils tombent tous deux d’accord sur le même nombre ; puis lui avoue qu’il leur a même donné à chacun un nom, un surnom plutôt. Ainsi commence leur liaison, improbable, non point amoureuse mais affective où la dame amène le gaillard... à la lecture, au livre, à la culture, à l’émancipation peut être. C’est complètement idéaliste et réaliste à la fois, séduisant, délicieux. Ce type est en friche comme dit le titre et le petites graines sous forme de mots que la dame glisse dans sa matière grise vont doucement germer. Grande lectrice, elle lui lit des extraits de romans qu’elle a aimés, Camus et le début de La peste, Romain Gary et l’amour (trop fort) de la mère, Sepulveda, etc. Il se laisse faire, se sent plutôt flatté de cet intérêt, puis s’intéresse, puis puis puis...
Où l’on assiste à la métamorphose, lente, relative mais réelle, d’un « beauf ». On le voit littéralement découvrir les mots, le dictionnaire, la lecture, le livre, la bibliothèque (très belles pages sur sa première visite en ce lieu, lui qui était plutôt abonné au zinc du bistrot d’en face !)et, petit à petit, bouger, dans sa manière de raisonner, de voir les choses, les autres, sa mère, sa copine, ses amis de bistrot. Le sujet pourrait donner lieu à un traitement paternaliste, inégalitaire, gniangnian, voire doucement méprisant sur le thème de l’intello et du débile. Or l’auteure a su donner à ses personnages une belle humanité, une authenticité, une franchise. Et puis le texte est bourré de formules épatantes. Germain a de la gouaille et sa rencontre, maladroite et pleine de bonne volonté, avec une culture que personne jusque là ne lui avait proposée, provoque des chocs étonnants, des inventions linguistiques saugrenues.
L’auteure, née en 1957, est surtout connue pour ses livres « jeunesse » ( 100 titres !).



Site réalisé par Scup | avec Spip | Espace privé | Editeur | Nous écrire