Duteurtre

Benoit Duteurtre

La cité heureuse

Fayard

Une sorte de fable où Duteurtre, à son habitude, se moque de notre
monde. Dans une première partie, on découvre une vieille ville au riche
patrimoine, à peine sortie du totalitarisme ( on s’imagine dans une
capitale de l’Est comme Prague ou Budapest). Cette cité est transformée
en parc de loisirs ; le site est privatisée au profit d’une
multinationale qui anglicise les lieux ( la ville deviant « Town park
 »), draîne des foules de touristes étrangers dans des itinéraires
pseudo-historique et oblige les résidants à se déguiser en figurants de
ces spectacles de pacotille. Le héros du récit, écrivain et scénariste
pour la télé, est de la trempe des révoltés qui refusent ces simagrés
mais... il faut bien vivre ; alors il finit par s’adapter et passe sous
fourches caudines du nouveau pouvoir qui sait corrompre les artistes.
Dans une seconde partie, notre héros voit sa situation se dégrader,
professionnellement et physiquement, dans le même temps où la société
qui gère la vieille ville se comporte de manière despotique, arbitraire.
Ses scénarios sont refusés, il retrouve son statut d’intellectuel
précaire. La troisième partie est pleine de mélancolie ; la cité est en
crise (économique, sociale, démocratique) ; l’heure des révoltes et de la
grande regression a sonné.

Ajoutons que dans chacune de ces trois parties, le héros-narrateur
intègre un de ses scénarios de série télé, sorte de nouvelle dans le
roman, où l’on rencontre le couple de l’écrivaine qui dit toujours non
et du politicien ouiouiste, la première dévoilant dans un livre les
perversions de l’autre ; une histoire de familles homos et d’adoption ;
une autre sur l’art et l’intolérance.

L’auteur joue avec ses personnages qui parfois l’interpellent ; à retenir
la belle scène finale où le narrateur revasse sur une plage du Nord, au
milieu d’un épais brouillard quand, petit à petit, les personnages de
ses scénarios s’invitent à côté de lui et l’interrogent à leur tour ;
toi, auteur ; qui parle si bien de nous, pourquoi ne nous parles tu
jamais de toi ?

Un livre au charme étrange. On sourit souvent, on rit parfois. Duteurtre
est très bon pour se moquer des travers de son (notre) époque. En fait
tous ses livres visent le même objectif : épingler les paradoxes d’une
modernité promettant le progrès là où elle n’engendre souvent que
régression et dérèglement. Sa plume est souvent empreinte d’une
nostalgie pour « le bon vieux temps », une approche qui lui vaut parfois
des critiques du genre = où finit la nostalgie, où commence le
conservatisme ?

Duteurtre est un jeune quinqua, connu comme mélomane et auteur
sulfureux ; son précédent roman « La petite fille et la cigarette » a
connu un gros succès.



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