Marie-Claude Vaillant-Couturier Nuremberg

HUMANITE mai 2023
Marie-Claude Vaillant-Couturier
A Nuremberg

Clandestine depuis 1939, Marie-Claude Vaillant Couturier, qui travaille alors avec la direction communiste, doit faire l’apprentissage de l’illégalité. Cependant, au terme d’une filature implacable, la police parisienne finit par l’arrêter, début 1942.
Conduite au fort de Romainville, elle découvre la vie en prison, les codes de communication entre détenues, la solidarité si forte entre « politiques ». Janvier 1943 : elle se retrouve en gare de Compiègne dans un convoi de 230 femmes. Direction inconnue. Deux jours plus tard, elle arrive à Auschwitz, près de Cracovie (Pologne). « On nous a fait sortir à coups de crosse pour nous conduire au camp de Birkenau », un des camps annexes d’Auschwitz. En entrant dans ce lieu de désolation, ces femmes chantent la Marseillaise. En aout, des 230 du convoi de janvier il ne reste que 57 survivantes. Un taux de mortalité effrayant provoqué par la saleté, le froid, les coups, la faim. On meurt de néphrite, de pneumonie, de dysenterie. Le typhus rode. Sa parfaite maîtrise de la langue allemande lui permet de déjouer les pièges des bourreaux. Elle réussit à travailler au « revier », l’infirmerie du camp, aux côtés de Danielle Casanova.
Sa situation, celle de ses co-détenues est connue de la Résistance francaise. Radio-Londres en parle, Aragon évoque « Marie » dans un de ses poèmes. Ses bourreaux doivent tenir compte de cette forme de pression internationale ; elle pourra un temps correspondre avec sa famille. Quand plus tard elle témoignera sur cet enfer (notamment auprès de son amie Yann Viens), elle mettra volontiers l’accent sur le sens de l’entraide de ces prisonnières mais elle remarquera aussi que cet univers concentrationnaire pouvait ramener l’être humain à l’état de bêtes sauvages ; elle ne manquera pas de s’étonner également de l’espèce de reconstitution des classes qui s’opérait parfois entre prisonnières.
Tout au long de ces longs mois noirs, la rumeur selon laquelle l’armée rouge progressait sur le front de l’Est fut pour elle et ses compagnes un puissant encouragement.
Début aout 1944, elle est transférée à l’ouest, vers un autre camp, Ravensbrück. Il s’agit d’un camp de femmes au nord de Berlin,. A son arrivée, Marie-Claude s’étonne d’y croiser des femmes aux cheveux blancs ; à Birkenau, les prisonnières n’avaient pas le temps de vieillir. Ravensbrück reste cependant un univers terrible avec ses chiens, ses camps de travail. C’est un centre surpeuplé, désorganisé, où les « transports noirs », c’est à dire la mise à l’écart des détenues les plus faibles afin de les tuer, pour « se débarrasser d’un matériel humain excédentaire » selon la terrible formule de Germaine Tillon, se multiplient.
Fin avril 1945, les nazis prennent la fuite. Commence alors un étrange interrègne, dans l’attente des soldats soviétiques. Marie-Claude sillonne le camp, aide ses sœurs de misère. Le correspondant d’un quotidien qui vient de se créer à Paris, « Le Monde », Rémy Roure, arrive à Ravensbruck. Dans son reportage, il écrit, à propos de Marie-Claude Vaillant Couturier : « Chaque jour, cette magnifique Française parcourt les blocs, relève les courages, donne de l’espoir qui n’est souvent que de l’illusion. Le mot de sainteté vient à l’esprit quand on voit cette grande sœur de charité auprès de ces hommes et ces femmes qui meurent chaque jour. »

Elle ne rentre en France que le 25 juin, par avion, au Bourget. Son premier geste : se rendre au siège du PCF où on la fête. Le lendemain, elle est présente au 10e congrès du parti. Sans transition. Elle est appelée à témoigner le 26 janvier 1946 au procès de Nuremberg, où les Alliés mettent en accusation la direction nazie. Des juges britanniques, américains, soviétiques et français font face à 21 accusés allemands. Les images de Marie-Claude, ce jour-là, ont fait le tour du monde et alimentent abondamment encore Internet. Son rôle est devenu un grand « classique » présenté dans les écoles ; dans la série télévisée « Nuremberg », il a été tenu par Charlotte Gainsbourg. Depuis le début du procès, c’est la première femme qui s’exprime. Une belle femme, cheveux tressés, écouteurs sur les oreilles, qui parle lentement pour les traducteurs. A son arrivée dans la salle, elle s’était approchée des bancs nazis. Allait-elle faire un esclandre ? Non, elle les regarda, l’un après l’autre, elle voulait voir à quoi ressemblaient ces salopards : « J’ai eu la satisfaction de plonger mes yeux dans ceux de Goering et j’avais l’impression que, par ma bouche, c’étaient des millions de mortes qui l’accusaient. » Marie-Claude reconnaîtra ensuite l’importance des concepts juridiques établis à Nuremberg mais elle regrettera aussi l’absence à ce procès des grands groupes capitalistes, de la haute finance allemande qui avaient largement soutenu Hitler.
Elue députée communiste à la libération, elle présidera la fondation pour la mémoire de la déportation jusqu’à sa mort.

Gérard Streiff
(auteur de « Marivo. Une vie de résistance » aux éditions Ampelos, 2021)



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