Après les européennes

Ne pas laisser le peuple de gauche dans la résignation

Présidente du Conseil national, Isabelle de Almeida livre une première analyse du scrutin européen, du score du Front de gauche et dresse ce qu’elle appelle « une feuille de route » des combats à venir.

Quelle est ton appréciation d’ensemble du scrutin européen ?

Les sondages, les études dont on pouvait disposer laissaient prévoir une montée des populismes et des extrêmes droites en France et en Europe. En même temps, on dira qu’on fait face aux hypothèses les plus fortes parmi celles qui étaient envisagées. C’est un vrai séisme avec ce score du FN, un taux d’abstention très fort ; une abstention qu’on avait déjà perçue en 2009, en réaction au non respect du vote du référendum de 2005. Tous ces symptômes à l’œuvre depuis 2005, aujourd’hui ça explose, c’est le cas de le dire, à la face de tout le monde. L’UMP est très en dessous du FN ; cette formation se retrouve en tête dans cinq circonscriptions sur huit, avec des scores très importants dans certains endroits (Nord ouest, Est). Toutes familles confondues (FN, UMP, Centristes), la droite est très majoritaire. Le PS est au plus bas, les écologistes reculent ; le total de la gauche est bas. Ça fait 10 ans, au moins, sur cet enjeu européen, qu’on méprise les électeurs, on ne les respecte pas. Voilà le résultat. On l’avait senti lors des municipales, il y a un vrai malaise démocratique qui s’approfondit. La crise politique s’aggrave. Le scrutin marque aussi un mécontentement par rapport à la politique menée par l’actuel gouvernement. Celui-ci est très fortement sanctionné, comme le parti qui porte cette politique-là. Ce parti a tenté de mener une campagne sur des thèmes comme le refus de l’austérité, il affichait des candidats (dans l’Est notamment) au profil de salarié, mais rien n’y a fait. Ils n’a pas répondu aux attentes, aux revendications des gens, il a encaissé le désarroi, la colère de la part du peuple de gauche, sa résignation aussi.

Et que dire plus particulièrement du score du Front de gauche ?

Même si on était lucides, divers sondages nous avaient mis en garde, les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’on ambitionnait. On reste à peu près dans les mêmes niveaux de résultats qu’en 2009 ; il n’y a pas de baisse forte mais ça ne fait pas le compte. Ainsi on perd, de très peu de voix, le poste de député européen de la région Nord-ouest. En même temps, de manière contrastée, au niveau de l’Europe, notre groupe parlementaire va se renforcer. Dans certains pays, qui subissent une austérité plus drastique encore, la gauche dite radicale progresse et le groupe devrait donc compter plus de députés européens.

Et maintenant ?

Il y a un travail d’analyse à mener, regarder au plus près dans certaines régions, certaines communes, ce qui s’est passé avec la montée du FN notamment. Mais il faut envoyer tout de suite un signe aux militants, il faut faire en sorte qu’ils s’y retrouvent. On sent bien, chez un certain nombre d’entre eux, militants communistes, Front de gauche, socialistes, de la colère, du désarroi ; il y a un effort de lucidité à faire, pour mesurer ce qui en train de se passer. En même temps, il faut qu’on soit en capacité de réagir, de dire : on est là, on ne se replie pas dans son coin, on ne rentre pas chacun chez soi. On est là, on résiste, on résiste au libéralisme, avec cette Europe qui est très à droite. On est là aussi pour construire l’espoir. Bref, on est là autant pour agir tout de suite sur des questions d’urgence et aussi pour refonder la gauche. Deux étapes qu’on doit montrer. Il y a des urgences à prendre à bras le corps, et sur lesquelles on peut rassembler du monde : la question de l’industrie. Le PCF travaille une prochaine convention sur l’industrie mais tout de suite, il y a la question d’Alstom où on peut s’adresser à beaucoup de monde. Va-t-on suivre la ligne du gouvernement ou trouver une solution pour garder Alstom dans le fleuron industriel français ? Il y a la question de la réforme ferroviaire, très contestée par les agents et que le gouvernement veut présenter dès juin ; je rappelle qu’il y a eu une forte manifestation, la semaine dernière, des cheminots dont on a trop peu parlé. Il y a la question des collectivités locales, des services publics locaux. Le gouvernement prépare une loi-cadre dès l’été, voilà encore une batailles d’urgence. Il y a toute la bataille contre les politiques d’austérité, qui a rassemblé du monde dans la rue le 12 avril : nous voulons lui donner une suite, le 21 juin, en rassemblant l’ensemble des personnalités concernées, en élargissant aussi à tous ceux qui veulent proposer une autre politique. Voilà un peu la feuille de route qu’on peut avoir, avec le souci de rassembler très largement tous ceux qui sont mécontents de la politique gouvernementale, qui sont désorientés et par les municipales et par les européennes, et ça fait du monde. Il ne faut pas les laisser dans une forme de résignation. Le peuple de gauche a besoin qu’on avance ses valeurs de gauche, et qu’on explore des réponses concrètes aux urgences sociales, écologiques, d’aujourd’hui.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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