Reed

L’Américain rouge

« Bohème, vagabond, aventurier, séducteur, poète, reporter, correspondant de guerre, militant révolutionnaire, auteur de grandes fresques sur les convulsions du XXè siècle naissant, John Reed fut certainement l’un des écrivains les plus prometteurs de son temps » écrivent les éditeurs dans un avant-propos enthousiaste et fort documenté.
L’Américain John Reed fut une sorte d’ogre rouge, on pense à ce propos à quelqu’un comme Paul Vaillant-Couturier.
De Reed, on connaît, assez bien « Dix jours qui ébranlèrent le monde » (publié en France à l’initiative des communistes), un peu moins « Le Mexique insurgé », parfois « La guerre dans les Balkans » mais on ne connaît pas la série d’articles ou de nouvelles, une quinzaine de textes, inédits en français, et contenus dans ce recueil.
L’ouvrage propose une belle iconographie, notamment des dessins de presse publiés dans des organes comme « The masses », « The liberator » ou « Metropolitan Magazine » des années 1910/20. « Un autre cas d’ingratitude » par exemple, de juillet 1913, évoque sa rencontre, une nuit glaciale, à New York avec un clochard à qui il offre un miraculeux repas puis il l’interroge. L’autre mange, fume mais se mure dans une dignitié bafouée : « Croyiez que parce que vous m’avez fait la charité j’allais vous raconter une histoire à faire pleurer. »
L’extrait intitulé « La révolution sociale au tribunal » est tiré d’un reportage sur le procès d’une centaine d’ouvriers à Chicago, en juillet 1918. Les portraits des magistrats ou des prisonniers, « cent un hommes qui pensent que les richesses du monde appartiennent à ceux qui les produisent », « couverts de cicatrices laissés par les blessures de l’industrie – et de celles de la haine que leur porte la société », sont impeccables. John Reed, qui rentre alors d’un séjour en Russie bolchevique, ajoute : « (Ce) procès des IWW au tribunal fédéral de Chicago ressemblait à une meeting du Comité central exécutif des soviets des députés ouvriers à Petrograd ! »
L’ouvrage est un hommage à celui qui dit un jour : « Le communisme, c’est la liberté plus le champagne pour tous . » Né en 1887, mort en 1920, à 33 ans, à St-Petersbourg, l’Américain John Reed se réinvite ainsi de belle manière dans l’actualité. On se rappelle qu’aux Etats-Unis, où l’homme est globalement peu prisé, le film de Warren Beatty, Reds, lui avait rendu (un peu) justice. C’était en 1981.

John Reed
« Esquisses révolutionnaires »
Edition Nada, 248 p, 18 euros, 2016

Gérard Streiff



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