22e congres/Huma

4/8 février 1976
Le 22e congres du PCF
Proprement historique

Le 22è congrès du PCF est une date clé dans l’histoire communiste. Il y eut des congrès fameux avant celui de 1976, il y en aura d’importants après. Mais ce congrès-là marque un tournant, avec un avant et un après. Comme il faut toujours un début à une histoire, on va dire que celle du 22e congrès commence en 1968. Les communistes cette année-là vivent un double choc. Le formidable mouvement social (pour reprendre une terminologie d’aujourd’hui) du printemps, auquel le PCF prend pleinement sa part, lui pose en même temps bien des questions sur l’état de la société, auxquelles il n’a pas toutes les réponses. Puis, durant l’été, l’invasion par des pays « frères » de la Tchécoslovaquie en train d’expérimenter une forme de démocratie socialiste, et ce malgré tous les efforts déployés par la direction française pour éviter cette catastrophe, bouscule le parti sur l’état cette fois des pays de l’Est.
Ces deux défis vont amener la direction à pousser les feux de la réflexion théorique qui conduit en décembre 1968 au « Manifeste de Champigny », texte stratégique avec ses nouveautés (insistance sur socialisme et démocratie, sur la voie française) et ses limites (la notion de dictature du prolétariat y est maintenue, sous une formule ampoulée). Puis trois ans plus tard (1973) Georges Marchais poursuit cet « aggiornamento » avec son livre « Le défi démocratique ». Si le PCF garde encore une forte influence électorale, de l’ordre de 20%, il a l’image d’un parti hostile aux libertés. L’idée, entretenue par la droite et le PS, est aussi nourrie par l’actualité des pays de l’Est (dissidence soviétique, crise sociale, etc). Il s’agit donc pour Marchais d’innover en marquant fortement l’engagement démocratique du parti. Dans son ouvrage, il assure par exemple que « l’alternance fonctionnera en toutes circonstances » et « pour tous ». « (Dans le socialisme à la française) les partis d’opposition auront-ils leur place ? notre réponse est simple et claire : oui ». Il défend la laïcité, la neutralité de l’Etat, la libre entreprise. « Dans la France socialiste, la propriété privée aura sa place. C’est évident qu’il s’agisse de l’appartement, de la voiture, de la résidence secondaire et de tout ce qui est nécessaire et agréable à la vie ». Entre parenthèses, qu’il ait fallu attendre 1973 pour affirmer de telles idées dit, en creux, le retard de la pensée communiste pris dans les années 50/60. Au fil des mois qui précèdent le 22è congrès, d’autres initiatives marquantes seront prises, comme le projet de Déclaration des libertés, que le PCF propose de faire figurer en préambule de la Constitution (avril 1975) ou la condamnation du stalinisme (mai 1975). Il s’agit aussi de faire vite car une rude compétition est engagée alors avec le parti socialiste, signataire du programme commun de la gauche ; ce dernier se présente comme le meilleur garant du changement, comme exemplairement démocrate et ne se gêne pas, directement ou via ses réseaux médiatiques, pour affubler son partenaire communiste des pires tares (stalinien, totalitaire, etc).
Le 22e congres est donc l’aboutissement de dix ans de réflexions et de mises à jour de la stratégie et du programme communiste, c’est sa force. Ces assises vont prolonger, « officialiser » ce travail de novation : « Il faut ouvrir en France une ère nouvelle de démocratie et de liberté, estime alors Marchais. La démocratie, la liberté, c’est aujourd’hui le terrain principal du combat de classe, du combat révolutionnaire ». Et pour donner sa pleine cohérence à cette orientation, Marchais propose l’abandon du concept de dictature du prolétariat : « Le mot dictature ne correspond pas à ce que nous voulons, il a une signification insupportable, contraire à nos aspirations, à nos thèses ». Cette question de la dictature du prolétariat ne figurait pas dans le texte préparatoire du congrès. C’est Marchais qui hâte le processus en proposant, début janvier, son abandon. Certains lui reprocheront cette démarche « à la hussarde ». Mais pour le secrétaire général, c’est une question de logique : comment défendre une voie démocratique vers un socialisme de liberté, le cœur même du congrès, tout en conservant un concept qui signifiait, pour être clair, une voie répressive vers un socialisme autoritaire ?
Le congrès approuve massivement ce choix proprement historique. « Nul ne conteste, écrit peu après Pierre Vianson-Ponté du journal « Le Monde », l’apparition d’une nouvelle image du communisme en France ». Si ce forum est le résultat d’un travail collectif, il porte fortement la marque de ses deux principaux concepteurs, Georges Marchais et Jean Kanapa.

Encadré
L’eurocommunisme
Les orientations du 22è congrès sont alors partagées par d’autres partis communistes (Italie, Espagne, Grande-Bretagne, Belgique, Japon, Mexique notamment). Ils ont en commun une même analyse de la crise, un même choix de voie démocratique, un même conception du socialisme. Ils se démarquent tant du soviétisme que de la social-démocratie. On appellera cette convergence « l’eurocommunisme », mot qui va connaître, pour de multiples raisons, une gloire aussi éclatante qu’éphémère.



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