Licenciements boursiers

Groupe parlementaire
Contre les licenciements boursiers

Décryptage de la proposition de loi « tendant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives », bel exemple de l’utilité, et de la singularité, des élus communistes.

Une entreprise a-t-elle le droit de licencier ses salariés alors qu’elle se porte bien, fait des profits, chouchoute ses actionnaires ? Apparemment oui. C’est ce qu’on a appelé « les licenciements boursiers » : l’entreprise peut licencier en dépit de sa bonne santé économique. Ainsi l’exposé des motifs de la proposition de loi communiste, très argumenté, énumère les exemples les plus fameux de groupes prospères qui ont pourtant cassé des postes : Michelin en 1999, Total en 2009, Alstom en 2010, etc. La liste est longue de « ces décisions violentes et indécentes » qui avaient rarement pour origine la crise financière mais qui visaient à conserver des marges importantes pour les actionnaires. Dans cette financiarisation de l’économie, « les travailleurs, réduits à leur « coût », sont ainsi relégués au rang de variables d’ajustement d’une économie de casino aveuglée par la rentabilité maximale et l’accumulation des profits ». Le capital met en avant ses choix de gestion, intouchables et sa liberté d’entreprendre pour justifier cette casse. Il invoque son bon droit. Pourtant la justice a su, ces dernières années, mettre en cause ces pratiques. Ce fut d’abord l’affaire LU : le jugement de la Cour d’appel de Paris du 2 décembre 2010 estimait qu’un licenciement dont le seul but est d’accroître la rentabilité des actions ne peut être considéré comme un licenciement économique. Première belle victoire, confortée peu après par l’affaire Vivéo où la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 3 mai 2012, en interdisant une consultation « à caractère déloyal » du CE sur des suppressions d’emploi, suspendait de fait la procédure de licenciement.

Le précédent vote du 16 février 2012

Les juges n’ont fait que pallier l’insuffisance de dispositions législatives en matière de licenciement économique. Il faut leur donner des armes nouvelles pour juger au fond et non plus seulement la forme des licenciements abusifs. D’où la présente proposition de loi qui comporte huit articles. L’article 1 propose de modifier la définition du licenciement économique ; il restreint à trois le nombre de cas où un employeur peut envisager un licenciement pour motif économique : cessation d’activité, difficultés économiques avérées ou mutation technologique. L’article 2 interdit les licenciements abusifs sans cause réelle et sérieuse ; dès lors qu’une entreprise constitue des réserves, distribue des dividendes, des stocks option ou des actions gratuites, le licenciement est abusif donc interdit. L’article 3 prévoit le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique aura été jugé sans cause réelle et sérieuse. L’article 4 introduit la possibilité pour le juge d’apprécier au fond, et non plus seulement sur la forme, les licenciements économiques. Les articles 5,6,7,8 modifient des éléments du Code du travail (et supprime le recours à « la rupture conventionnelle »). Plusieurs éléments de cette proposition de loi, notamment les articles 2 et 3, reprennent l’esprit d’une proposition de loi déposée par les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC), votée par l’ensemble de la gauche sénatoriale le 16 février 2012 et repoussée par une très courte majorité. Tout ce dispositif, conclut l’exposé des motifs, n’est qu’un premier pas qui appelle un nécessaire renforcement des droits des salariés, le développement d’une véritable démocratie sociale ; il devrait être complété par la mise en place d’une sécurité sociale professionnelle et par des moyens permettant la reprise de sites par les travailleurs.

G.S.



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