L.E.M.

Bouillonnement d’idées à gauche
Bilan des auditions du L.E.M.

Michel Laurent, animateur du LEM ( Laboratoire du mouvement des idées) commente les rencontres organisées ces derniers mois par l’association.

Le LEM a eu un calendrier fourni d’auditions ; peux-tu nous les rappeler ?

Dans le courant de l’année 2010/2011, le LEM en effet a auditionné près de 25 intervenants ; ces auditions avaient pour but d’approfondir un certain nombre de questions qui nous paraissaient utiles dans le combat communiste ; les échanges ont porté sur l’analyse de la crise et notamment de ses derniers développements ; ensuite on a abordé les questions internationales, évidemment en étant attentifs aux révolutions arabes ; on a essayé de voir, avec Bertrand Badie, l’état du monde, pour constater que nous vivions non plus dans un monde bipolaire mais dans un monde a-polaire, presque éclaté, dangereux mais aussi plein de promesses de développement. On a essayé de traiter la question des pays émergents, Renaud Lambert a parlé de l’Amérique Latine, on a évoqué l’Inde, la Chine est au programme. Troisième type de sujet : les mutations dans notre société. Soit les problèmes autour des questions de la recherche et du développement, les questions de l’écologie et notamment les rapports écologie et social ( audition de Eloi Laurent ) ; on a traité de la question de l’évolution du combat politique, de la crise de la politique au travers des thèmes de la démocratie participative, de la place des citoyens dans une autre façon de faire de la politique ( avec Yves Sintomer) ; on a eu aussi à traiter de l’évolution du combat syndical, l’appréciation sur le mouvement des retraites en 2010 ; on a abordé la question de la gauche, de son avenir ; Raymond Huard est revenu sur l’histoire de la gauche, comment elle est devenue un mode d’identification politique.

Un assez vaste bilan, donc ; quelles premières leçons ?

Deux conclusions transversales. UN : contrairement à ce qui se dit parfois, il y a un bouillonnement d’idées et de réflexions chez les intellectuels de gauche ; ceux qui travaillent sur l’avenir de la gauche ne se taisent plus ; on y travaille beaucoup la question de l’après capitalisme ; on n’est plus dans la période du « capitalisme = la fin de l’histoire » mais au contraire dans la crise renouvelée du capitalisme ; tout le monde se ré-interroge, pose les questions du changement de système, à l’échelle nationale, de l’Europe, du monde. DEUX : il y a une disponibilité de tous ces acteurs sociaux à travailler la question politique, ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant ; il y avait même une certaine défiance vis a vis du combat politique et des partis politiques. Au fond, il y a une demande de toutes ces personnes d’un nouveau rapport au combat politique, aux partis parce qu’il y a le constat que les mouvements sociaux, si forts soient-ils, se heurtent à la question du changement de la politique et ils veulent maintenant en être. Ça pose de nombreuses questions, à nous et à eux mais la volonté est là de travailler ensemble, pour le changement politique.

Vous avez particulièrement travaillé sur le Front national ; tu peux nous en dire un mot ?

On a auditionné en effet trois chercheurs qui travaillent particulièrement la question du Front National, Jean-Yves Camus, Erwan Lecoeur et Alain Hayot. Les deux premiers nous ont montré en quoi le FN de Marine Le Pen fonde son action sur les mêmes thèmes que le FN de Jean-Marie Le Pen, mais elle a malgré tout crédibilisé un changement, qui la rend d’un certain point de vue plus dangereuse que son père. En ce sens que cette « dédiabolisation » libère des forces et notamment l’idée d’une alliance de la droite et de l’extrême droite, ce qui serait mortelle pour notre pays. Les deux ont fait la démonstration que ce phénomène était européen : sous couvert de droite populiste, ces extrêmes droites appliquent ce même schéma fondé autour du rejet des autres et de l’idée d’un pouvoir fort, autoritaire et antidémocratique. Alain Hayot a développé la question : comment combattre le FN de Marine Le Pen ? En récusant d’abord les visions sociologiques du vote FN. De son point de vue, et je le partage, c’est d’abord un vote politique, d’adhésion à des idées, et pas seulement un vote protestataire ; c’est bien un vote d’adhésion à l’explication du monde et qui vise à amener des propositions et notamment celle de la préférence nationale ; il en conclut que la bataille contre le FN doit être d’abord une bataille sur les idées, une bataille politique et idéologique, pour démonter les arguments du FN, notamment sur le rôle des immigrés dans le développement de la France. Et puis le FN se nourrit de l’absence de perspectives et de la crise de la politique ; le combat pour une autre perspective progressiste, pour recréer l’espoir à gauche est aussi une façon de combattre efficacement le FN.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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