Culture

Une situation catastrophique

Réduction drastique des budgets, casse de festivals, démantèlement de compagnies : la situation de la culture est alarmante. Suicidaire, disent des artistes . Pourquoi ? Quelles résistances ? Quelle alternative ? Entretien avec Alain Hayot, membre de la direction communiste, responsable du secteur Culture.

Le pouvoir prétendait sanctuariser le budget de la culture mais la vague austéritaire frappe durement ce secteur.

La situation des politiques publiques de l’art et de la culture est véritablement catastrophique. Olivier Py, l’actuel directeur du Festival d’Avignon, parle de suicide culturel ! Le mouvement syndical autour de la culture se mobilise. Je crois en effet qu’il y a urgence. Le gouvernement tente de se dédouaner en reportant la responsabilité sur les collectivités territoriales, et particulièrement sur les élus. Il prétend avoir sanctuarisé le budget de la culture. C’est inexact si l’on regarde selon les disciplines concernés. On sort de trois ans de baisses drastiques, baisses qui elles mêmes faisaient suite à un budget, sous Nicolas Sarkozy, déjà fortement diminué. Bref c’est donc aujourd’hui un budget exsangue. Quand la ministre Fleur Pellerin se défausse sur les élus, elle fait semblant d’oublier la baisse globale des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales, de l’ordre de onze milliards en moins, et cela ne pouvait pas ne pas toucher la culture comme les autres politiques publiques. Ensuite, Pellerin ne fait pas la différence entre des élus qui refusent, à juste titre, de faire des choix de coupe entre santé, logement, sport, aide sociale ou culture et des élus de droite et d’extrême droite qui, eux, délibérément ont décidé d’en finir avec les politiques culturelles publiques dans leur collectivités. En faisant cet amalgame, elle tente de dresser un rideau de fumée sur la responsabilité fondamentale de l’État quant à la définition et au développement d’une politique publique nationale et décentralisée de soutien à l’art et à la culture. En vérité, c’est d’une autre politique dont nous avons besoin ; ça ne concerne pas seulement la culture, ça touche l’ensemble de la politique gouvernementale d’austérité à laquelle il faut substituer une autre orientation.

Des resistances, des luttes s’organisent mais on entend l’argument « c’est la crise, la culture n’est pas prioritaire » ! J’ajoute : elle n’est pas comme l’armée !

Il est très important que les acteurs culturels, les artistes prennent toute leur part de ce combat mais il faut aussi que cet enjeu devienne l’affaire de l’ensemble de la société française. Il ne s’agit pas de faire de la culture un combat contre d’autres priorités, nous n’opposons pas la culture et d’autres enjeux comme le logement, la santé, l’école, etc. Le combat pour la culture participe d’un combat général antiaustéritaire et de démantelement des services publics. Pour autant, la symbolique est meurtrière pour un gouvernement qui se prétend de gauche que de déclarer l’armée et la guerre prioritaires contre le social et contre la culture. La République se nie quand elle abandonne l’art et la culture aux marchands, quand elle ne fait pas des droits culturels le socle de l’égalité, et quand elle refuse d’admettre sa propre diversité culturelle.

Quelle alternative pour la culture ?

Mobilisons-nous contre le libéralisme et la marchandisation, contre l’austérité appliquée à toutes les politiques publiques, contre le populisme culturel parallèle à la lepenisation des esprits ; agissons pour refonder le service public de la culture dans une maîtrise publique de la finance, notamment autour de l’Internet, dans une compétence partagée entre l’État et les collectivités territoriales, dans un lien étroit avec l’Education nationale, l’éducation populaire dans la cité et dans l’entreprise. Il faut faire de l’art et de la culture un formidable moyen d’émancipation sociale.

Propos recueillis par Gérard Streiff

PS : sur tous ces enjeux, on lira avec profit le long entretien qu’Alain Hayot a accordé à la Revue du Projet, dans son numéro d’avril 2015.



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