La culture est au cœur de l’actualité

Redonner du sens et de l’ambition
à une politique culturelle publique

La culture est au cœur de l’actualité. La question des intermittents
fait la « Une ». L’enjeu culturel lors des municipales est considérable. Entretien avec Alain Hayot, responsable du secteur Culture à la direction du PCF

Que penses-tu de la question des intermittents ?

Je suis révolté par le ton de la campagne, haineuse, mensongère qui vient du Medef, de la presse de droite. Il faut d’abord rétablir la vérité des chiffres. Les intermittents « coûteraient » un milliard à la collectivité ? C’est faux, c’est à peine le tiers. Ensuite les allocataires de ce régime représentent 3,5 % de la masse des allocataires. Et ils ne recoivent que 3,5 % des sommes distribuées. Alors, parler de privilégiés ?! Le salaire médian, c’est 8000 euros par an. En fait, il faut aller plus loin. Il y a trois arguments forts qui viennent peu dans le débat. Un : le régime des intermittents du spectacle est une forme de sécurisation de la flexibilité du travail, il peut représenter demain une manière de regler les problèmes de la précarité. Deux : si ce régime existe, c’est aussi parce que les artistes et techniciens ne travaillent pas seulement quand ils sont sur scène ou devant/derrière une caméra, il travaillent tout le temps. C’est un peu comme si on ne payait les enseignants que quand ils seraient devant leurs élèves... Trois : ce qui différencie l’humanité de l’animalité, c’est la culture. Et venir nous dire que la collectivité n’a pas à prendre l’enjeu culturel comme un enjeu de civilisation, d’émancipation, c’est un discours indigne, bien à l’image du patronat rétrograde que nous avons.

Que dire de l’enjeu culturel dans ces élections municipales ?

Aujourd’hui, sur 10 milliards de dépenses publiques pour la culture, plus de 7 sont assumés par les collectivités locales et territoriales, dont 4 par les communes ! L’enjeu des politiques culturelles municipales est essentiel, non seulement à la survie mais au développement de politiques culturelles de plus en plus territorialisées. Le pouvoir a la volonté de se débarraser de ces politiques pour les donner aux collectivités qui, elles, par ailleurs, se trouvent asphyxiées, financièrement parlant. Pas de réforme fiscale pour les aider, pas d’obligations légales non plus : l’Acte 3 de la décentralisation ne confie aucune responsabilité aux collectivités en matière culturelle ! C’est simple : si les élus locaux décidaient, aujourd’hui, de ne plus faire de la culture une de leurs priorités, ce serait un effondrement, alors que la demande est considérable, que ce soit en termes d’éducation artistique, d’éducation populaire, de réintroduction de l’art dans le travail, de soutien à la création, de démocratisation et de démocratie culturelle. L’action des communes aujourd’hui est décisive. Mais le risque est grand qu’on assiste à un processus de déculturation à l’échelle des territoires urbains ; ce serait dramatique. Il faut donc que les communes agissent pour avoir les moyens de maintenir, voire de développer ces politiques. C’est par ce biais qu’elles travaillent à l’amélioration du vivre ensemble et à faire société dans leurs territoires.

Or, justement, on a l’impression que l’austérité ces temps-ci frappe fortement la culture.

La culture est vecteur d’émancipation, de civilisation. Alors, comment comprendre ce que fait le gouvernement ? Sur les intermittents, Filippetti et Sapin prétendent défendre le régime mais ils n’interviennent pas dans la négociation, ils ne font pas pression sur le Medef, c’est ahurissant. Pour la première fois dans l’histoire de ce ministère de la Culture, le budget est en régression, une régression forte. On a perdu, entre 2013 et 2014, plus de 6,5 % et on parle de moins 18 % pour les trois ans a venir (2015/2017). Prétendre que la culture doit prendre sa part de l’effort, c’est ridicule car les sommes engagées ici sont dérisoires. Et quand on est de gauche et qu’on tient un tel discours, on se tire une balle dans le pied. C’est la culture qui nous protège de la barbarie, c’est « l’avenir, le redressement, une priorité, une question majeure... » comme le disait le candidat Francois Hollande, qui parlait aussi de sanctuariser ce budget culture ! A présent, il fait exactement l’inverse. Non seulement, il faut s’en prendre à la mise en œuvre des politiques d’austérité en matière culturelle mais, aujourd’hui, quand on est de gauche, il faut redonner du sens et de l’ambition à une politique culturelle publique.

Propos recueillis par Gérard Streiff



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