ACTUALITE
Version radiophonique de ma nouvelle "Travail d’enquête", publiée il y a un siècle par la revue de Nancy "Les refusés", qu’on peut écouter sur la radio associative RCN.radio.org (5 janvier 2024)
http://www.rcn-radio.org/index.php/album/quelles-sont-les-nouvelles/
Au programme de 2023 :
Sortie du septième volume de la série "Les enquêtes de Chloé Bourgeade", Le sosie, aux éditions La Déviation ; de la nouvelle "Prologue" dans la revue "Les Refusés" (Nancy) et de l’étude "Petite histoire des journalistes communistes à la radio-télévision" dans la revue "La Pensée" (412).
Un résumé de ma conférence sur le RN à Strasbourg (août 2023)
HYPERLINK "https://isabellevolat.fr/2023/08/31/strasbourg-aout-2023-2/
"https://isabellevolat.fr/2023/08/31/strasbourg-aout-2023-2/
Belle critique de "Marie Claude Vaillant Couturier" par Françoise Perrier-Argaud dans "Réveil" de décembre 2022, mensuel des églises protestantes du Centre-Rhône Alpes
Superbe article de Christine Le Garrec sur son site "A vos marques...tapage" à propos de "Octobre" (Histoires de lire, n°59)
Critique de la biographie de Marie-Claude Vaillant-Couturier dans "Le Patriote Resistant"
Soirée d’hommage à Jacques Couland (4/2/1922) :
https://fb.watch/aZIwmGWGps/
Echo du "Puzzle Kanapa", éditions La déviation :
https://www.babelio.com/livres/Streiff-Le-puzzle-Kanapa/1330980
et chronique sur France Culture (1/12)
Bonnes critiques de "Marivo" dans "Les cahiers d’Histoire"
https://journals.openedition.org/chrhc/16435
et dans Libresens
http://libresens.blogspot.com/
Sorties 2021 :
La bio de Marie-Claude Vaillant-Couturier intitulée "Marivo" aux éditions Ampelos.
Parution de l’ouvrage collectif "Nouvelles Buissonnières. Arthur Rimbaud à Douai" aux éditions NordAvril (avec ma nouvelle "La lettre manquante").
"Octobre à Paris", le cinquième tome des enquêtes de Chloé Bourgeade ( La déviation).
et
"Je suis RAZAN. Un visage pour la Palestine", sous la direction de Chantal Montellier, aux éditions Arcane 17
Coordination du numéro de Cause Commune pour les 150 ans de la Commune de Paris
Nouvelle "Simple formalité" dans la revue Les Refusés 22 (septembre 2021).
Rappel (de 2020) :
Mon Abécédaire amoureux du communisme aux éditions du Petit Pavé.
Dans la série "Les enquêtes de Chloé Bourgeade", aux éditions La déviation, on trouve "Le demi frère", "Meurtre sur la Zad", "Napalm d’or" , "September" et "Octobre à Paris
.
A noter aussi :
"Tête de serpent", un roman jeunesse, éditions La déviation
Ainsi que "Général Fabien" dans "Rouge cent", un recueil de nouvelles noires sur le centenaire du PCF (Arcanes 17).
AUTRES INFORMATIONS
Echos des livres sur Marie-Claude Vaillant-Couturier et sur Jean Kanapa
https://www.monde-libertaire.fr/?article=Portraits_de_staliniens_
Echos du débat sur le centenaire du PCF à Tarbes le 3 octobre 2021
https://www.ladepeche.fr/2021/10/04/les-100-ans-du-pc-a-la-fete-de-lhuma-9829945.php
Voir les critiques de livres "express" sur le site de la médiathèque d’Ivry ; le café littéraire à la Médiathèque de Bonneuil (20 février) sur les sites de la Médiathèque et de la Ville (plus de 200 vues). Les vidéos des cafés littéraires de la Médiathèque d’Ivry du 14 novembre et du 9 décembre 2020 peuvent être regardées sur le site de la ville ; celle du café de Chevilly/Larue (11 février) est consultable ici :
https://www.youtube.com/watch?v=FeJRpgprlaQRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=Uz0In19RETkRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=aa6rdrNmItARetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=5sMF-BssIEwRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=4mBTuafuP0QRetour ligne automatique
https://www.youtube.com/watch?v=pN-a0W6jbuk
Toujours à Chevilly, la rencontre avec l’écrivain Colin Niel a été filmée.
Le salon polar de Neuilly-Plaisance (avril) est repoussé en 2022.
Pour voir le café littéraire du 9 décembre 2020 (rencontre avec l’autrice Amélie Lucas-Gary), aller sur le site de la mairie d’Ivry, secteur Médiathèque
Pour voir le café littéraire du 14 novembre 2020, aller sur le site d’Ivry ou composer
https://mediatheque.ivry94.fr/syracuse2/bib-drive.aspx
Participation au documentaire de la télévision russe sur l’anniversaire de Nuremberg ; je commente le témoignage de Marie-Claide Vaillant-Couturier
https://yadi.sk/i/Sv6eOEWQP-tBsA
Une chronique de Gilles Vidal sur "Le demi-frère"
http://chroniques-noires-gilles-vidal.over-blog.com/2019/03/a-frerot-frerot-et-demi.html
Italie : Amnistie pour les années de plomb
Le répertoire BALZAC de la SGDL (qui reprend et actualise le catalogue de la BNF) identifie 105 oeuvres, 105 ouvrages à mon nom ( à ce jour, 28 octobre 2018) ; ne sont pas pris en compte ici les participations à des recueils collectifs.
Le roman Grognards.net à l’émission de JM Demetz
https://www.facebook.com/jeanmarc.demetz/videos/10213996481958971/
Le site Wikipédia actualisé
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gerard_Streiff
Après ma visite à l’école Carnot d’Argenteuil le 1er février 2018
http://blog.ac-versailles.fr/cm2bcarnot/index.php/
et
http://blog.ac-versailles.fr/cm2acarnot/index.php/
Ma page sur le site de La maison des écrivains et de la litterature (MEL) :
http://www.m-e-l.fr/,ec,249
Rubrique controverse
Back in the USSR
Auteur : Gérard Streiff
http://www.causecommune-larevue.fr/back_in_the_ussr
"La guerre des petits soldats", chez Flammarion, première parution 2003, réimprimé en 2011, a été vendu à ce jour (2017) à 9500 exemplaires.
Le polar "Retour de flamme"(Jasmin) avait été nominé pour le prix Lion d’or du 15è festival du polar de Neuilly/Plaisance (93)
Voyage au pays des Soviets sur France Culture (Marie Chartron)
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/cent-ans-apres-la-revolution-russe-heriter-de-1917-44-voyage-au
Belle chronique sur Mortelles primaires de
l’oncle Paul
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2016/12/collectif-mortelles-primaires.html
et de Claude Le Nocher
http://www.action-suspense.com/2016/11/collectif-mortelles-primaires-ed.arcane-17-2016.html
Article sur Leslie Kaplan dans La Revue du Projet d’octobre
http://projet.pcf.fr/92369
Les éditions Gulf stream signalent que "Le bouclier de Gergovie" est une des quatre meilleures ventes de juin 2016 !
Une nouvelle noire sur le site de L’Humanité
https://soundcloud.com/humanite-fr/une-nouvelle-originale-de-gerard-streiff
Paru sur le site MEDIAPART
: https://blogs.mediapart.fr/edition/la-revue-du-projet/article/170516/les-francais-et-la-politique-une-profonde-insatisfaction-democratique
La Revue du Projet en revue
http://projet.pcf.fr/7451
Critique de "Franco la muerte" sur le site K-libre
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=4475
Rencontre/débat avec des collégiens
https://www.youtube.com/watch?v=8sB3EXdHD20
A propos de l’eurocommunisme (Rome, 2015)
https://www.youtube.com/watch?v=46GaESwxcq0
Entretien autour de Histoire et polar (2001)
https://www.youtube.com/watch?v=b0kLosteC6Q
Critique de "Franco" :
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2015/08/livre-franco-la-muerte-que-reste-il-du-franquisme-des-annees-plus-tard-par-laurent-novart.html
"Retour de flamme" : critique de Gilles Vidal
http://chroniques-noires-gilles-vidal.over-blog.com/2015/06/napalm-springs.html
Rencontre à l’école St Pierre de Bergues autour de La guerre des petits soldats
http://ecolesaintpierre-bergues.fr/bienvenue/rencontre-avec-un-auteur-parisien/
Images du spectacle "Le Ciel m’a tuer", interprété par Jean-Pierre Thiercelin, sur Youtube (Ligero 2014)
Merci à Olivier Thirion pour sa dédicace de sa nouvelle "Faux en écriture", Revue Les Refusés, n°16
Reportage sur la nuit de France Télévisions au Palais de Tokyo (pour le Festival de Cognac)
http://www.cerclenoir.com/frame_gen_accueil.htm
"Le cagibi" peut être commandé à
La déviation
1 bis rue de la boucherie
76490 Caudebec en caux
www.ladeviation.eu <http://www.ladeviation.eu>
0967389918
0610826518
Le débat du "Club de la presse" de Lille sur le site
http://www.clubdelapressenpdc.org/les-mardis-de-l-indo-interrogent-sur-le-role-des.html
La nouvelle édition de "La guerre des croûtons" est sortie chez "Points sur les i" : trois résidents d’une maison de retraite, politiciens madrés, font le mur et reprennent le pouvoir...
Images du spectacle donné en bords de Loire (09/13) dont mon texte "La clé"
http://youtu.be/yKo8rMbPpJM
"Le bouclier de Gergovie" est recommandé par le Ministère de l’Education nationale dans le cadre de l’opération "Lectures pour les collégiens".
Adaptation audio de la nouvelle "Pigeon Viol" (Ska) ; lecture par Virginie Champagne (Collection Mathieu Farcy).
Le roman jeunesse "La mer disparue" (éditions du Bout de la rue) nominé au prix "Lionceau noir" du Salon polar de Neuilly-Plaisance 2014).
"Le mystère du colombier", atelier d’écriture avec les CM2 d’Isabelle Dordain, école Pierre et Marie Curie de Pavilly, est lauréat (1er prix ex-aequo) du prix "Voyage en ville" (Académie Rouen).
Le polar "Entourlooping" (avec Mateo Montesinos), aux Nouvelles Editions Krakoen, <http://www.krakoen.fr/>
salué par Claude Mesplède (dans sa chronique de mai d’Options) et par Max Obione sur son blog, fut, un temps, pré-sélectionné pour le Festival de Cognac 2013.
Six de mes livres publiés avant 2001 (et non réédités) figurent sur le site ReLIRE de la BNF (voir Relire) en vue d’une édition numérique.
"Un soldat allemand dans la Résistance française" (Oskar) est dans la sélection "Livres pour enfants" (10 ans et plus) des bibliothèques de la ville de Brest
Le roman jeunesse "Le port du désert" était dans la sélection du jeune lecteur au Festival 2005 de Lamballe
Site (partiellement) mis à jour le 17 mars 2018
Camarades
« Vade retro, rouquin ! Putain de merde, tu dégages, oui ? »
Le chat aux reflets de bronze clair, tassé sur un parterre de mousse orangée, était pourtant difficile à voir. Mais Taî Luc l’avait repéré ; il faut dire que l’oreille droite et blanche de la bestiole faisait tache dans le décor, une toute petite tache mais une tache tout de même.
Tai Luc grimpa précipitamment sur le banc, gesticula, appela « Artemise », son infirmière préférée, mais en vain. Pas de doute, le matou l’observait ; c’est bien lui qu’il avait dans le collimateur. Le félin ressemblait à un écureuil devant un très gros gland.
« Artemise, merde ! »
Le cauchemar de Tai Luc avait commencé un mois plus tôt. Le jour même en fait de son arrivée à la résidence Eternitas. C’était un lundi matin. La veille, il avait fait la bringue, une petite bringue, la dernière ; il avait jugé que pour ses 80 balais, c’était bon, il pouvait laisser tomber le monde où il n’avait plus beaucoup de connaissances d’ailleurs. La famille encore un peu mais bon, la famille…
Il avait donc rejoint l’hospice, classieux et pas trop cher à la fois, que lui avait recommandé un de ses anciens producteurs et où sa place était réservée. A peine avait-il franchi la porte qu’il était tombé sur Lucien Manœuvre, dit Lulu. Plus exactement c’est Lulu qui lui avait sauté dessus, en hurlant :
« Tai Luc, le beau gosse ! Le bandana ‘s man ! Taï Luc est là ! Incroyable ! »
Ce qui était incroyable, en fait, c’était la survie de Lulu. Tai Luc n’osa pas lui demander son âge. Ce type avait été LE redac’chef de LA revue rock des années ?? … Merde, il n’avait plus envie retrouver la date, c’était trop loin. Lulu fut, tout un temps aussi, THE animateur d’une émission rock à la télé. Lulu… Il avait toujours la même tronche, en plus froissée, peut-être, la même dégaine : sa banane était un peu moins volumineuse mais elle tenait le coup, gondolant à peine ; inchangées, les lunettes noires comme le long manteau de cuir craquelé descendant jusqu’à terre, masquant ses boots, ou ses charentaises. Seule nouveauté, le déambulateur dont il se servait avec une certaine fébrilité et sur lequel il avait accroché toute une panoplie de flyers promotionnels pour des revues et des concerts rocks, des spectacles de Jimi Hendrix, de Cream ou de Led Zeppelin, très largement caducs.Sa « marchette » comme on dit au Québec était totalement recouverte de ces publicités qui pendouillaient de partout et l’appareil ressemblait à une arme d’apparat de chef sioux, genre « hooked lance » .
« Tai Luc ! S’ils t’ont pris c’est que t ‘as 80 piges, me trompè-je ?
Le règlement en effet réservait désormais l’accès d’établissement comme Eternitas aux octogénaires et plus ; la demande était trop forte, il avait fallu établir un numerus clausus.
« Tu sais que t’es peut-être bien le plus jeune ?
Effectivement, la directrice venait de lui confier qu’il était le benjamin des pensionnaires et qu’il faudrait « fêter ça » ; l’hospice comptait en revanche une armada de centenaires, proprement increvables, qui monopolisait les lits.
« Finalement t’as du bol, beau gosse !
Lulu lui fit faire le tour du propriétaire ; il était incroyablement bavard, et bien heureux de jacter :
« Tu sais, ici, z’aiment pas trop le beau bruit ! La guitare, ça leur fait peur !
Tai Luc pouvait comprendre la frustration de l’aïeul ; en même temps il aspirait lui-même au calme et ne savait plus comment se débarrasser de son cornac.
« Beau gosse, je veux te confier un secret !
« Demain, Lulu, demain ! A chaque jour…, tu connais la suite !
Lulu le prit au mot ; il l’attendait, le lendemain matin, le déambulateur tremblant, à la sortie de la salle commune où Tai Luc venait de prendre son petit déjeuner. L’ex présentateur le conduisit dans la cour, à l’arrière des bâtiments, juste avant la voie ferrée ; le soleil était déjà haut pour une journée d’automne, on avait droit à un bel été indien. Une dizaine de vétérans s’étalaient sur des bancs installés en cercle autour d’une placette de gravillons blancs. Il l’invita à s’asseoir.
« Tu vas voir.
Il fallut attendre une bonne demi-heure pendant laquelle Lulu étala sa science. C’est lui en effet qui avait fait, jadis, la bio de Tai Luc pour « L’encyclopédie du rock » en deux volumes et 3000 entrées de Levavaseur, incontournable bible des amis du riff. Il connaissait tout de lui et de LSD mais à présent, à l’entendre, les infos arrivaient un peu dans le désordre, ou dans confusion. Disons qu’en gros il gardait une bonne mémoire de dates, murmurait pas trop mal les mélodies mais côté titres exacts et paroles, c’était plus incertain.
Lulu lui citait, sans se tromper, la préface de « 12 000 rivières » quand soudain il se figea.
« Le voilà !
Un chat roux, sorti d’un potager voisin, arrivait avec nonchalance ; il avait la démarche paresseuse, presque vaniteuse, et fit le tour de la placette. L’animal était superbe, un fauve miniature avec une belle truffe humide encadrée d’immenses moustaches, les yeux vert clair, une silhouette gracile et un poil orangé, long et souple.
Tous les pensionnaires semblaient le connaître et essayaient de l’attirer avec force gestes et remuements de la bouche mais la bête était totalement indifférente à ces sollicitations. Elle longea les bancs, avec méthode, l’un après l’autre, à deux reprises, selon un rituel qui semblait bien rodé, inspecta en quelque sorte tous les aïeux présents, leur reniflant les basques. Au terme de ce cérémonial, elle sauta non sans grâce, un élancement nerveux, une microseconde de suspension comme un arrêt sur image, puis une réception en douceur, sur les genoux d’une petite vieille, Mlle Lila Bruni, qui d’ailleurs avait été une des rares à ne pas l’appeler.
Lulu était absolument passionné par le spectacle ; ce bavard en restait coi. Il sortit de son apnée pour tirer Tai Luc par la manche :
« T’as vu ?
« Quoi ?
« Mlle Lila Bruni ! Tu l’as bien vue ?
« Bin oui.
« On en reparlera.
Et il s’éclipsa aussitôt, à grands coups de « marchette ». Tai Luc passa le reste de la journée seul, occupé à tapisser les murs de sa chambre d’anciennes affiches de concert de LSD.
Le lendemain, on était mercredi, Lulu, fidèle semble-t-il à une habitude, patientait à la sortie de la salle commune. Il salua à peine Tai Luc, lui désignant de son déambulateur la directrice, accompagnée d’Artemise, l’infirmière en chef. Les deux femmes traversaient le hall d’accueil, importantes et occupées. Il se passait quelque chose. Elles disparurent dans les bureaux d’où, peu après, surgit un factotum qui placarda sur un panneau intitulé « Voyages » (sic) un petit bristol. Lulu invita Tai Luc à aller en prendre connaissance.
« Et toi, tu ne viens pas ?
« Je sais déjà de quoi ça parle.
Tai Luc rejoignit un petit attroupement de pensionnaires qui lisaient l’info ; elle annonçait le décès de Mlle Lila Bruni. Sans autre commentaire.
Lulu le retrouva dans la cour
« C’est la Bruni, non ?
« T’étais au courant ?
« Oui et non..
« Ça veut dire ?
« Je t’avais dit que j’avais un secret…
Silence. Il reprit :
« Le chat.
« Quoi le chat ?
« C’est le chat qui l’a désignée, hier.
« Tu délires ?
« Non, beau gosse, je délire pas du tout ; seulement moi, j’ai compris.
« ?!
« D’ailleurs, au chat, j’ai donné le nom de ta chanson.
« Ma chanson ?
« Celle de 88 ! 50 ans tout ronds cette année !
« Je nage.
« La camarde ? T’as pas oublié la camarde !
La camarde ? Tai Luc n’avait jamais écrit de texte sur la camarde, Il zozotait le Lulu . « Il me prend pour Brassens ! » se dit-il. Mais l’autre insistait :
« Alors, mon vieux, si j’ose dire, comme ça t’as oublié la camarde ?
Et il se mit à fredonner :
« La voix de toutes les camardes
résonne dans ton crâne
quoi que tu fasses, où que tu ailles
elle sera toujours là »
Tai Luc restait scotché à son banc alors que le voisin insistait :
« Et le refrain, tu te souviens plus du refrain non plus ? :
« La voix de toutes tes camardes
La voix de toutes mes camardes
La voix de toutes nos camardes
Ecoute-la, elle t’appelle ! »
« Alors, ça te revient ? non ? Même pas cette ritournelle de fin : « La camarde, la camarde… »
Tai Luc opinait, réalisant soudain où il se trouvait, la résidence, les pensionnaires et tout le toutim ; il haussa les épaules, résigné. Lulu, lui, creusait son sillon :
« Tu sais, je connais ton œuvre sur le bout des doigts mais je vois que toi… Bin mon vieux, qu’est ce que ça donnera quand tu seras centenaire ?!
Il allait finir par le complexer, le con, lui qui s’était toujours flatté d’avoir une putain de mémoire. Tai Luc allait tout de même pas consulter son site pour retrouver cette putain de chanson. Il avait beau avoir composé quoi…un bon millier de textes, il se souvenait de toutes. DE TOUTES ses chansons, merde ! C’était ses enfants, non ? Et on n’oublie quand même pas ses enfants ! La camarde, la camarde, c’est quoi, ce binz ; en 88, il avait jamais pondu de camarde !
Puis il comprit. L’autre zèbre avait confondu, il avait dû se passer un petit mastic dans son crâne. Sa chanson de 88, sa vraie chanson, c’était « Camarades ». L’agité du déambulateur mélangeait camarade et la camarde, putain le lapsus !
Mais Lulu ne voulait pas en démordre et l’octogénaire renonça à le faire changer d’avis.
« Admettons, dit le sage Tai Luc. Mais revenons à ton chat. Pourquoi veux-tu l’appeler la camarde ?
« Alors, t’as pas compris ?
« Bin non !
« T’as pas compris que ce chat, il sent la mort !
« Il pue ?
« Non, il pue pas ; il sent la mort des autres.
Ils étaient arrivés sur la placette entourée de bancs. Lulu prit une longue inspiration, signe qu’il allait délivrer un message important. Depuis l’été, c’était la troisième fois - « la quatrième fois en fait avec Mlle Lila Bruni » rectifia-t-il - qu’il était témoin du manège de la bestiole.
« Ici même ! La créature apparaît quand les vieux se prélassent, elle fait un petit tour de piste, repère les ancêtres et choisit sa proie. Oui, oui, elle choisit sa proie, s’invite sur son plaid ; et crac, tu peux être sûr, dans les 48 heures, le ou la nominé-e s’éteint ! »
La première fois qu’il avait observé le cérémonial du félin, il n’avait évidemment fait aucun lien avec la mort, peu après, du pensionnaire en question ; la seconde fois, il s’était amusé de la coïncidence ; au troisième coup, une illumination le glaça de terreur : ce chat sentait la mort.
Troublé, Tai Luc tentait de pinailler. Lulu aurait été le seul à faire ce constat ? Etrange, non ? Oui, apparemment, personne d’autre n’avait mentionné ce genre d’ « incident » et lui même s’expliquait mal cet aveuglement. « Faut dire que je suis le seul à fréquenter, chaque jour, ces bancs ; le public ici change volontiers ; moi j’ai pris mes habitudes, je peux comparer, môa, je ne sais pas quoi te dire ?
Puis il reprit son air :
« La voix de la camarde
résonne dans ton crâne
quoi que tu fasses, où que tu ailles
elle sera toujours là »
Tai Luc était sidéré ; c’était de la magie noire, ce truc, une diablerie.
« Tu crois que je délire, pas vrai ? Moi aussi, je me suis dit ça, figure toi ; pis je me suis rencardé ; alors, je te dis, cher rocker de mon cœur, faut pas prendre les bêtes pour des truffes !?
« Non mais…
« T’as peut-être jamais entendu parler des chiens bergers capables de sentir le cancer de la prostate ?
« …
« Ni de labradors qui dépistent le cancer du colon ? Ni des rats qui repèrent la tuberculose ? Alors pourquoi pas un chat qui sent la mort ?
« Et comment ?
« Il sent son odeur, vieux, l’odeur des cétones. Tu sais, ou tu sais pas, mais en fin de vie, on a des petites cellules qui dégagent des produits chimiques ; et notre rouquin du jardin, lui, il doit avoir un flair pour ça, il doit aimer ça !
Tai Luc en avait assez entendu. Il quitta son nécrologue déambulant. L’autre les lui brisait menu avec son histoire de chat tueur. Non seulement il le quitta mais désormais il l’évita. C’était pas trop difficile, l’ex rédac’chef avec son échafaudage de cannes avait tout de même du mal à suivre. Puis il ne le vit plus, n’entendit plus le martèlement si étrange de son déambulateur.
Il voulait l’oublier mais il pouvait pas et finit par demander de ses nouvelles. La directrice s’étonna que Tai Luc ne consulte pas le panneau des « voyages ».
« Mr Lucien Manœuvre nous a quitté, il y a peu, je croyais que vous étiez au courant ! Vous aviez l’air de vous entendre pourtant !
Artemise confirma. La dernière fois qu’elle avait vu Lulu, c’était sur un banc de la placette, il avait un chat sur les genoux. « Il m’a semblé qu’il pleurait. »
« Artemise ! »
Sous les regards étonnés ou amusés de ses voisins et surtout du chat roux, Tai Luc, dressé sur le banc, agitait son bandana comme un signal de détresse.
« Artemise ! merde ! »
Gérard Streiff
Nouvelle parue dans "La souris déglinguée. 30 nouvelles lysergiques. Préface de TaiLuc", sous la direction de Jean-Noel Levavasseur, éditions Camion Blanc, décembre 2011
Critique dans le fanzine "442e rue", n°93
http://www.la442rue.com