28 mai 2010

Hugo et le marché

Les libéraux, c’est bien connu, font feu de tout bois. Exemple : l’opération « Phénix ». Phénix est cet oiseau fabuleux capable de renaître après s’être consumé. C’est aussi, significativement, le nom d’une opération lancée par une dizaine de grandes entreprises, souvent des banques ou des compagnies d’assurances comme Axa, la Société générale, HSBC, et qui consiste à recruter des « littéraires », des étudiants-chercheurs niveau Bac+5, pour leur encadrement. La méthode, paraît-il, nous vient des Etats-Unis où elle aurait fait ses preuves. On ne va pas bouder le fait que des étudiants débouchent, ni faire un fromage d’une initiative qui ne concerne qu’une trentaine de postes par an. Mais on peut penser qu’un philosophe aspire à autre chose qu’à devenir « gestionnaire middle-off » dans une salle de marché ; qu’un expert en surréalisme rêve d’une autre vie que de « gérer un portefeuille de cinquante clients » ; et qu’un spécialiste en littérature étrangère n’a pas forcément envie d’être « chef de projet marketing »… Que cherchent les firmes dans ce genre d’embauche ? « Le Figaro littéraire » nous livre peut-être un début de réponse : « Rien de tel que de lire Proust, Balzac, Victor Hugo pour apprendre à analyser les situations et les relations sociales. » Bien connaître « Les Misérables » pour mieux vendre des actifs financiers, fallait y penser.

Gérard Streiff


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