Polar et jardin (2016)

Polar et jardin
Conference-lecture au Festival “Passages”, Argentat, Corrèze, 23 juillet 2016 (Projet)Laurent gervereau m’a proposé de faire une longue conférence (courte conférence) sur le thème « polar et jardin »
Drôle d’idée proposer un tel sujet et drôle d’idée surtout de l’accepter

je parlerai du polar papier ; polar film>tout un continent aborderai pas

Mon exposé se fera en quatre temps :

PREMIERE QUESTION
Est-ce que le jardin est un lieu prisé par auteurs de polar et plus particulièrement par auteurs de crimes ?

DEUXIEMEMENT
Est ce que les plantes intéressent les criminels ?

Troisièmement
Est ce qu’on ENTERRE DANS SON JARDIN ?

Quatrième QUESTION
COMMENT ENTERRER DANS SON JARDIN ?

ENFIN en guise de conclusion NOUS LIRONS NOUVELLE NOIRE liée à notre thème

PREMIERE QUESTION
Est-ce que le jardin est un lieu prisé par auteurs de polar et plus particulièrement par auteurs de crimes ?

Oui
Dans le Polar français, je pense à qq titres :

jardin fatal de claude klotz alias Patrick cauvin (ou l’inverse)
Ou
Le jardin du bossu de Franz bartelt, auteur Est (Ardennes), formidable drôlerie
Ou
Meurtre dans un jardin français de béatrice Nicomède
Ou
Le mystère du jardin chinois, de frédéric Lenormand

Pas trouvé de texte de Simenon ; mais une adaptation télé d’un de ses romans, le deuil de fonsine, est devenue « meurtre dans un jardin potager » (avec bruno crémer) ; et puis Simenon a fini au jardin puisque veuve a dispersé ses cendres dans son jardin (suisse)

Je reste sur le thème précis jardin
Sinon je pourrai citer gerard alle, auteur breton, Douarnenez, qui a écrit « il faut buter les patates » (fameuse série du Poulpe), mais là c’est déjà un thème collatéral comme diraient nos militaires

Polar international, on trouve aussi souvent du jardin

Chez Américains
pelecanos>les jardins de la mort
ace atkins, le jardin du diable
nick wilgus, le jardin de l’enfer
denise Hamilton, dans un jardin sauvage

les anglais sont forts sur thème
ian rankin, le jardin des pendus
patricia wentworth, la mort au fond du jardin
Anthony eglin, le mystère des jardins perdus ( cet eglin a lui double spécialité expert jardinage, revue et tous polars>tournent autour du jardin)

Toujours côté anglais> téléfilm (…)

Finir avec anglais, il existe dans une abbaye sud Angleterre (torre) un jardin Agatha Christie inspiré de ses oeuvres

Je continue mon tour du monde

Espagnol javier calvo>le jardin suspendu

Argentin Gustavo malajovitch, le jardin de bronze

Indien vikas swarup, meurtre dans un jardin indien

La constance du jardinier, de john le carré, 2001, porte plus sur la mafia des groupes pharmaceutiques en afrique que sur jardin

Je ne dis pas que j’ai lu tous ces romans, je dis que thème est donc assez fréquent

Souvent des allusions au jardin dans certains polars ; Par ex donna leon, américano-italienne de venise qui a créé série avec commissaire brunetti
Dans l’inconnu du grand canal, p229 (poche) :
(…)

Deuxième remarque
Est ce que les criminels s’intéressent aux plantes ?

Oui
Nombre de polars abordent cet enjeu, comme l’hindoue Swaminathan> « saveurs assassines » (sous-titre : enquête de Miss Lili)>ici jardin tient de la jungle et ses plantes sont utiles pour confectionner plats sophistiqués et empoisonner la moitié des invités d’une réunion de notables dans très belle demeure bord mer

fleurs, plantes et polar=Vaste programme
« les fleurs et la mort ont toujours fait bon ménage » peut on lire qq part dans « le comte de monte cristo »
ah, la cigüe ! ah la belladone !
je ne développe pas plus> car j’entends privilégier autre avantage du jardin pour tout auteur de crime qui se respecte
j’ajoute simplement et incidemment qu’il existe une variété d’agapanthe, plante herbacée bien connue, qui se nomme « polar » ou « polar ice ».

Verra ton un jour un polar où l’on empoisonne la victime avec la polar ? je livre cette question à votre sagacité.

troisièmement
Est-ce qu’on ENTERRE DANS SON JARDIN ?
Réponse oui

qd vous vous retrouvez avec un cadavre sur le dos ou sur les bras, la question : que vais-je en faire ? où le mettre ? est une bonne question
La tentation est grande de le faire disparaître ; pas de corps, pas de crime, c’est bien connu
Alors peut naître l’idée : et si je l’enterrais ? votre regard tombant sur le jardin, la question devient : et si je l’enterrai dans le jardin

Commencerai petit rappel historique : comte de monte cristo, on enterre un enfant juste né (et vivant) dans jardin

Entre parenthèses>nb de fœtus qui ont fini dans jardin pourrait en soi>sujet de conférence ; je passe

Vous allez me dire : Montecristo pas un polar>vrai quoique> milieu du 19é siècle où un certain roman d’aventure, de cap et d’épée va basculer dans le polar ; on est là à la frontière, disons

Je reviens à mes moutons>enterre dans jardin, Encore faut-il avoir un jardin ?

Si on creuse –sans jeu de mots …- la thématique, polar et jardin, une objection en effet surgit : le polar se déploie essentiellement en milieu urbain ; dès l’origine, dès Sherlock Holmes, dès Arsene Lupin, le polar sent bon le bitume, la ruelle, le lampadaire, le trottoir
Certes vous allez me sortir des exceptions ; elles existent ; genre les romans de pierre very, notre père à tous, auteurs de polar> avec ses histoires du côté de la Sologne ou Poitou profond, les « goupils mains rouges » ou « les disparus de st agil »
Certes, mais ces exceptions confirment la règle : le polar le plus souvent traine en ville

Si vous dézinguez qqn du côté de La Défense, par exemple, ce n’est pas simple de l’enterrer dans le coin, c’est béton partout, jardin nulle part ; Bref, en ville, cette option est franchement compliquée
Même si, même si une piste s’esquisse> avec cette tendance, disons bobo, des jardins de ville, des jardins familiaux, jardins ouvriers, des lieux qui se développent

j’observe que notre frère à tous, J B pouy, longtemps agitateur culturel du lycée romain rolland d’ivry, fit son trou avec polar « la belle de Fontenay », astucieux titre qui renvoie autant à une catégorie de pomme de terre qu’à une séductrice val de marnaise et affaire se passe notamment dans jardin ouvrier qui jouxte le fort d’ivry

mais bon, globalement, l’urbain enterre peu, faute de lieu

Et le rural ? hé bien, le rural enterre peu dans le jardin ; le paysan, le paysan assassin, existe bien sûr mais lui, il a de l’espace, il évitera la promiscuité, et la proximité, du jardin et il ira au large, dans les champs

Et puis, il y a ce dédain du paysan, le vrai, pour le jardin midinette des ruraux de nouvelle génération
lisez Marie-helène lafon, magnifique auteure du cantal (et prix Goncourt de la nouvelle depuis cette année SVP)
>>« on n’est pas jardinier, on est paysan » fait elle dire à un de ses personnages

alors qui enterre beaucoup dans le jardin ? si c’est pas l’urbain, si c’est pas le paysan, qui ?
le péri-urbain
cette tribu à part qui vit dans un entre deux, entre ville et campagne, dans la France périphérique comme on dit, ces terres improbables entre zones commerciales et la nature proprement dite, après les dernières cités et avant les premiers hameaux
ces maisons plutôt nouvelles et qui ont toujours leur petit bout de jardin

bon exemple> le roman noir de christian oster (notre oster à nous, avec un o), un des romans remarqués de la rentrée 2015/2016, intitulé Le cœur du problème

extrait de la première page : Simon, le héros, rentre chez lui, dans une petite maison de la périphérie de la ville.

« Pour dire les choses vite…efficience »

voilà un homme qui raisonne bien face à adversité qd la plupart d’entre nous, je crois, paniquerait totalement.

Sa femme, à ce moment-là, elle, est en train de prendre un bain, mutique. C’est probablement elle qui a poussé l’homme par dessus la balustrade de la mezzanine. La femme se tait puis s’en va. Simon se retrouve seul avec le corps ; il s’inquiète mais ne s’énerve toujours pas. Que faire ? Aller à la police ? Il ne veut pas que sa femme soit inquiétée ; il ne veut pas non plus avoir de problèmes. Il va cacher le corps ; il l’enterre dans le jardin.

TROISIEME QUESTION
COMMENT ENTERRER DANS SON JARDIN ?

Là, je sens que certains sont plus interessés par ce côté très pratique que par mes précédentes considérations sociologiques.

L’élément important, ici, c’est la terre.
Si vous en arrivez à cette extrémité, c a d un corps sur les bras, veillez à vous trouver près d’une terre meuble.
c’est joli, et presque intrigant, ce mot de meuble, vous ne trouvez pas ?
La terre bien travaillée, la terre qui se divise volontiers.

Ne faites surtout pas comme notre ami franck bouysse dans son livre, excellent par ailleurs, « grossir le ciel » (on en a débattu ici même l’an passé), livre où il enterre un corps ( en l’occurrence, si mon souvenir est bon, c’était celui de son chien mais peu importe) ; il enterre le corps, fin fond de lozère, en plein mois de décembre ; ça, c’est l’option à éviter totalement ; le sol des cevennes, l’hiver ?! Vous êtes alors obligé de pratiquer avec la barre à mine, c’est comme creuser dans du granit, c’est plus un enterrement, ce sont les des travaux forcés ; non, zéro, pas bon, la terre gelée, la lozere l’hiver, non !

Il faut du mou, du souple, du tendre, du ramollo, une terre sans consistance, une terre facile à travailler
Selon plusieurs auteurs, et ne me demandez pas pourquoi, l’idéal semble être le plan de tomates.

Je reviens à christian oster et à son livre Le cœur du problème
Simon, le héros ratiocineur, enterre l’amant de sa femme sous un plant de tomates et cela ne semble pas trop lui demander d’efforts.

On va voir Simon passer et repasser devant ses pieds de tomate, apprécier la vigueur retrouvée des pieds, se faire peur en invitant le voisin flic dans son jardin pour admirer ses plants, etc…
Je ne vous dirai pas comment ça finit, vous n’avez qu’à lire

Je ne développe sur l’art de planter des tomates, pas sujet, je vous renvoie site internet « Les cinq gestes à faire pour bien planter ses tomates », faut coucher le pied, enterrer début de la tige, faciliter les racines, etc…

Voilà, Cette conférence n’appelle pas vraiment de conclusion
Je mesure mes lacunes ; cette recherche ouvre de nlles questions : par ex est ce femmes (auteures ou meurtrières) empoisonnent et enterrent plus que les hommes ?
Je vais voir avec laurent>mettre passionnante question à ordre du jour prochain colloque d’argentat

Pour l’heure, me contente de proposer une petite illustration avec la lecture nouvelle noire de mon amie jeanne desaubry, nouvelle intitulée « les bois de la palmyre » parue dans la revue « les refusés » en septembre dernier.

(…)
merci de votre attention



Site réalisé par Scup | avec Spip | Espace privé | Editeur | Nous écrire