Article et documentation

Chateaubriant
Comme une revanche contre le Front Populaire

Gérard Streiff,
auteur de « Guy Môquet. Chateaubriant, le 22 octobre 1941 » aux éditions Le Temps des Cerises (2007).

Le drame des 27 de Chateaubriant est largement un drame franco-français. C’est l’Etat français qui donne la chasse aux députés PCF, dès octobre 1939. C’est un député français, François Chasseigne, qui le 16 janvier 1940, demande la peine de mort contre les communistes. Ce sont des policiers français qui arrêtent Guy Môquet gare de l’Est, ce sont des juges français qui le maintiennent en prison et des gendarmes français qui le gardent au camp de Chateaubriant. Enfin, et surtout, c’est un ministre de l’Intérieur français, Pierre Pucheu, qui désigne à l’occupant les otages à fusiller.
A Chateaubriant, en octobre 1941, les Allemands veulent du chiffre ; ils exigent 50 otages, histoire d’impressionner l’opinion ; ils ne se soucient guère de l’identité des victimes ; c’est Pucheu qui va établir la liste fatale. Son choix ne doit rien au hasard et il n’est nullement improvisé. Ce crime ressemble à s’y méprendre à un règlement de compte, à un crime de classe.
Pour mieux en comprendre l’enjeu, il faut sans doute revenir cinq ans en arrière. Le Front populaire, avec ses élus comme Môquet père ou Michel, ses syndicalistes comme Timbaud, ses usines occupées, ses augmentations de salaires, ses 40 heures et ses congés payés, fait valser la France des salariés. Mais pour la bourgeoisie, cette période est un cauchemar. Une droite radicalisée, toute habitée du slogan « Plutôt Hitler que le Front populaire », rêve de revanche.
C’est le cas notamment de Pierre Pucheu. Le personnage est exemplaire de ces jeunes cadres modernistes (il est né 1899), très liés au patronat, très engagés aussi dans la mouvance fasciste. Patron enrichi dans l’import-export, cet économiste proche de la banque (Worms, Leroy Ladurie) est un idéologue admiratif des méthodes économiques du Reich. Il donne volontiers des conférences très écoutées ( à X Crises notamment). Il est un des animateurs de la « Société d’études et d’informations économiques », avec André-François Poncet et Jacques Bardoux, qui agrège une flopée grands patrons. Bref, c’est un des hommes clés de la « synarchie », mouvement où le patronat tente de tirer les enseignements de la crise et de 1936 dans un sens antirépublicain et technocratique. Réputé pour son anticommunisme farouche, il est en même temps un dirigeant du PPF de Doriot, un vrai parti fasciste.
Le drame de Chateaubriand remet face à face, cinq ans après, les anciens protagonistes de 1936.
Pucheu se retrouve ministre de l’Intérieur de Vichy. Il est payé pour savoir que les prisons françaises regorgent de communistes et de syndicalistes. Dès l’été 1941, il prémédite son coup et demande à son chef de cabinet, un certain Chassagne, qui avait été un syndicaliste tendance « jaune », d’inspecter le camp de Chateaubriant. Ce dernier fait le tour des baraquements, reconnaît nombre de détenus ; il fait mine d’écouter leurs doléances. En vérité, quelques jours après sa visite, il adresse à la direction du centre une liste des militants les plus responsables, exige qu’on les isole dans une baraque à part, la célèbre baraque 19. Pucheu dispose là d’un vivier de cadres politiques et syndicaux ; il lui suffira d’aller y piocher au cas où... C’est exactement ce qui va se passer courant octobre. Répondant à la pression allemande, il fournit à l’occupant sa liste d’otages. Selon les archives, il s’en explique peu après au conseil des ministres de Vichy. Il a voulu, dit-il, « éviter de laisser fusiller 50 bons Français et a donc sélectionné des communistes ».
Qui sont en effet ces sacrifiés ? Il y a bien sûr Guy Môquet qui a le « malheur » d’être le fils d’un député PCF du Front Populaire. Et puis Charles Michel, député du Front Populaire du 15e arrondissement, secrétaire de la Fédé CGT des Cuirs et peaux ; Jean Poulmarch, membre de la Commission administrative de la CGT ; Jean-Pierre Timbaud, que Môquet et d’autres surnommaient « Tintin », responsable du syndicat CGT des Métaux de la Région parisienne ; Jules Vercuysse, secrétaire de la fédération CGT du Textile ; Désiré Granet, secrétaire de la Fédération CGT du Papier-carton ; Maurice Gardette, élu PCF du XIé arrondissement ; Jean Grandel, secrétaire de la Fédération postale CGT et maire de Gennevilliers ; Jules Auffret, syndicaliste et maire adjoint de Bondy. Mais il faudrait les citer tous. C’est eux que Pucheu envoie à la mort. Lui et les siens avaient personnellement cotoyé certains de ces otages au temps des grandes batailles du Front Populaire. C’est le cas par exemple de Désiré Granet qui connaissait Chassagne par exemple.
Tout s’est donc passé comme si une large fraction de la bourgeoisie, revancharde, livrait ses ennemis de l’intérieur au bourreau nazi. Elle se soumettait sans peine à l’occupant, profitant de l’aubaine pour régler ses comptes. L’histoire heureusement ne s’arrête pas là. Pucheu est exécuté en 1944 par la Résistance, au moment même où s’élabore, avec la participation communiste, le programme du CNR, lequel, sur bien des points, relançait en grand les réformes de 1936.

Initiative Guy Môquet
Modèle d’argumentaire, de tract ou d’invitation (pour une soirée débat, une rencontre)

Madame, Monsieur,

Le 22 octobre sera lue dans les lycées la dernière lettre de Guy Môquet, fusillé à Châteaubriand en 1941.
Fils d’un député communiste arrêté dès octobre 1939, Guy Mocquet n’a que le temps de s’engager dans les jeunesses communistes. Il est arrêté pour ses activités politiques, peu après son père, le 13 octobre 1940, à l’âge de 16 ans.
Dans la période terrible qui, entre 1939 et 1941, voit s’enchaîner le pacte germano-soviétique, la drôle de guerre comme on dit puis la guerre, la défaite et la déliquescence de
la République au profit du régime fasciste de Vichy, les communistes sont les premiers à subir la répression, jusqu’à la mort. Guy Moquet en est une figure exemplaire.
Il est arrêté en octore 1940. Nous sommes alors dans la période la plus noire de la guerre. Apparemment aucun espoir n’est permis. La France s’est effondrée. Hitler a gagné sur tous les fronts. Mussolini fanfaronne. Franco éructe. Les complices du Fürher sont au pouvoir à Budapest, à Bucarest, à Helsinki, à Lisbonne. La dictature fasciste semble s’imposer partout en Europe, du Nord au Sud, de l’Atlantique aux frontières soviétiques ; le drapeau nazi flotte sur Berlin et Paris, Varsovie et Prague, Belgrade et Bruxelles, Oslo et Copenhague ; les ultras triomphent en Asie avec le Japon impérial. Même la Grande Bretagne, seul vrai lieu de guerre alors, semble bientôt devoir s’effondrer sous les bombardements allemands. La peste brune se croit installée pour des siècles ! Et c’est au plus profond de cette nuit barbare que des gens osent se lever, dire Non, non au nazisme, non à ses vassaux collaborateurs. Ils ne sont alors qu’un tout petit nombre mais ils défient les pouvoirs, appellent à ne pas se laisser faire. Leur courage est proprement bouleversant. Ils sont un exemple formidable de dignité humaine. Cette poignée magnifique illustre cette phrase de l’historien Jules Michelet qui écrivait un siècle plus tôt dans son livre « Le peuple » :
« La Légende nationale de France est une traînée de lumière immense, non interrompue, véritable voie lactée sur laquelle le monde eut toujours les yeux ».

Cette histoire montre bien que les communistes, aux côtés d’autres progressistes, des chrétiens, des gaullistes, des patriotes entrèrent en résistance avant juin 1941, date de l’entrée en guerre de l’URSS, contrairement à une rumeur persistante qui prétend le contraire. Dès l’automne 40, le jeune Moquet distribue des tracts et inscrit sur les murs des slogans disant : Hitler fauteur de guerre ! Non la misère ! Non aux collabos ! C’est le 10 juillet 1940, peu après l’Appel de Londres du général de Gaulle, que le PCF lance un « Appel au peuple de France » ! C’est l’été 40 que se reconstitue la jeunesse communiste et dès l’automne 1940 ont lieu les premières actions des « bataillons de la jeunesse », organisation communiste clandestine. C’est le 11 novembre 1940 qu’a lieu la première grande manifestation contre l’Occupant à Paris ! C’est en mai 1941 que le PCF lance un appel à la constitution d’un mouvement patriotique, le « Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France » ! C’est du 26 mai au 11 juin 1941 que se déroule la grève des mineurs du Nord-Pas de Calais. Le 17 mai 1941 a lieu à Paris la première rencontre officielle entre les deux tendances de la CGT, les ex-unitaires regroupés avec Benoît Frachon et les ex-confédérés de Léon Jouhaux.
Qu’une partie de la direction communiste prenne, ces mêmes mois, des initiatives condamnables et condamnés (guerre qualifiée d’impérialiste, demande de légalisation de L’Humanité) n’enlève rien à ce fait d’évidence : Guy Môquet a ouvert, avec d’autres, la voie à la Résistance française.

Le drame que va vivre Guy Môquet est pour beaucoup un drame franco-français. C’est l’Etat français qui donne la chasse aux députés PCF et fait arrêter ces parlementaires dès octobre 1939. C’est un député français, François Chasseigne, qui le 16 janvier 1940, demande la peine de mort contre les communistes. Ce sont des policiers français qui arrêtent Guy Môquet gare de l’Est, ce sont des juges français qui le maintiennent en prison, ce sont des gendarmes français qui le gardent au camp de Chateaubriant, c’est un sous préfet français qui participe à la désignation des otages du 22 octobre 1941, dont le jeune Môquet. Autrement dit c’est une bourgeoisie revancharde qui se charge de la chasse aux communistes et livre ses victimes au bourreau nazi.

Mais il faut dire plus encore : ces crimes contre nos camarades ressemblent à s’y méprendre à des crimes de classe. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, le sinistre Pierre Pucheu, était lui même un patron enrichi dans l’import-export, très proche des milieux dirigeants du patronat, le MEDEF de l’époque en quelque sorte. Lui et les siens avaient cotoyé les dirigeants syndicaux lors des grandes négociations du Front Populaire. Ils n’avaient pas digéré les formidables avancées sociales de l’époque, qui rognaient sur leur profits et leur pouvoir. « Plutôt Hitler que le Front Populaire » répétaient-ils depuis. Avec l’effondrement de la République et l’installation de la clique de Pétain, leur rêve se réalisait, en somme ; rêve de revanche sociale, rêve d’effacement du cauchemar que fut pour eux le front populaire, avec ses usines occupées, ses augmentations de salaires, ses 40heures, ses conges payés. Ils prenaient leur revanche dans sa forme la plus radicale, la plus définitive : la mort pour les représentants du monde du travail coupables d’avoir revendiqués leurs droits. Ces gens se soumettaient sans peine à l’occupant, profitant de l’aubaine pour régler leurs comptes.

Enfin, le dernier enseignement que nous livre encore aujourd’hui la vie et la mort de Guy Moquet est contenu dans cette phrase de Lucie Aubrac : RESISTER SE CONJUGUE AU PRESENT.
En proposant la lecture de la dernière lettre de Guy Moquet dans les écoles le 22 octobre prochain, Nicolas Sarkozy propose une vision dépolitisée de l’histoire, un mensonge par omission en somme. Séparer chez Guy Moquet le « patriote » du « communiste », comme le fait le Président de la République, est à la fois absurde et malhonnête.
Guy Moquet était porté par l’idée communiste, une idée venue de loin, sans cesse étouffée, sans cesse renaissante et qui se reconnaît simplement à son irréductible refus de l’oppression et de l’exploitation.
Est-ce parce qu’il croit cette idée morte à jamais que le Président Sarkozy se risque à faire du jeune communiste Mocquet une icône pour notre jeunesse ? Peut-être. Il revient à ceux qui portent aujourd’hui l’idée communiste, à tous ceux qui gardent au cœur la cause humaine, de remettre sur pied cette histoire. De faire passer la flamme de l’indignation de génération en génération. De redire combien il faut savoir parfois désobéir. De réapprendre aux jeunes, qui se sentent concernés, qui interrogent, les leçons de ses années noires. D’expliquer l’énorme générosité, l’humilité aussi qu’il y avait chez Moquet. De réfléchir à ce que peut signifier l’engagement. De reconstruire des droits. Reconstruire l’espoir.
C’est de tout cela que nous aimerions discouter avec vous...tel jour... telle heure

Le cri de Môquet

Ma petite maman chérie
mon tout petit frère adoré
oh mon petit papa aimé
je vais je vais je vais mourir

ce que je vous demande à toi
en particulier p’tite maman
c’est d’être oui très courageuse
je vais je vais je vais mourir

je le suis et je veux l’être comme
ceux qui sont passés avant moi
certes certes certes j’aurais voulu vivre
je vais je vais je vais mourir

ce que je souhaite de tout mon coeur
c’est que ma mort serve à queq’chose
oui que ma mort serve à queq’chose
je vais je vais je vais mourir

J’ai pas eu l’temps d’embrasser jean
Mais j’ai embrassé mes deux frères
quant au véritable je ne peux
je vais je vais je vais mourir

mes affaires seront envoyées
elles pourront oui servir à serge
il sera fier de les porter
je vais je vais je vais mourir

pardon si j’vous ai fait des peines,
je vous salue une dernière fois
sache oui que j’ai fait de mon mieux
je vais je vais je vais mourir

un dernier adieu aux amis
au petit frère que j’aime beaucoup
qu’il étudie pour être un homme
je vais je vais je vais mourir
dix sept ans et demi, c’est court
mais non je n’ai aucun regret
si ce n’est de vous quitter tous
je vais je vais je vais mourir

je vais mourir avec tintin
avec michels, avec poulmarch
ma mère surmonte donc ta peine
je vais je vais je vais mourir

je ne peux en mettre davantage
je vous quitte tous, je vous embrasse
oh oui de tout mon coeur d’enfant
je vais je vais je vais mourir

ARGUMENTAIRE

Le 22 octobre sera lue dans les lycées la dernière lettre de Guy Môquet, fusillé à Châteaubriand en 1941.
Fils d’un député communiste arrêté dès octobre 1939, Guy Mocquet n’a que le temps de s’engager dans les jeunesses communistes. Il est arrêté pour ses activités politiques, peu après son père, le 13 octobre 1940, à l’âge de 16 ans.

1.
Dans la période terrible qui, entre 1939 et 1941, voit s’enchaîner le pacte germano-soviétique, la drôle de guerre comme on dit puis la guerre, la défaite et la déliquescence de
la République au profit du régime fasciste de Vichy, les communistes,avec d’autres, sont les premiers à subir la répression, jusqu’à la mort. Guy Moquet en est une figure exemplaire.
Il est arrêté en octore 1940. Nous sommes alors dans la période la plus noire de la guerre. Apparemment aucun espoir n’est permis. La France s’est effondrée. Hitler a gagné sur tous les fronts. Mussolini fanfaronne. Franco éructe. Les complices du Fürher sont au pouvoir à Budapest, à Bucarest, à Helsinki, à Lisbonne. La dictature fasciste semble s’imposer partout en Europe, du Nord au Sud, de l’Atlantique aux frontières soviétiques ; le drapeau nazi flotte sur Berlin et Paris, Varsovie et Prague, Belgrade et Bruxelles, Oslo et Copenhague ; les ultras triomphent en Asie avec le Japon impérial. Même la Grande Bretagne, seul vrai lieu de guerre alors, semble bientôt devoir s’effondrer sous les bombardements allemands. La peste brune se croit installée pour des siècles ! Et c’est au plus profond de cette nuit barbare que des gens osent se lever, dire Non, non au nazisme, non à ses vassaux collaborateurs. Ils ne sont alors qu’un tout petit nombre mais ils défient les pouvoirs, appellent à ne pas se laisser faire. Leur courage est proprement bouleversant. Ils sont un exemple formidable de dignité humaine. Cette poignée magnifique illustre cette phrase de l’historien Jules Michelet qui écrivait un siècle plus tôt dans son livre « Le peuple » :
« La Légende nationale de France est une traînée de lumière immense, non interrompue, véritable voie lactée sur laquelle le monde eut toujours les yeux ».
est-ce de la resistance ? Remarques faites de droite (berlière, avocat de pucheu – citer ?), de gauche parfois ; La petite voix qui dit non, à Vichy et à son maître ? certes

on dit > sa lettre, sentimentale, pas politique ; oublier les conditions ; toutes lettres des 27 sont personnelles, censure pas toléré moindre référence autre mais les mêmes après avoir écrit > slogans sur les parois de cabanne

2
Cette histoire montre bien que les communistes, aux côtés d’autres progressistes, des chrétiens, des gaullistes, des patriotes entrèrent en résistance avant juin 1941, date de l’entrée en guerre de l’URSS, contrairement à une rumeur persistante qui prétend le contraire. Dès l’automne 40, le jeune Moquet distribue des tracts et inscrit sur les murs des slogans disant : Hitler fauteur de guerre ! Non la misère ! Non aux collabos ! C’est le 10 juillet 1940, peu après l’Appel de Londres du général de Gaulle, que le PCF lance un « Appel au peuple de France » ! C’est l’été 40 que se reconstitue la jeunesse communiste et dès l’automne 1940 ont lieu les premières actions des « bataillons de la jeunesse », organisation communiste clandestine. C’est le 11 novembre 1940 qu’a lieu la première grande manifestation contre l’Occupant à Paris ! C’est en mai 1941 que le PCF lance un appel à la constitution d’un mouvement patriotique, le « Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France » ! C’est du 26 mai au 11 juin 1941 que se déroule la grève des mineurs du Nord-Pas de Calais. Le 17 mai 1941 a lieu à Paris la première rencontre officielle entre les deux tendances de la CGT, les ex-unitaires regroupés avec Benoît Frachon et les ex-confédérés de Léon Jouhaux.
Qu’une partie de la direction communiste prenne, ces mêmes mois, des initiatives condamnables et condamnés (guerre qualifiée d’impérialiste, demande de légalisation de L’Humanité) n’enlève rien à ce fait d’évidence : Guy Môquet a ouvert, avec d’autres, la voie à la Résistance française.

3
Le drame que va vivre Guy Môquet est pour beaucoup un drame franco-français. C’est l’Etat français qui donne la chasse aux députés PCF et fait arrêter ces parlementaires dès octobre 1939. C’est un député français, François Chasseigne, qui le 16 janvier 1940, demande la peine de mort contre les communistes. Ce sont des policiers français qui arrêtent Guy Môquet gare de l’Est, ce sont des juges français qui le maintiennent en prison, ce sont des gendarmes français qui le gardent au camp de Chateaubriant, c’est un sous préfet français qui participe à la désignation des otages du 22 octobre 1941, dont le jeune Môquet. Autrement dit c’est une bourgeoisie revancharde qui se charge de la chasse aux communistes et livre ses victimes au bourreau nazi.

4
Mais il faut dire plus encore : ces crimes contre nos camarades ressemblent à s’y méprendre à des crimes de classe. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, le sinistre Pierre Pucheu, était lui même un patron enrichi dans l’import-export, très proche des milieux dirigeants du patronat, le MEDEF de l’époque en quelque sorte. Lui et les siens avaient cotoyé les dirigeants syndicaux lors des grandes négociations du Front Populaire. Ils n’avaient pas digéré les formidables avancées sociales de l’époque, qui rognaient sur leur profits et leur pouvoir. « Plutôt Hitler que le Front Populaire » répétaient-ils depuis. Avec l’effondrement de la République et l’installation de la clique de Pétain, leur rêve se réalisait, en somme ; rêve de revanche sociale, rêve d’effacement du cauchemar que fut pour eux le front populaire, avec ses usines occupées, ses augmentations de salaires, ses 40heures, ses conges payés. Ils prenaient leur revanche dans sa forme la plus radicale, la plus définitive : la mort pour les représentants du monde du travail coupables d’avoir revendiqués leurs droits. Ces gens se soumettaient sans peine à l’occupant, profitant de l’aubaine pour régler leurs comptes.

5
Enfin, le dernier enseignement que nous livre encore aujourd’hui la vie et la mort de Guy Moquet est contenu dans cette phrase de Lucie Aubrac : RESISTER SE CONJUGUE AU PRESENT.
En proposant la lecture de la dernière lettre de Guy Moquet dans les écoles le 22 octobre prochain, Nicolas Sarkozy propose une vision dépolitisée de l’histoire, un mensonge par omission en somme. Séparer chez Guy Moquet le « patriote » du « communiste », comme le fait le Président de la République, est à la fois absurde et malhonnête.
Guy Moquet était porté par l’idée communiste, une idée venue de loin, sans cesse étouffée, sans cesse renaissante et qui se reconnaît simplement à son irréductible refus de l’oppression et de l’exploitation.
Est-ce parce qu’il croit cette idée morte à jamais que le Président Sarkozy se risque à faire du jeune communiste Mocquet une icône pour notre jeunesse ? Peut-être. Il revient à ceux qui portent aujourd’hui l’idée communiste, à tous ceux qui gardent au cœur la cause humaine, de remettre sur pied cette histoire. De faire passer la flamme de l’indignation de génération en génération. De redire combien il faut savoir parfois désobéir. De réapprendre aux jeunes, qui se sentent concernés, qui interrogent, les leçons de ses années noires. D’expliquer l’énorme générosité, l’humilité aussi qu’il y avait chez Moquet. De réfléchir à ce que peut signifier l’engagement. De reconstruire des droits. Reconstruire l’espoir.

Môquet
L’homme, le jeune homme

Poids de sa famille
père cheminot élu Front Popu
vit ambiance extrême politisation
10 ans 34 sursaut antifasciste
12 ans 36 front
14 ans 38 parle beaucoup espagne
16 ans 40 débâcle
vénération pour père « remplacer »
proximité mère> une lettre par jour internement
(qualité dernière lettre)
petit frère
niche familiale > force

famille destin terrible
père déporté algérie
guy fusille 17 ans
petit frère mourir de peur
après guerre mère tue accident voiture
beaucoup, non ?

Titi, sportif et intello

gamin nord de paris, côté des batignoles, frontière monde populaire est et bourgeois ouest ; aime jouer fortifs, actuel périphérique, séduire filles
sportif aime foot (but), basbet, vélo (vient nantes ?)
et brillant élève même si avec guerre de moins en moins classe et milite plus en plus
aime poésie ( slameur today ?), alexandrin ; arrêté, possession aussi de poemes de lui vendus pour financer activités politiks

militant

tombe tout gosse dans bain
mb de jc > espagne
fin été et automne 40, très actif ; tracts à la volée (et en vélo) sur marchés ; dans salle ciné, pendant actus précédent films (planchette, stock balcon, ficelle, envolée)
inscription sur murs : hitler fauteur de guerre, non vie chère...
des réunions déguisées en parties foot, vincennes
dénoncé (commerçant)
arrêté gare est, oct 40
jugé fev 41> libéré mais pas suite à décision tribunal
chateaubriand

la vie à chateaubriand

nb témoignages
camps gens du voyage puis mrché noir puis politiques (90% communistes) à partir sept 40
gm mai 41
nb de syndicalistes (timbaud, tintin)
nb élus
nb instits
concentration de cadres qui donnent forcément> cours, conférences, sorte auto-organisation que direction camp pas en état assumer
même bouffe

pourquoi chateaubriand

monter d’un cran la colère
lutte armée
fabien, nantes...
décision dure
représailles
de gaulle contre

la journéedu 22 octobre

nb témoignages
déroulement
consigné
sous prefet
chef gendarmes, ancien camp (gurs ?)
la liste
on les rassemble
dernière lettre
le curé
le transport
la sablière
les corps
la nuit
la dispersion

l’après chateaubriand

premiers échos locaux
en france
tracts pc
radio londres
de gaulle
les américains
début de basculement (opinion) face all, vichy, pc
Les enseignants, la Mémoire et l’Histoire

SNES < boycot
des Historiens
Comité vigilance face usage de Histoire

propos visent pas je crois personnalité Môquet mais risque manipulation par pouvoir de Moquet, decontextualisé, et récupération Histoire
personnellement comprends tout à fait
leur critique juste
en même temps historien et communiste peux pas laisser ce terrain de bataille politique à Sarkozy
Les débuts résistance

attaque allemande foudroyante mai 40 après mois « drôle »de guerre
débâcle, confusion, 12 millions de déplacés, colossal
22 juin armistice coupe pays en deux> resistance commence été 40
de gaulle> le mot> 18 juin, pensant surtout resistance militaire hors france
resistance intérieure : filières évasion, réseaux de renseignement, groupes de propa

résistance, pour beaucoup, affaire de jeunes ; part importante
propagande à l’école
manuels retirés des classes, image trop anti allemande ( 700 000 manuels en aout 40 en rp)
dès septembre 40 premiers textes anti-juifs
propagande, maréchal nous voilà (ote toi de là)
fanfan la tulipe, pour les plus jeunes
chasse aux doryphores etc
grande ignorance des choses du monde

ça bouge chez lycéens (paris) ; grafitis, pirater affiches allemandes
idem étudiants
(même zazous, cheveux longs, veste longue, forme opposition d’une jeunesse dorée)
diversité des inscriptions
ex 29 mars 41 brigade effacement lille dit 5500V, 300 croix de lorraine, 14 vive de gaulle, 4 a bas les boches, 1 vive churchill

jeunes de jc > moi (main d’oeuvre immigrée) dès sept 40 ; groups OS pour protéger

renseignements des rg montrent bien animation in quartier latin
ordre moral : interdit écouter-danser jazz

vercors, le silence de la mer (45)
« l’enfance est terriblement sérieuse, ne l’oubliez pas. Un enfant engage tout son être. Et nous, hommes graves et mûrs ? A quoi sommes nous prêts à engager tout notre être ? Nous tenons trop à notre chère carcasse »

dès l’été 40, premiers évadés> londres> france libre
d’autres ramassent les armes, pour demain

dès juillet 40, premiers textes à université de uec (uelcf)
26 juillet> étudiants, tracts pendant film sorbonne
arrêtés et journal coco « la relève » demande libération
26 sept 40 jean suret canale arrêté, tapisse de tracts la porte de maison des étudiants

les cinq lycéens de buffon ( eluard, ami, p 47)
les normaliens de dijon
les lycéens d’auxerreles lycéens de st brieuc

les grandes manifs de nov 40 sont le fait de jeunes
rentrée scolaire 40 sous tension
textes antisémites puis arrestation prof coco paul langevin (comité intellos antifafs) fait monter pression
uec – clandestine depuis sept 39 – tract manif du 8 nov, jour où langevin aurait du faire son cours inaugural collège de france
le tract (citations p 50)

communiste françois lescure pdt une>appel manif
revue « l’université libre » créée nov jacques solomon et georges politzer (appel, citation 50)
le 8 nov, état de siège, présents : pierre daix
jeunes aux tracts dans poche mais ordre vient pas
dans collège joliot curie>défense langevin
début manif (100) avec tracts côté sorbonne

11 novembre, groupes différents > appel converge, 11 nov à étoile ; chiffre 11 sur murs ; flics recensent 750 bouquets et 5600 personnes
nb jeunes portent 2 cannes à pêche ( = deux gaules...)
nb lycéens notamment de carnot ( celui de moquet)
1000 interpelés> (917 hommes) 550 lycéns, 300 étudiants, 57 écoliers, 138 salariés (nb profs et instits) : moyenne âge 18 ans
charge police puis soldats allemands, blessés
françois lescure, pdt une (père pierre lescure canal+)
claude santelli, homme télévisionfacs fermées

censure dans presse
cours reprennent 20 dec et vacances le 21 !

plus tard manifs tricolores : vestes rouges, corsages blancs, jupes bleues

arrestation nb jeunes pc (claude lalet)

jc de la plaine (93) , français et espagnols, actifs> 14 juillet 41 manif métro strasbourg st denis> répression, arrestation gens plaine, déporté ( prisonniers>manif 14 juillet 42 =angèle martinez et éléonore ribiano (Sibérie !)

hiver 40-41, création de nb orgas
les volontaires de la liberté
défense de la france (notamment geneviève de gaulle)
resistance
et pcf
citations 57

les plus organisés, les plus réprimés
ex lycée voltaire

tracts et journaux : rareté du papier, rareté machine ronéo, distribution dangereuse

les orga de jeunesse (joc, jec, juifs, protestants)

jeunesse et communisme

MOI existe depuis 1926 (MOE>1929)
italiens, espagnols, polonais, juifs europe centrale

automne 38 UEC créée (1000), congrès constitutif avril 39, pierre hervé 1er secretaire ; aussi lycéens cocos> fusion
dissoute sept 39, réorganise, « la relève »
peu nombreux mais bien organisés et assoc de masse
jean daudin
francis cohen
suzanne djian
françois lescure
daix ?

Nlle orga en 43
ginette gros
pierre kast
tsouladze
joseph roger
jean poperen
jacques chambaz

grenoble

été 41, lutte armée : andré ouzoulias et pierre georges
+ des groupes
gilbert brustlein
maurice le berre
manuel
j d’andurain
gilbert bourdarias
pierre tourette
andré kirschen
bernard laurent

répression prefecture de police
automne 41, moi +OS
yves kermen
louis marchandise
= pionniers, courage, fin mars-avril 42

savoie-haute savoie

fne : front national étudiant
ginette gros
rey
guy besse dit césar

union étudiants patriotes = uep

fujp = forces unies jeunesse patriotique (cnr des jeunes)

des noms :
thomas elek
marcel rajman
spartaco fontanot = ces trois figurent sur affiche rouge
joseph clisci
jean mattéi
joseph farbiaz
andré florin (et bernard) kirshen
pierre daix
pierre kast
pierre georges
bernard laurent
georges herrewyn
henri krasucki
charly salvadore

(STO février 43pour classes 20,21,22
(resistance coco)
Guy Môquet/Gérard Streiff
Temps des Cerises

Annexes

I.Cahier documentaire

1, Les premiers pas de la Résistance
2, Odette Nilès, l’amie de Guy Môquet, témoigne
3, Les lettres de (et à )Guy Môquet
4, Liste des 27 otages
5, Bibliographie

II.Cahier icono
I.Cahier documentaire

1)Les premiers pas de la Résistance

3 septembre 1939 : déclaration de la guerre

26 septembre 1939, interdiction du PCF et de la jeunesse communiste

octobre 1939, arrestation des députés communistes

17 juin 1940 : Pétain demande l’armistice

18 juin 1940 : Appel de Londres du général de Gaulle

10 juillet 1940, le PCF lance un « Appel au peuple de France »

Eté 1940, reconstitution de la JC clandestine

Automne 1940, premières actions des « bataillons de la jeunesse », organisation communiste clandestine

13 octobre 1940, arrestation de Guy Môquet Gare de l’Est

11 novembre 1940 : première manifestation contre l’Occupant à Paris.

24 janvier 1941, un tribunal ordonne la libération de Guy Môquet qui reste cependant interné à la Santé, à Clairvaux puis à Chateaubriant

Mai 1941, le Pcf lance un appel à la constitution d’un mouvement patriotique, le « Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France »

26 mai – 11 juin 1941 : grève des mineurs du Nord – Pas de Calais

22 juin 1941 : Les troupes d’Hitler attaquent l’Union soviétique

19 août 1941, Pierre Georges, le futur colonel Fabien, abat un officier allemand dans le métro parisien.

20 octobre 1941, au matin, après avoir un peu plus tôt saboté une voie ferrée, trois membres parisiens des « bataillons de la jeunesse », Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Guisco Spartaco, abattent le lieutenant-colonel Hotz, Feldkommandant de Nantes.

22 octobre 1941, les Allemands, en représailles, fusillent quarante-huit otages deux jours plus tard : vingt-sept au camp de Choisel (Châteaubriant), seize à Nantes et cinq au Mont Valérien.

En réaction à ces exécutions, le général de Gaulle adresse un message aux Français sur les ondes de la BBC, les appelant à un « garde-à-vous national » de cinq minutes le 31 octobre. L’Humanité et La Vie Ouvrière relayent cet appel. Une condamnation du président Roosevelt, imprimée en tracts, est parachutée par les avions de la RAF. Des grèves auront lieu dans de nombreuses entreprises et la flotte française en rade d’Alexandrie met le drapeau en berne.
Le poète Louis Aragon, à partir des renseignements recueillis à Chateaubriant et les lettres des internés, écrit un texte bouleversant sur l’exécution du 22 octobre, qu’il signe « Le Témoin ». Imprimé en tracts et diffusé en 1942, cette contribution sera lue à Radio-Londres et Radio-Moscou, et publiée dans la presse alliée.

Ajoutons simplement qu’après guerre, le lieutenant Touya sera promu capitaine et décoré de la Légion d’honneur ; le sous-préfet Lecornu poursuivra sa carrière dans l’administration...

2)Odette Nilès, l’amie de Guy Môquet, témoigne :

Odette Leclan, militante en 1941 de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), est internée au camp de Choisel (Chateaubriant). Aujourd’hui Odette Nilès, présidente de l’Amicale Chateaubriant – Voves – Rouillé, elle témoigne :

« Sa joie de vivre était spectaculaire

En arrivant au camp de Chateaubriant, nous avons immédiatement sympathisé
avec le groupe de jeunes garçons qui s’y trouvait. C’est là que nous avons
rencontré Guy, lycéen, fils de Prosper Môquet, député déchu et emprisonné.
En effet, en 1939, prétextant la signature du pacte de non agression
germano-soviétique, le gouvernement français avait déclenché une répression
féroce contre les communistes : interdiction de L’Humanité, perquisitions,
arrestations de maires, déchéance des députés. Et parmi eux, Prosper Môquet.
Guy en fut profondément choqué. Il n’avait que seize ans quand il écrivit à
Edouard Herriot, Président de la Chambre des députés :
"Monsieur le Président, je suis l’un des enfants
d’un de ces députés aujourd’hui enfermés.
Je suis un jeune Français et j’aime ma patrie
J’ai un c¦ur de Français qui demande et supplie
Qu’on lui rende son père qui a combattu
Pour notre belle France avec tant de vertu".
Guy aimait beaucoup sa famille, son père, sa mère, et Serge, son petit
frère. Sa dernière lettre en est la preuve.

Arrêté le 13 octobre 1940 à la gare de l’Est, il est dirigé vers la brigade
criminelle, Quai des Orfèvres. Des policiers français lui font subir un
interrogatoire musclé. Motif ? "Atteinte à la sûreté de l’Etat". Jugé en
janvier 1941, il est acquitté et déclaré en "liberté surveillée". En fait il
est transféré à Fresnes, prison des mineurs, puis à la Santé. Sa maman
attend vainement sa libération pourtant annoncée. De la Santé, il va à
Clairvaux pour rejoindre finalement le camp de Chateaubriant, en mai 1941,
avec un contingent de militants communistes, des élus, des syndicalistes,
des intellectuels comme Fernand Grenier, Charles Michels, Jean Pierre
Timbaud, Granet, Poulmarch, bien d’autres.

Guy était intelligent, bûcheur, dynamique ; il était promis à un bel avenir.
Sa joie de vivre était spectaculaire.
Sportif, il n’hésitait pas à se mesurer à notre ancien champion de course à
pieds, Auguste Delaune. Il se préparait aux épreuves avec le désir de se
battre. Il se distinguait au ping-pong. Aux échecs, il demanda à un
camarade qui était un "crack" de lui apprendre le jeu. Très vite il assimila
les règles et devint un joueur chevronné. Il jouait très bien de
l’harmonica, notamment "L’hymne à la vie" ou "Au devant de la vie" ; les
chansons révolutionnaires étaient interdites. Il avait une très forte
personnalité et, dans tous les domaines, il fonçait tête baissée. Cela lui
valait parfois des remontrances des "viocs" de sa baraque, comme on appelait
affectueusement nos anciens.
Guy avait de l’ambition - il souhaitait devenir avocat, un moral de fer et
seule la pensée de ses parents et de son jeune frère l’attristait.

Il échangeait le soir des confidences avec ses voisins de lit, jeunes comme
lui, avant de s’endormir en rêvant à la liberté. Des discussions sérieuses
mais aussi des choses plus futiles, sur la vie, l’amour, les filles, comme
peuvent en échanger des jeunes enfermés depuis de longs mois.
L’arrivée de 48 femmes à Chateaubriant avait bousculé la façon de vivre de
ces jeunes. Guy notamment prenait grand soin de sa tenue vestimentaire,
pourtant réduite ; ses cheveux un peu fous étaient bien coiffés. Il était
content de retrouver parmi ces femmes Marie Brechet, une amie de ses
parents, épouse du secrétaire de son père. Celui-ci venait d’être guillotiné
dans la cour de la prison de la Santé. Il lui apportait un peu de réconfort
en évoquant les bons moments passés ensemble dans le 17è arrondissement.

Le 13 octobre 1941, un émissaire de Pucheu, ministre du gouvernement Pétain,
arrive au camp et passe les baraques en revue. C’est le sinistre Chassagne.
Il désigne à la direction du camp un certain nombre de détenus, "pas
n’importe lesquels", et ordonne de les transférer dans une baraque isolée et
tout particulièrement gardée. Quel sort est donc réservé à ces camarades ?
Peu après, les gendarmes assurant la garde du camp et postés dans les
miradors sont remplacés par des Allemands.

Le 22 octobre 1941, les SS arrivent au camp. Ils installent un fusil
mitrailleur au milieu du terrain. Les détenus sont enfermés dans les
baraques, des gendarmes casqués sont en faction devant chaque porte. Un
officier SS et le lieutenant Touya, une liste à la main, viennent chercher
les otages. La plupart sont dans la baraque 19 ; les militaires se rendent
aussi à la 10, où se trouve Guy. Un témoin, un détenu de cette chambrée,
raconte :
" Nos c¦urs cessent de battre une seconde quand Touya lance avec un sourire
pincé un seul nom : "Guy Môquet !" Ce nom tombe comme un couperet sur chacun
d’entre nous, comme une balle qui nous traverserait la poitrine. Guy répond
"Présent !" et, comme sans réfléchir, droit, plus grand que jamais, il
s’avance d’un pas rapide et assuré. Arrivé près de la porte, il semble se
ressaisir pour nous lancer : "Au revoir, les copains !""

Guy et les 26 autres sont enfermés dans une baraque pour écrire leurs
dernières lettres. Puis vint l’embarquement dans les camions. Brisant
l’intolérable silence commence alors une Marseillaise. Elle s’envole des
camions et gagne tout le camp, baraque par baraque ; tous les détenus vivent
véritablement cet hymne. La population de Chateaubriant communie avec ceux
qui partent à la mort. Ceux ci seront placés dans une carrière, devant neuf
poteaux. Ils refusent de se laisser bander les yeux et attacher les mains.
Ils tomberont en trois fournées les uns sur les autres.

Bernard Lecornu, alors sous préfet, devra après guerre témoigner du courage
des suppliciés dans son ouvrage "Un préfet sous l’occupation allemande"
(Editions France - Empire) :
" Le lendemain matin, je me rendais chez le Kreiskommandant pour régler avec
lui les obsèques et récupérer les lettres et objets personnels. C’est de sa
bouche que j’eus le premier récit de l’exécution. Une fois rassemblés dans
les trois camions, ils ont chanté la Marseillaise pendant tout le trajet,
ils n’ont cessé de chanter l’Internationale, le Chant du départ. Les camions
militaires s’arrêtèrent devant la ferme de la carrière. Quand on a appelé
les neuf premiers otages ils ont refusé qu’on leur bande les yeux et se sont
placés d’eux mêmes devant les poteaux. Avant chaque salve, ils criaient
"Vive la France" ; les 18 autres ne pouvaient voir ce qui se passait mais ils
entendaient. Lorsque leur tout vint ils adoptèrent la même attitude que
leurs camarades.
Certains chroniqueurs emportés par leur plume ayant écrit que Guy Môquet
s’était évanoui à l’appel de son nom, je puis leur affirmer que les récits
qui m’avaient été faits quelques instants après la tragédie démentaient
cette version des faits. Guy Môquet était allé au supplice au même titre et
avec le même courage que ses anciens.
Au camp régnait un calme religieux. Chacun faisait preuve d’une maîtrise et
d’un courage. Le lieutenant Moreau, directeur du camp, confirmera le récit
du Kristukat. Les condamnés étaient partis en chantant tandis que les
politiques enfermés dans leurs baraques scandaient "Nous les vengerons !"".

Telles furent la vie et la mort de Guy Môquet. A 17 ans, plein
d’insouciance, joyeux, il est parti, notre Guy, comme serait parti un peu de
nous, fier et tranquille de son innocente jeunesse. Que dire ? Que dire quand
on assiste impuissant au plus terrible des drames, qui jette dans les bras
du bourreau 27 hommes sans défense..

Guy représente aujourd’hui le symbole de la jeunesse. Il convient d’y
ajouter les raisons de son combat, son engagement qui l’a conduit au peloton
d’exécution. L’histoire est faite et se déroule autour d’événements qui
conduisent les femmes et les hommes à se propulser dans les luttes tantôt
pour défendre les idées, tantôt par patriotisme. Guy s’est impliqué dans
les deux. Jeune lycéen communiste, il a rejoint avant l’heure ce que la
mission de Jean Moulin devait réaliser plus tard dans les mouvements unis de
la Résistance selon les décisions du Conseil National de la Résistance.
N’oublions jamais la phrase qu’il a écrite sur les planches de la baraque : "
Vous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir."

Drancy, le 6 juillet 2007

3) Dernières lettres de (et à) Guy Môquet

La dernière lettre de Guy Môquet à ses parents, le 22 octobre 1941 :

" Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, je vais mourir ! Ce que je vous demande, à toi en particulier, petite maman, c’est d’être très courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean, j’ai embrassé mes deux frères, Rino et Roger. Quant au véritable, je ne peux le faire, hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées ; elles pourront servir à Serge qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour. A toi, petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme. Dix-sept ans et demi ! Ma vie a été courte ! Je n’ai aucun regret si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine.Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Séserge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d’enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime. "

La lettre à Odette, le même jour :

« Ma petite Odette,
Je vais mourir avec 26 camarades, nous sommes courageux. Ce que je regrette est de n’avoir pas eu ce que tu m’as promis. Mille grosses caresses de ton camarade qui t’aime.
Guy »

La lettre de son père
(Elle arrive au camp après l’éxécution de Guy)

Expéditeur
M Prosper Môquet
N°9013. Groupe pénitentiaire
De Maison Carrée
Dept d’Alger

Destinataire
M Guy Môquet
Interné politique
Camp de concentration de Choisel
Quartier politique
Chateaubriant
Loire-Inférieure

« Le 9/10/41. Mon cher petit Guyguy, par ta maman j’ai de tes bonnes nouvelles. Je suis bien heureux que tu soies en bonne santé. Pour moi ça va toujours très bien. Je ne t’ai pas écrit dimanche dernier car je manquais de carte. Je ne reçois toujours rien de toi. J’en suis seulement à ta carte du 7/8. Je ne m’explique pas l’égarement de tes cartes. Enfin ! Peut-être les recevrai-je un jour. J’espère que tu reçois toutes les miennes. Je t’écris tous les dimanches. Ici, toujours même vie. Les jours, hélas ! S’écoulent bien lentement. Je suis souvent bien mélancolique. Heureusement que je reçois assez fréquemment des nouvelles de ta petite maman chérie. Mais, hélas ! Je ne reçois pas toutes les cartes qu’elle m’envoie. Là encore, il y a égarement. Tous mes amis te donnent bien le bonjour. Amitiés de Barel, Lévy et Petit. Je te quitte, avec la plume seulement, car par la pensée je suis sans cesse avec toi, ton petit frère et ta petite maman. Je t’embrasse bien tendrement. Ton petit papa. J’espère tu n’as pas froid. Ici ça fraîchit un peu. »

4)La liste des 27 otages

Charles Michels, Jean-Pierre Timbaud, Jean Poulmarch, Titus Bartoli, Henri Barthélémy, Jules Vercruysse, David Emile, Claude Lalet, Désiré Granet, Maurice Gardette, Charles Delavacquerie, Jean Grandel, Henri Pourchasse, Edmond Lefèvre, Julien Le Panse, Jules Auffret, Victor Renelle, Maurice Ténine, Antoine Pesqué, Eugène Kérivel, Pierre Gueguen, Marc Bourhis, Raymond Laforge, Maurice Tellier, Huynh-Khuong An, Maximilien Bastard, Guy Môquet

5)Bibliographie

Alfred Gernoux, Chateaubriant et ses martyrs

Ceux de Chateaubriant, Fernand Grenier, Editions sociales, 1961

Guy Môquet, une enfance assassinée, Pierre Louis Basse, Stock, 2000

La vie à en mourir, lettres de fusillés, choisies et présentées par Guy Krivopisko, Taillandier, 2003
II.Cahier icono

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