Desbordes

L’emprise

Un livre rare, à lire dans le plus grand silence, avec la plus grande
attention, un livre exigeant, l’exemple même de ce que la littérature
peut faire de mieux. Un livre d’autant plus singulier que l’auteur,
Michele Desbordes, sait qu’il est le dernier qu’elle écrira ( MD est
morte en janvier 2006).

L’emprise est une sorte d’autobiographie, qui va des années de la toute
petite enfance, pendant la seconde guerre mondiale, dans la région
d’Alençon, jusqu’à ces flaneries, ces tout derniers mois, en bord de Loire.

Il y a là des pages éblouissantes sur un périple, de nuit, que, petit
enfant, elle fait, juchée sur les épaules du père, « un moment unique de
fusion père-fille » dira un critique ; sur ce père absent si souvent mais
qui soude la famille du temps de son vivant ; sur la mort de ce père –
homme à femmes comme on dit - fracassé dans un accident de voiture ; sur
cette mère taiseuse et distante, la grand mère maternelle, le petit frère.
Les lieux y sont évoqués avec leur poids de joie et de chagrin, la
Sologne, ses forêts, ses étangs ; les bords de Loire.

Un récit mélancolique, un roman familial d’une grande qualité
littéraire, une recomposition étonnante du passé enf(o)ui par l’adulte
qu’est devenue MD, un vrai travail sur le temps, bref un livre qui
ressemble à un objet artistique.
Michèle Desbordes, c’est une langue fluide et très travaillée, un style
qui évoque par moments un psaume, une lenteur, un calme saisissant, une
capacité sidérante à donner à voir les vibrations internes. L’idée est
que rien ne s’efface, que l’être humain est toujours confronté au même
petit nombre d’affaires essentielles qui concernent le sens de sa
présence sur terre, ses liens avec les autres qui le déterminent, le
poids du passé en lui.

Si l’approche est autobiographique, les angles d’attaque ne cessent de
bouger ; on passe en permanence du je au elle, du moi au nous, une
manière de multiplier les prises de vue pour reconstituer l’enfance, la
jeunesse, creuser toujours plus profondément la mémoire familiale,
montrer toujours la proximité du passé et du présent.

A signaler un autre livre posthume : Artemisia et autres proses chez
Laurence Teper
où MD évoque des artistes qui ont su représenter ces mouvements secrets
qui nous animent.
Michèle Desbordes a publié tardivement, en 1996 et son ton s’impose vite
avec La demande ( 1998), La robe bleue ( 2004), Dans le temps qu’il
marchait ( 2004)i, Un été de glycine ( 2005).

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