Desarthe

Agnès Desarthe

Mangez-moi

Olivier

Le titre intrigue. On pense un instant à une sorte de manifeste
érotique. Ce n’est pas tout à fait ça. En fait ce livre est assez
difficile à résumer. On pourrait dire qu’il s’agit du récit des vies de
Myriam : la Myriam d’aujourd’hui qui tente une renaissance, une nouvelle
renaissance, en ouvrant un resto en plein Paris, ses histoires, ses
déboires, ses fabuleuses recettes ; la Myriam d’hier, désemparé face à la
naissance de son fils Hugo, le desamour mère/fils, la rencontre d’un
très jeune amant, la honte, la fuite (dans un cirque) ; la Myriam de
toujours, handicapé du sentiment qui s’est saccagée la vie, femme sans
coeur ou qui se croit telle, femme prise dans une banquise.

On pourrait insister sur la galerie de beaux personnages, ceux de
l’histoire passée, Hugo le fils perdu et réservé, Octave par qui le
scandale arriva ; ou ceux d’aujourd’hui, Ali slimane, cultivateur écolo
et amant volcanique ; Ben dont le talent et l’inventivité sont aussi
grandes que sa détermination à bannir de sa vie l’amour, le désir, le
sexe ; Vincent, le voisin fleuriste, coïncé, touchant, efficace ; ou le
frère de Myriam, ou l’ex...

Mais on serait encore loin du compte. Car le plus important dans ce
livre, que la « 4 de couv » présente comme « un roman d’aventures
spirituelles », c’est sans doute un ton, une gravité et une fantaisie à
la fois, une liberté très particuliere.

Agnès Desarthe est la grande soeur d’Alice au pays des merveilles ; comme
l’héroîne de Lewis Carroll, elle a le don de se retrouver toujours en
decallage, un peu à côté, jamais à sa place, géante dans un local
minuscule, naine dans un espace démesurément grand.

« Trop petite ou trop grande, ma vie se disproportionne et je ne suis
jamais à la mesure de ce que j’entreprends » dit-elle.

Myriam est une femme partie du plus noir du désespoir, qui réapprend à
vivre, à se reconstruire. Ce livre est sa quête de la sagesse et,
accessoirement, du bonheur. Il y à là un mélange de lucidité terrible et
saugrenue (un développement par exemple sur la manière dont la langue
peut s’ennuyer dans la bouche du partenaire...) et d’ouverture constante
aux rêves.

« Mangez moi » évoque un sensuel appel à la dévastation de la passion ;
c’est une façon de dire aussi : Jugez moi sur mes jarrets de veau, mes
osso buco, mes tapas de pain d’épice orné de chèvre et de poire rôtie,
je suis dedans ; et puis, c’est un clin d’oeil à son Alice qui trouvait
une fiole marquée « buvez moi » et aussitôt elle rétrecissait ; ou un
gateau disant « mangez moi » et elle s’étirait.

Ce livre est par ailleurs un bel hommage aux livres.

A.D. est née en 1966. « Mangez moi » est son 7e roman. Elle est aussi
traductrice et écrit en littérature jeunesse.



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