Maspéro

François Maspéro

Le vol de la mésange

Seuil

Recueil d’une quinzaine de récits brefs où François Maspéro se met en
scène dans des souvenirs anciens ou très récents, sous les pseudos de
Manuel, de Luc ou de Gilles, des prénoms qu’on retrouve dans ses autres
romans. C’est toujours un peu la même morale, témoigner, donc combattre
et espérer, toujours la même exigence intellectuelle, et la fidélité aux
idéaux et aux amitiés. C’est parfois drôle comme cette première
nouvelle, d’à peine deux pages, où une femme s’émerveille de la capacité
de son homme à attirer les confidences des gens, où qu’il se trouve.
Ainsi, après guerre, ils sont en Allemagne dans un train ; montent trois
ouvriers qui le prennent à témoin, parlent, parlent ; il ponctue leurs
propos de vigoureux « Naturlich » ; puis les ouvriers repartent, soulagés
comme des gens qui sortiraient d’un confessionnal ; l’homme et la femme
poursuivent leur voyage ; elle lui demande : « Je ne savais pas que tu
comprenais l’allemand ! ». Il répond : « Pas vraiment mais c’était
tellement passionnant ! ».

On retrouve des moments fondateurs de sa propre aventure, comme sa
famille de résistants, massacrés par les nazis, ce qu’il racontait dans
un précédent livre : « Les abeilles et la guêpe ». En juillet 1944,
l’irruption de la Gestapo dans la maison familiale, la mort du père,
sinologue connu, à Buchenwald ; celle du frère, FTP. Des figures qui « 
obligent » le jeune François (il a 12 ans en 1944), et cette peur, plus
tard, de ne pas être à la hauteur.

Il y a aussi la guerre d’Espagne et la figure de la photographe Gerda
Taro ; des nouvelles où passe une méchante nostalgie comme ce jour où sur
la côte bretonne il négocie une vente -1967- au moment même où au fond
d’une vallée de Bolivie se fait massacrer le Che.

Des nouvelles sur ses voyages, ses passages de douane problématiques,
ses séjours en Chine, dans les Balkans où souffle la folie nationaliste ;
la Corse dont il est originaire ; la mer.

C’est la traversée d’un demi siècle par un juste, un homme respectable.
Maspéro fut l’éditeur emblématique de la littérature de contestation des
années 70 ; un grand témoin militant ; un auteur de bons livres, plusieurs
fois primés : prix Edouard Glissant pour son oeuvre, prix Décembre pour « 
Les passagers du Roissy express », prix Rfi pour « Balkans transit »,
prix Billetdoux pour « L’ombre d’une photographe ».



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