Yann Le Tumelin - Moisson Noire

"D’origine suisse, le personnage est connu, et reconnu. C’est un médecin ambitieux, brillant, spécialisé dans la recherche sur le système nerveux sympathique et les tissus vivants. (...) C’est un savant, donc.Il n’a rien d’un fou ni d’un agité. J’insiste : c’est un homme raisonnable, intelligent, sensible aussi.J’ai pu apprendre par exemple qu’il était un grand amateur de Richard Strauss, de ses opéras et de ses lieder." (p.21)

Il n’y a pas longtemps, Joseph Bialot écrivait sur le camp de concentration de Neuengamme et la tragédie du Lübeck. Des histoires pas forcéments connues, comme celle que nous raconte à son tour Gérard Streiff, à propos d’une collection pour le moins macabre que se constituait un médecin SS (encore que la juxtaposition de ces deux mots soit incongrue). Il s’appelait August Hirt et officiait à l’institut d’anatomie de Strasbourg pendant l’Occupation quand lui est venue cette idée - comment dire... aberrante ? monstrueuse ? - d’un musée du juif, dont les pièces principales seraient des restes humains. Une façon "scientifique" de sauvegarder des "spécimens" de cette "race" vouée à disparaître par la grâce du IIIème Reich.

Près de Strasbourg, au camp de concentration de Struthof, une centaine de juifs (des Stücken : des "morceaux") seront gazés pour servir les ambitions du nazi et ses thèses eugénistes, puis acheminés vers les caves de l’institut, où leurs corps subiront les pires atrocités avant d’être abandonnés quand les Alliés libèrent la ville, fin 44.
Aux militaires s’offrira une véritable vision d’horreur, les restes d’un carnage sans nom. Le récit s’articule autour du journal de l’un d’eux (un personnage fictif), chargé de rendre un rapport concernant cette affaire, et d’une enquête policière : de nos jours, des scientifiques à la retraite sont sauvagement assassinés. Le capitaine Cesare Borelli tente de trouver les liens qui les unissent. Bien-sûr, passé et présent vont se rejoindre.

On ne va pas chipoter sur l’intrigue qui sert essentiellement de prétexte à nous raconter cet épisode glaçant de notre histoire récente. Sachez tout de même qu’il n’est pas recommandé de réunir dans un village fantôme une bande de néo-nazis et des ex-soixante huitards !

Certes, ce court roman n’a pas la force et l’émotion contenues dans le livre de Bialot, celui-ci ayant été lui-même témoin et victime des événements, mais n’en reste pas moins un bon polar, parfaitement documenté et qui nous met devant une terrible réalité. Voyez ce que l’homme est capable d’infliger à son semblable. La littérature sert aussi à ça, à méditer sur cette question et à se souvenir. Gérard Streiff l’a bien compris, qui revisite bien souvent l’histoire à travers le polar, et qui inaugure de façon salutaire la nouvelle collection L’Ecailler de l’Est (après L’Ecailler du Sud et du Nord).

On connait depuis 2003 l’identité des 86 juifs massacrés. Leurs noms figurent en fin d’ouvrage.

Yann Le Tumelin - Moisson Noire



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