2005 (3e trimestre)

Mouvement des idées
Note spéciale n°115 ( 5/7/05)

Sur la biographie de Marx par Attali

1) Vient de sortir (juin), aux éditions Fayard, « Karl Marx ou l’esprit
du monde » de Jacques Attali
. Ce gros ouvrage (530 pages) est une
biographie, au sens strict, de l’auteur du Capital, un livre d’Histoire
donc. Seule la courte introduction et quelques pages, à la fin du
dernier chapitre, sortent, un peu, de cette approche biographique pour
évoquer le marxisme et les enjeux d’aujourd’hui.
Dès les premières phrases de l’introduction, Attali donne le ton : « Mis
à part quelques fondateurs de religions, aucun homme n’a exercé sur le
monde une influence comparable à celle que KM a eue au Xxe siècle ». Or
cet homme (et sa pensée), dit-il, subit un discrédit formidable, il est
diabolisé. Pourtant « à lire son œuvre de près on découvre qu’il a vu
bien avant tout le monde en quoi le capitalisme constituait une
libération des aliénations antérieures. On découvre aussi qu’il ne l’a
jamais pensé à l’agonie et qu’il n’a jamais cru le socialisme possible
dans un seul pays mais qu’il a fait au contraire l’apologie du libre
échange et de la mondialisation et qu’il a prévu que la révolution ne
viendrait, si elle advenait, que comme le dépassement d’un capitalisme
devenu universel ».
Il évoque « son extrême actualité » : similitude des époques ; modernité
de son action ; mélange de ses héritages.
« Il est le premier (philosophe) à appréhender le monde comme un
ensemble à la fois politique, économique, scientifique et philosophique
 ». D’où le titre de l’ouvrage, d’ailleurs : « L’esprit du monde ».
Attali souligne n’avoir jamais été un marxiste, l’œuvre de Marx ne
l’ayant jamais accompagné dans sa jeunesse ; il dit même n’avoir jamais
entendu parler de cet homme durant ses études ( !).
Son premier contact fut la lecture de « Pour Marx » d’Althusser.
« Depuis le personnage et l’œuvre ne m’ont pas quitté. Marx m’a fasciné
par la précision de sa pensée, la force de sa dialectique, la puissance
de son raisonnement, la clarté de ses analyses, la férocité de ses
critiques, l’humour de ses traits, la clarté de ses concepts ».
Bref Marx est devenu pour Attali sa référence en toutes choses, de
l’économie à la musique…
En même temps, son Marx est à certains égards dépolitisé ou du moins « 
décommunisé ». Attali ajoute en effet, toujours dans cette courte
introduction, que maintenant que le communisme est mort, on va pouvoir
enfin s’intéresser à Marx : « Aujourd’hui, alors que le communisme
semble s’être à jamais effacé de la surface du globe et que sa pensée
n’est plus un enjeu de pouvoir, il devient enfin possible d’en parler
avec sérénité, sérieusement et donc utilement ».
De Marx, il garde d’abord l’expertise, l’intelligence du monde. Bien
plus que sa volonté de le transformer ( question qu’il n’aborde pas dans
cette introduction).

2) Rien à dire ensuite de la biographie proprement dite, claire,
documentée.
L’essai présente chronologiquement les différentes séquences
de la vie et de l’œuvre de Marx.
Soit : le philosophe (1818/1843) ; le révolutionnaire européen
(1843/1849) ; l’économiste anglais (1849/1856) ; le maître de
l’Internationale (1856/1864) ; le penseur du Capital (1865/1871) ; ses
dernières batailles (1871/1883).
On soulignera ici qu’Attali est convaincant lorsqu’il montre les
similitudes entre ce 19è siècle et l’actuelle époque. On retiendra aussi
l’incroyable décalage dans la vie de Marx entre sa force de pensée, son
autorité, son prestige et sa misère matérielle, ses conditions de vie
d’une invraisemblable précarité.
Attali salue « ces hommes rares qui choisirent de vivre en marginaux
démunis pour préserver leur droit de rêver à un monde meilleur alors que
les allées du pouvoir leur étaient ouvertes ».
Tout au long de ces pages, il conserve pour son personnage un ton
empathique.

3) Le dernier (et long) chapitre « L’esprit du monde » fait l’historique
de la propagation (et de la déformation) du marxisme.
Comment sa pensée
est devenue en cinquante ans un monument mais comment aussi elle fut
déformée, simplifiée, caricaturée, réécrite. Il y a là quelques pages où
Attali résume, de son point de vue, la démarche marxiste, le passage du
capitalisme au communisme (418/424), parle des « ambiguïtés » de cette
pensée, de ses contradictions.
Il raconte les batailles d’interprétation entre Anglais, Français,
Allemands et Russes au début du Xxe siècle, les rôles de Engels,
Kautsky, Lénine, Staline.
Ce chapitre donne une vision expéditive de l’histoire du marxisme. Tous
les travaux un peu novateurs de ces dernières décennies sont ignorés ou
résumés en quelques lignes hâtives (p 499).
En toute fin de chapitre, deux pages assez belles (502/503) sur
l’impasse capitaliste, l’horreur de la mondialisation, de la
marchandisation, la perspective d’un socialisme mondial (défini en 10
lignes : gratuité, responsabilité).
« Malgré (ses erreurs), la théorie de Marx retrouve tout son sens dans
le cadre de la mondialisation d’aujourd’hui, qu’il avait prévue ».

4) Bref un livre qui participe d’une dé-diabolisation de Marx, qui est
significatif d’un air du temps ( certains commentateurs parlent d’une
mode – nouvelle- en faveur de Marx)
 ; il suffit de lire les critiques de
Pivot dans le JDD, le débat Minc-Attali dans Le Figaro, le papier du
Monde pour mesurer qu’un regard nouveau sur Marx est à l’œuvre.
On remarquera d’ailleurs que les débats et commentaires suscités par ce
livre sont souvent plus « politiques » que le livre lui même : il y est
beaucoup question de la crise capitaliste actuelle, d’un besoin de
comprendre le monde aujourd’hui, d’une nouvelle vie du marxisme « libéré
 » par la chute de l’Est, de l’utilité et de la pertinence de la notion
de classes. S’installe l’idée : Marx, penseur de la mondialisation,
auteur d’avenir…
Il y a donc en partie un effet de mode, mais ce « retour à Marx »
traduit aussi une envie de se donner des outils pour appréhender le
capitalisme, ses mutations, la mondialisation
Le caractère exclusivement historique de l’ouvrage ; l’impasse totale sur
le communisme (identifié au soviétisme) ; l’ignorance des travaux
marxistes actuels, tout cela en limite l’intérêt. Il reste que cette bio
fait œuvre utile.
PS : On retiendra du débat Attali/Minc dans le Figaro du 27 juin à
propos de la biographie sur Karl Marx une surenchère entre les
débatteurs pour parler du retour des classes sociales ! Attali montre
comment Marx « a fait émerger la lutte des classes comme un moteur de
l’histoire » ; Minc dit que « les classes sociales continuent bel et
bien d’exister. Autrement dit l’une des catégories conceptuelles
centrales de la pensée de Marx conserve une réalité tangible dans les
sociétés postindustrielles » ; il parle de « redécouverte des classes
sociales », du fait de « se re-sensibiliser à une lecture de classes
dont nous avions parfois perdu l’habitude »…

Mouvement des idées
N °116 ( 12/7/05)

1)Communisme, terrorisme, même combat ?

Curieux raisonnements qui se déploient sans vergogne depuis quelques
jours dans la presse de droite, prétendant montrer qu’il y aurait une
sorte de filiation idéologique entre terrorisme et communisme ou « 
néo-communisme ». C’est le cas d’AG Slama, chroniqueur politique du
Figaro ( et prof de Sciences Po). Il voit dans les attentats « une
guerre idéologique qui prolonge les conflits totalitaires du Xxe siècle
 », retrouve « les bandes organiques qui furent les premiers moteurs du
bolchevisme », parle des « totalitaires rouges », de Marx, Lénine, de Mao…
Même topo, dans le journal du même jour, de Pascal Bruckner qui écrit « 
les derniers brandons du tiers-mondisme se consument dans
l’islamo-progressisme, théorisé par un certain nombre de philosophes
musulmans auteurs de synthèses entre le marxisme et un islam présenté
comme la religion des deshérités et comme une alternative au libéralisme
planétaire. On retrouve aujourd’hui ce type de synthèses dans Le Monde
Diplomatique et plus largement chez tous ceux qui en France ont milité
pour le croisement du Forum social européen avec des intellectuels
prônant une conception rétrograde de l’islam ».
Une manière de discréditer la contestation antilibérale qui repart aux
quatre coins du monde.

2)Contestation à l’entreprise et édition

L’image de l’entreprise et des patrons s’est effondrée ces dernières
années. (Le changement à la tête du MEDEF tient certainement compte du
besoin patronal de changement d’image.)
Se multiplient les ouvrages critiques sur la vie à l’entreprise. Un
véritable phénomène de mode. Plus d’une centaine d’ouvrages en quelques
mois. Le plus connu : « Bonjour paresse » de Corinne Maier, 250 000
exemplaires.
La plupart de ces livres traitent du malaise social, de la crise des
cadres, du sentiment des travailleurs d’être sacrifiés au profit.
A retenir : Daewoo de François Bon ou « Dehors les p’tits Lu ! » de
Laborde et Gintzburger (ou encore, en fiction, « Les vivants et les
morts » de G. Mordillat).
Un article du Figaro s’inquiète de la force de ce mouvement, parle pour
la rentrée de parution de livres de patrons tentant de redresser la
barre et annonce un Forum des entrepreneurs en septembre à Marseille sur
le thème « Le bonheur est-il possible en entreprise ? »

3)Conflits sociaux dans le privé

Rapport du Ministère de l’emploi sur les grèves dans le privé en France.
Leur nombre aurait (encore) reculé en 2004 (-4%), passant de 545 à 523
dans les entreprises hors secteur public, transports et agricultures.
Mais dans le détail on voit que les conflits dans les entreprises de
plus de 500 salariés ont augmenté de 12%. C’est le cas d’un conflit sur
cinq.
En tête des revendications : salaires puis emploi puis temps de travail.
L’étude montre aussi la montée des « grèves sauvages », « déclenchées
spontanément par les salariés en dehors de toute intervention syndicale
 » ; ces mouvements plus radicaux sont passés de 11% en 2002 (des
conflits) à 22%.
L’étude parle encore de nouvelles formes de conflit, parfois plus
diffuses : « de la protestation silencieuse (absentéisme, démotivation,
refus d’heures supplémentaires) à la grève ouverte en passant par les
pétitions, rassemblements et manifestations ».

4)Avignon 2005 : la faillite du théâtre-texte ?

Petite polémique sur l’avenir du théâtre à partir de la programmation
2005 du Festival d’Avignon. La forme « classique » serait minorée ( y
compris dans la Cour d’Honneur), le théâtre hybride (théâtre + vidéo, ou
danse ou musique ou cirque…) privilégié. On parle de « l’agonie du
Festival rêvé par Vilar ». Lavaudant dit : « Le théâtre de mots a perdu
sa force de frappe » ; mais pour Bob Wilson, « Dire que le théâtre de
texte a fait faillite, c’est juste un prétexte pour réduire les
subventions »…
Parmi les spectacles « hybrides », signalons « La place du singe » de
l’écrivain Christine Angot et de la chorégraphe Mathilde Monnier qui est
un violent pamphlet contre la bourgeoisie.
Cette mise en cause de la bourgeoisie est l’occasion d’un long billet
furibard de Stéphane Denis dans Le Figaro du 5/7.

5)Inégalités devant la mort

Etude de l’Insee intitulée « Les différences sociales de mortalité : en
augmentation chez les hommes, stables chez les femmes », Insee Première,
1025, juin 2005. Elle montre non seulement que l’espérance de vie des
ouvriers est de sept ans moins longues que celles des cadres mais que
l’écart s’est accru ces trente dernières années. Elle confirme que « les
conditions de travail ne se sont améliorés ».
Les Echos résument la situation ainsi : « Les ouvriers payent la
retraite des cadres ».
Sur le moral des cadres, voir l’enquête de la CFDT (Figaro Economie du
8/7) : stagnation du pouvoir d’achat, individualisation des salaires, « 
pessimisme au plus haut ».
Sur les inégalités encore : selon Paris Match (8/7), 32% des Français ne
partent pas en vacances ; un cadre y dépense deux fois plus (1800 euros)
que l’ouvrier (900).

6)Sarkozysme (suite)

Intéressant papier du Figaro du 7/7 montrant comment Sarkozy construit
ses propositions et son discours, notamment le rôle d’un prof de
Sciences Po, Manuel Aeschlimann, député maire d’Asnières (l’homme est
appelé par ses propres amis « le killer »…) ; ce dernier préside une
commission de suivi de l’opinion et consulte beaucoup. Il alimente le
président de l’UMP en notes, par exemple sur le scepticisme européen des
Français (dès février il signalait à Sarkozy le risque de victoire du
Non), la variable économique dans la détermination du choix électoral,
l’appartenance religieuse, la volatilité des électeurs du Front national.
Il estime que le vote idéologique est remplacé par un vote sur enjeux ;
c’est là où il faut intervenir, avec une stratégie électorale adaptée et
des argumentaires ciblés (et dépouiller du même coup le FN).
Il prône une manière de communautarisme ( testé à Asnières, dit-on).
Il propose de « récupérer les listes électorales » afin de cibler les
problèmes des électeurs. Certains parleront de cynisme ou de marketing,
dit-il, alors qu’il s’agit d’être près des préoccupations des gens.
Prochaines notes : les beurs ; les femmes ; les salariés du service public.

7)Modèle social, exemple britannique

Le débat sur le « modèle social français » a sans doute été le sujet
dominant – hors actualité- de ce début d’été.
Véritable campagne, de droite pour l’essentiel, libérale, de discrédit
de ce modèle, à présent assimilé à une accumulation « d’exceptions », à
de l’arrogance… Dans le même temps, vive relance du modèle blairiste ou
anglo-saxon, empruntant divers canaux ; elle va même se nicher dans la
chronique de Philippe Sollers in Le Journal du Dimanche.
Les deux avocats les plus directs de Blair : Sarkozy (nombreuses
déclarations ce dernier week end) et Seillière ( cf Le Figaro Economie
du4/7).
A retenir aussi un article de Thomas Piketty in Libération du 27/6, avec
quelques caractéristiques du capitalisme britannique.
La productivité française est nettement supérieure à la britannique. La
production par heure travaillée est 25% plus faible en GB qu’en France
ou en Allemagne. Si les britanniques ont le même PIB que les Français,
c’est parce qu’ils travaillent 25% plus d’heures que nous.
Il parle « d’un pays sous-formé et faiblement productif (l’écart de
productivité n’a quasiment pas diminué), contraint d’adopter des
méthodes de pays pauvre (dumping fiscal et longues heures de travail)
pour se hisser au même niveau que les autres » ;
Parle encore de « médiocrité persistante de la productivité de la main
d’œuvre britannique », d’un système de formation sous-doté et
inégalitaire, de retard du système d’enseignement primaire et secondaire
sur le modèle français, de sous-protection des salariés.
On rapprochera ce thème de plusieurs dossiers ( JDD, Humanité) sur des
résidents britanniques dans la province française ; ici, disent-ils, les
services publics, l’école et l’hôpital fonctionnent…
Sur le PS et Blair, voir l’article du figaro du 11/7.

8)Le monde futur selon la Banque mondiale

Le chroniqueur économique du Monde (3/7) consacre son billet hebdo aux
propos prospectifs de Jean-François Rischard, économiste luxembourgeois
qui fut pendant trente ans à la vice présidence de la banque mondiale.
Ce dernier est aussi l’auteur de « 20 défis pour la planète. 20 ans pour
y faire face » chez ActesSud, 2002. L’homme prévoit notamment un
chamboulement de la division internationale « avec des flux immenses de
délocalisations dont nous n’avons vu que le tout début ». Côté solution,
il préconise une espèce de dictature d’une technostruture mondiale sur
les pays, avec « des groupes d’experts chargés de définir des normes
puis enfermés pendant trois ans pour trouver des solutions détaillées »
 ; chaque Etat serait jugé sur sa conformité à ces normes « et les Etats
voyous sanctionnés par un vacarme solennel fait sur leur réputation
auprès des opinions publiques mondiales, des médias, des grandes
entreprises, des banques ».
Le chroniqueur trouve l’étude de JF Rischard « remarquablement bien
faite »….

9)Capitalisme financier

Le libéral Yves Kerdrel des Echos a parfois la dent dure pour les siens.
Dans un papier du 11/7, « Les marchands de couverture et les pantalons à
une jambe », il démonte en deux temps le mécanisme spéculatif du
capitalisme financier. 8000 « hedge funds » dans le monde gèrent 1000
milliards de dollars et l’essentiel de leur activité est parasitaire,
une sorte de jeu d’écriture purement spéculatif, avec des taux de
rendement « quatre à cinq fois supérieurs aux taux de l’argent qu’ils
empruntent ».
Ces fonds, en expansion permanente ces dernières années, volatiles,
hasardeux, sont couverts par la Réserve fédérale américaine et A.
Greenspan ; l’auteur parle d’ « alibi immoral » et « d’impunité malsaine
 » de la part« du grand manitou de la politique monétaire américaine qui
sera toujours là pour les protéger, injecter des liquidités, organiser
un sauvetage de place »
Sur un sujet proche, on notera la façon dont le pouvoir et les médias « 
vendent » une réforme de l’ISF. Il n’y a peut-être pas de chef
d’orchestre clandestin mais parfois tout se passe comme si : vendredi
8/7, large écho à la fronde d’une partie de l’UMP contre l’ISF ; samedi
9, colère médiatisée de Méhaignerie sur le même sujet ; dimanche dans le
JDD toute une page sur « les gens de peu » concernés par l’ISF du fait
de la spéculation immobilière (Ile de Ré) ; lundi, le ministre Breton
officialise l’idée de réforme ; mardi, un autre ministre se félicite
qu’il n’y a plus de sujet tabou…

10)Partis

UMP : (troisième) convention nationale le 7/7 sur les services publics ;
correspond à une stratégie de Sarkozy de « ségmentation de l’électorat
 ». Au menu : attention aux usagers ; service minimum ; ouverture à la
concurrence ; performance.

PS : calendrier proposé par Hollande : novembre 2005, congrès ;
printemps 2006, convention sur le projet ; mai-juin 2006 : conclusion
d’alliances politiques, candidats aux législatives ; second semestre
2006 : désignation du candidat à la présidentielle.

Mouvement des idées
N °117 ( 16/8/05)

1)Une France ringarde ?

Campagne lancinante, tout l’été, pour accréditer les thèmes d’une France
ringarde et d’un désarmement idéologique des Français, qui seraient mûrs
pour les thèses libérales.
Enquête du JDD du 24/7 sur « la France ringarde ».
Long papier du Monde du 10/8 sur la fin des « tabous » (progressistes)
français genre ISF, services publics, protection sociale, Smic,
retraites, LivretA, etc…
Enquête de Libération du 11/8 sur « la France sclérosée » et sur les
jeunes qui fuiraient le pays.
A nouveau édito du JDD du 14/8 sur « L’autre France », celle qui gagne (
athlétisme en Finlande, image de Yannick Moah…) opposée à une France
repliée, peureuse ( celle du Non…).
Du même tonneau, le colloque Plutarque Le Monde/France Culture sur le
thème de « la peur ».
Tous ces thèmes recoupent l’argumentaire sarkoziste sur la fin du modèle
français.
Cette campagne continue aussi un long travail de dénigrement des
résultats du scrutin du 29 mai ; tous les moyens semblent bon pour
coller au Non une image régressive.

2)Hyper-communication estivale

Le thème de la manipulation de l’information était venu très fort lors
du débat du référendum. On ne peut pas dire que les choses se soient
améliorées. On a assisté cet été à une sur-communication du pouvoir, des
ministres omniprésents dans les médias. La surenchère à droite entre
chiraquiens et sarkozistes pour être « visibles » a encore aggravé le
problème.
Les JT sont toujours aussi sensationnalistes, catastrophistes,
alarmistes ou au contraire insipides, insignifiants.
Très très peu d’informations sociale cet été à la télé.
Sur la communication aujourd’hui, on lira avec intérêt l’analyse de
l’universitaire Jean-Léon Beauvois dans Le Nouvel économiste du 11/7 « 
Nous vivons l’ère de la propagande glauque » : absence d’argumentation
des idées, évitement absolu du débat public, simplisme, théâtralisation…
Voir aussi le dossier du Figaro du 12/8 sur les « blogs » politiques et
leur utilisation dans la perspective des présidentielles.
Voir encore l’enquête du Monde Radio-Télé du 1/8, « Fronde anti-télé »,
sur ceux qui refusent la télé !

3)Guerre au terrorisme et capitalisme de la peur

L’actualité internationale aidant, le thème de la lutte contre le
terrorisme a occupé une large partie des commentaires du début de l’été.
Il a permis de largement recycler la question de l’insécurité, de
relancer l’idéologie sécuritaire et de reformuler des lois liberticides.
Mais on retiendra une double approche critique : celle d’abord de
l’inefficacité de cette lutte antiterroriste dans ses formes uniquement
répressives : plusieurs articles sur ce thème dans Le Monde.
Voir aussi le débat sémantique et politique entre dirigeants américains
sur « terrorisme » et « extrémisme ».
Et surtout l’étude de Denis Duclos (CNRS) dans Le Monde diplomatique
d’août « Ces industries florissantes de la peur permanente » sur les
ressorts de ce « marché de la peur » : l’installation d’un « Etat
sécuritaire » et une nouvelle course aux profits dans une technologie de
surveillance tout azimut de plus en plus sophistiquée.

4)Les limites su sarkozisme

Grosse opération promotionnelle à droite cet été en faveur de de
Villepin. Dans le même temps où on note des difficultés (naissantes ?)
du sarkozisme. Une étude de la Sofres (Le Monde, 24/7) montre en effet
que si l’UMP est plus « visible » pour l’opinion depuis un an, ce parti
ne bouge pas, il conserve sa composition socio-économique et ne
progresse ni chez les jeunes, ni dans les classes moyennes, ni chez les
salariés.
On note même un vrai décrochage de Sarkozy dans l’électorat UDF (de 90 à
60% de bonnes opinions en quelques mois) ; on lui reproche sa
droitisation : « Le tassement de Sarkozy y est consécutif à ses
déclarations de La Couneuve et sur la justice » estime la Sofres.
L’institut pense aussi que le discours du ministre de l’intérieur ne lui
profite pas non plus à l’extrême droite : passe de 68 à 48% de bonnes
opinions.
(Les visites répétées et « diversifiées » de Sarkozy à la Courneuve
tiennent sans doute compte de cet impact négatif du « Karcher »).

5)Capitalisme et opacité

Plusieurs articles cet été sur l’opacité du capitalisme.
Via les fonds spéculatifs : gros papier du Figaro Economie du 11/8 sur
les « hedge funds » : poids doublé en six ans, déréglementation totale,
rentabilité record. Soutien officiel de la FED. On répète l’idée que « 
tout est sous contrôle » ; on sent cependant une réelle inquiétude des
analystes face à la puissance (et à la fragilité) de ces fonds pour le
système capitaliste lui-même.
Autre long papier du Monde du 11/8 sur « l’opacité du capitalisme italien ».

6)Débats en Avignon

Cette année, le festival a été l’occasion d’un âpre débat, mobilisant
les spectateurs, les créateurs, les grands médias. Débat multiforme où
se croisaient plusieurs questions : la qualité et l’équilibre de la
programmation du In ; la « violence » et la « noirceur » des spectacles
 ; la place du théâtre-texte comme on dit maintenant et celle des autres
disciplines (danse, vidéo)…
Débat normal et intéressant dans un monde de la culture souvent atone.
Mais le débat a été aussi l’occasion d’une offensive « réactionnaire »
sur le thème : on gaspille nos subventions et remettant en cause la
liberté d’expression. Curieuse alliance ici du Figaro, du Nouvel
Observateur (bobo) et de Marianne.
A noter aussi la vigueur du festival Off avec 600 000 entrées (contre
100 000 dans le In).

7)Torpeur syndicale

Plusieurs articles (Libération, Le Monde) sur la faiblesse des luttes
cet été selon les rédactions (lesquelles dans le même temps ont peu fait
sur les mouvements en cours…), le « désarmement idéologique » de
l’opinion ( c’est tout à fait l’angle d’attaque du papier du Monde déjà
mentionné du 10/8 sur les tabous) et aussi sur « les torpeurs du
syndicalisme » : long article du Monde du 24/7.

8)Crise de la politique

Quelques bons articles cet été sur le sujet. Un papier de Bertrand Le
Gendre dans Le Monde du 1/8) intitulé « Les élus sans le peuple » :
fossé, décalage, perte de confiance, démagogie ; et trois études
politiques réunies dans Le Figaro du 14 juillet, sur la crise des partis
 ; le système institutionnel ; et la fracture sociale.

9)Les mêmes au pouvoir

Il y a trente ans, en 1973, deux polytechniciens publiaient un brûlot « 
La mafia polytechnicienne » dénonçant « ce système de cooptation par les
couches dirigeantes de leur propre progéniture ». Il s’agissait de
Jacques Kosciusko-Morizet et Jean Peyrelevade. Ce dernier est devenu le
banquier que l’on sait ; l’autre signe dans Le Figaro de cet été un long
dossier sur le thème « L’X n’a pas bougé en 30 ans » : « C’était la
réalité et elle n’a pas bougé aujourd’hui » (14/7).

10)Partis

UMP : deux caravanes de propagande sur les plages cet été par des
militants rétribués. Avec distribution d’un journal 12 pages à 300 000
exemplaires. Adhésion par SMS. On parle de 1073 adhésions la première
semaine d’août (contre 1100 pour tout août 2004). Plusieurs articles
couvrent l’initiative.

Changement à la tête des Jeunes UMP avec la venue d’un sarkozyste.

PS : une pleine page du Figaro du 11/8 sur l’état des forces au sein des
fédés et des députés, les textes des courants.

LO : a également organisé une caravane de propa cet été.

Mouvement des idées
N °118 ( 26/8/05)

1)Patriotisme

La notion de patriotisme, singulièrement de patriotisme économique a été
assez présente cet été dans les médias. En partie propulsée par de
Villepin à l’occasion de l’affaire Danone. On notera le silence du MEDEF
sur le sujet mais l’enthousiasme d’une partie de la gauche « ouiouiste
 »… Ainsi dans Le Nouvel Observateur, L.Joffrin, idéologue bobo par
excellence, se livre à une défense flamboyante de la nation et du
patriotisme, qui n’ont rien de ringard mais sont au contraire des « 
cadres de référence » et des « matrices de la démocratie ».
Ce discours, outre sa complaisance avouée pour Villepin, est
complètement nouveau dans cette gauche là. Il y a même un retournement
complet de vocabulaire.
On peut y voir, chez Villepin comme au Nouvel Obs, un repositionnement
rhétorique, ou idéologique, suite à la victoire du Non en mai dernier.
Sur un thème proche, voir la chronique de Zemmour dans le Figaro du 24/8
sur le PS et la nation ; ou le dossier de JF Khan dans Marianne du 23/8
sur la droite et la nation.

2)Surenchère libérale

Il ne semble pas en aller de même en ce qui concerne la bataille d’idées
économiques. On aurait pu s’attendre à un relatif retrait, une certaine
prudence des libéraux, au niveau du discours. On assiste tout au
contraire à une surenchère tenace, persistante, acharnée. Non seulement
toutes les tribunes sont bonnes pour marteler quelques idées simples :
les Français ne travaillent pas assez, le code du travail est rigide,
les charges des entreprises trop lourdes…. Mais on perçoit une
surenchère, une invitation à aller plus vite. « C’est maintenant ou
jamais » titre l’édito de Slama dans Le Figaro, sur les choix libéraux à
prendre ; l’homme pourtant n’est pas un extrémiste de libéralisme.
C’est le créneau de Sarkozy.
Présenté (à droite) comme « le livre événement » de la rentrée ( ?),
l’ouvrage de Christophe Lambert, pdg de Publicis, « La Société de la
peur » (Plon) brode sur le thème du déclin, d’une France apeurée car « 
kunkerisée contre le libéralisme » et ses valeurs (risque, effort) ; il
faut au contraire rebondir grâce à une « anglo-saxonnisation de la
société française ».

3)Antilibéralisme = analphabétisme

On voit se roder et s’installer un argumentaire contre les forces
antilibérales, contre le « néo-communisme » plus généralement.
A l’opposé de la modernité, l’antilibéralisme serait un « retour » à un
passé révolu, une régression. Qui refuse de voir ce qu’il y a de nouveau
dans la crise. L’idée de « retour » est martelée, retour de la lutte des
classes (Kouchner), retour de la « vieille gauche » (Voynet), « retour »
des « productivistes, des industrialistes » ( Verts de droite)…
Autre qualificatif à présent systématique : l’antilibéral ( ou le
néocommuniste) est un ignare, il ne sait pas de quoi il parle, il ne
mesure pas la complexité du monde, de l’économie, de la mondialisation.
Ces thèmes viennent autant de droite que de gauche : Rocard, Kouchner…
Parlant du nouveau parti de gauche en Allemagne, Adler dans le Figaro
parle par exemple de « l’éphémère renaissance d’un communisme populiste
naïf et analphabète ».
L’argument (de l’inculture) n’est pas vraiment nouveau mais il semble
prendre une place plus importante dans la polémique.
Est-ce une manière d’exorciser l’image de compétence qu’ont su donner
les forces antilibérales durant la campagne du référendum ?

4)Interprétations du référendum (suite)

Plus de trois mois après le référendum, les débats sur la signification
de ce vote continuent. Souvent avec vivacité. Voir par exemple la revue
des revues par Michel Winnock (sommité de Sciences Po) in Le Figaro
littéraire du 25/8 : « Le choc du 29 mai 2005 retentira longtemps. Cette
date d’un référendum malheureux n’est-elle pas déjà répertoriée comme un
jalon historique de notre déclin, analogue à la capitulation du Munich
de septembre 1938 ? »
Il fait notamment référence à des articles de René Rémond et de Michel
Crépu dans La revue des deux mondes, été 2005.

5)Blairisme à l’épreuve

Plusieurs articles documentés cet été sur l’essoufflement du modèle
blairiste. Tassement économique, crise sociale, impasse démocratique et
faillite du communautarisme. On retiendra notamment l’analyse de
l’universitaire Philippe Marlière dans Libé du 22/8 sur le blocage
politique de ce système bipartisan (et consensuel) où l’opinion, hostile
à Blair (sur l’Irak singulièrement) s’est repliée, résignée : « Le
décalage entre les attentes populaires et l’offre politique est énorme.
Il incite à l’attentisme, voire à la résignation. Cette inaction n’est
pas synonyme d’apathie ou d’indifférence. Elle est le produit du système
institutionnel britannique : une démocratie sans choix politique ».
Bon papier de Gilles Kepel dans le Monde du 23/8 qui montre, face à la
faillite britannique de l’intégration, les qualités et les limites du
modèle français.
Le blairisme à la française n’a pourtant pas dit son dernier mot ; voir
le long point de vue de Claude Allègre in Le Monde, 26/8.

6)Communication compassionnelle

Elle occupe désormais l’essentiel des Journaux télévisés.
Emotion et information se mélangent allègrement.
A noter cette remarque dans Le Monde du 25/8 d’un psy évoquant les
catastrophes aériennes : « Les hommes politiques sont devenus les
officiants de cérémonies œcuméniques.(…) Comme ils n’ont plus de pouvoir
d’action sur la réalité sociale, ils se réfugient dans la communication.
La communication compassionnelle, celle qui prend aux tripes, est celle
qui aujourd’hui paraît la meilleure voie possible ».

7)JMJ, vitrine trompeuse

Sur les JMJ de Cologne, retenir cet édito du Monde (21/8) : « Les JMJ
sont une vitrine trompeuse. Elles n’ont jamais rempli les églises et les
séminaires. Elles cachent des phénomènes de désaffection qui
s’accentuent en France comme en Allemagne ou dans le reste de l’Europe.
C’est le paradoxe : jamais l’Eglise ne se sera autant affichée et jamais
elle ne se sera aussi mal portée ».

8)La politique est un roman

Bon dossier du Monde (6/8), une pleine page, sur la manière dont les
écrivains s’emparent de la politique pour en faire des romans. Avec
trois exemples : « Notre aimable clientèle » d’Emmanuelle Heidsieck
(Denoël), un thriller social pour décrire l’univers des ASSEDIC ; « 
Mafia chic » de Coignard et Wickham ( Fayard) sur corruption et pouvoir ;
« Shooté au pouvoir » de JB Desaize (Max Milo) sur une ascension sociale
via l’appareil d’un parti.
Publication des principaux ouvrages de la rentrée. Plus de 600 romans.
Parmi les essais, un thème revient fort, celui de l’école.
Bon papier d’Alain Nicolas in L’huma du 25 montrant que l’apparente
diversité de la production éditoriale (600 romans) conduit de fait à une
uniformisation des goûts.
Sur un sujet proche, à signaler ici ou là comme une recherche d’une
théorie appropriée à ces temps de mondialisation, d’une philosophie de
la radicalité.
A lire le long article sur Marx, « le metteur en scène de la lutte des
classes » in Marianne, 24/8.
Allusions (fielleuses) à Alain Badiou in Nouvel Obs du 25/8 : « On ne
peut pas lutter contre la dictature du marché avec des doctrines qui
respectent la complexité, le relativisme et le compromis ».

9)Le phénomène Rolling Stones

43 ans après, ils sautent encore. Le lancement de la tournée mondiale
des Stones, par les USA, est l’objet de commentaires sur la longévité de
cette génération du baby-boom, sur « la nostalgie des optimistes années
60 » aussi. Et accessoirement sur le climat anti-guerre qui reprend aux USA.
De nombreux ouvrages par ailleurs cet été sur 68, des documentaires,
soit attendris, soit de justification de reniements. En tout cas belle
vitalité d’un repère que la droite dit ouvertement (Sarkozy notamment)
vouloir démantibuler.
Sur un thème proche, campagne publicitaire de Leclerc piratant des
images de 1968…

10)Partis

Droite : la diversité de ses familles, dossier de Marianne, 23/8

Gauche, la radicalisation, dossier de Libération, 25/8.

UMP : forcing de Sarkozy sur la question des adhésions ; publication à
répétition des chiffres ; au 22/8, on en serait à 162 000 adhérents dont
55 000 n’avaient jamais pris de carte dans un parti, et 2000 adhésions
depuis début août.
Selon Libé, cet été, on n’adhérait pas suite à l’acte militant (de la
caravane des plages) mais suites à l’écho médiatique sur cette initiative.

PS : à lire la réflexion de M.Noblecourt du Monde sur les contributions
pour le congrès : « Au PS, le retour du socialisme du possible » (7/8).
Sur l’immigration et les socialistes, toute une page du Figaro du 4/8.

Kouchner : longue tribune programmatique dans Le Monde du 21 juillet ; « 
Le système social français n’est plus un modèle pour personne » ; il
détaille dans Le Figaro du 23/8 son projet : plus de précarité,
travailler plus.

Internet : nouvelle étude, de deux universitaires Franck Ghitalla et
Guilhem Fouetillou, qui confirme le poids pris par internet dans
certains débats politiques, lors du référendum européen notamment (Libé,
23/8).

Mouvement des idées
N °119 ( 13/9/05)

1)Les Français contre le libéralisme

A lire absolument l’enquête Sofres du Figaro Magazine (10/9) sur « les
tabous ». L’hebdo très marqué à droite voulait sans doute marquer la
rentrée en prouvant que les thématiques de droite progressaient dans
l’opinion. Il n’en est rien. Au contraire. Les Français ne veulent pas
qu’on touche à leur « modèle » social : ils sont contre les
privatisations, le recul des protections, la casse de la santé, les
inégalités de salaires, la baisse du Smic, la liberté de licencier, la
casse des services publics, le désengagement de l’Etat.
Parfois l’évolution d’une année sur l’autre sont fortes : ainsi les
partisans des fonds de pension ou de la sélection à l’Université sont en
recul de 15 et de 7 points !
Le journal regrette cette mauvaise « prise en compte des contraintes de
la logique du profit ».
Au plan des mœurs, globalement la société se montre de plus en plus
tolérante.
Restent des thèmes conservateurs à la mode (service minimum, police à
l’école…) mais même là les sondés semblent très divisés.
Au total une enquête qui montre l’antilibéralisme ambiant, et les
difficultés pour des gens comme Sarkozy à rassembler sur l’économique et
le social.

2)Le patronat et la droite

Bon dossier du Monde du 13 septembre, dans son supplément Economie, sur
les attentes politiques et les divisions du patronat ; leur regard sur
la mondialisation ; l’attirance pour Sarkozy ; la réorganisation du
Medef ; l’impatience des PME.
A noter le poids des entreprises CAC40 : si on compte 1,8 millions
d’entreprises, les 40 du CAC font 10% des salariés (1,7 millions de
salariés) et 23% du PIB (355 milliards).

3)L’image de l’Amérique

L’ouragan Katarina est un véritable ravage pour l’image de l’Amérique.
Commentaires nombreux dans les quotidiens et hebdos. Cette affaire est
particulièrement mal venue à un moment où le modèle anglo-saxon est de
plus en plus présenté comme une alternative au modèle européen et
français. Au point que la presse de droite juge utile de mettre des
pare-feux contre ce qu’elle considère un « anti-américanisme primaire »,
de la « dérision » et de la « diabolisation » (édito intérieur Figaro 12/9).
Dans le même journal, sur le même sujet, tribune de Guy Sorman le 13/9.

4)Jeunes ouvriers et hécatombes routières

L’idée de mettre en relations l’accident de la route et le monde ouvrier
peut surprendre ; pourtant des sociologues, des historiens s’intéressent
à la question. Notamment à cet enjeu : pourquoi ce silence sur ces
milliers de jeunes qui se massacrent très régulièrement les week-end sur
les routes, de province singulièrement, jeunes ouvriers pour
l’essentiel. Le cocktail ennui-alcool-vitesse semble pousser
inexorablement ces jeunes dans le mur, au sens propre. L’historien
Stephane Beaud travaille cette question qui fait l’objet d’un excellent
dossier dans le Monde diplomatique de septembre.

5)Immigration et options politiques

Enquête CEVIPOF sur les préférences politiques et les valeurs des
citoyens français issus de l’immigration ( africaine et turque) et dont
rend largement compte Le Monde du 31/8.
La gauche plébiscitée, PS, Verts, PC et Extrême gauche y obtenant des
scores plus forts que chez l’ensemble des Français ; situation inverse à
droite ; image négative de Sarkozy ; début de définition d’une identité
musulmane à la française, à gauche mais conservatrice au plan mœurs ; on
parlerait déjà de « sortie de l’islam ».

6)Modèle Blair démonté

Remarquable papier dans Le Monde (du ?) Il montre par exemple que la baisse du taux de chomage est d’abord du à
une montée des inactifs, des malades de longue durée ( deux millions en
demi en cinq ans !) ; ou encore qu’il crée en douce, face aux pressions,
un nombre appréciable d’emplois publics dans la santé ou l’école ( 800
000 en cinq ans), choses peu montrée d’ordinaire dans les médias français…

7)Obscurantisme et anti-psychanalyse

La guerre des psy se poursuit. Qui vise en fait, comme l’écrit Cécile
Prieur, dans un bon dossier du Monde (9/9) « l’hégémonie théorique et
intellectuelle sur le domaine en pleine expansion des thérapies de l’âme
 ». Où s’affrontent les freudiens d’un côté, partisans de l’analyse, et
les adeptes des TCC, thérapies comportementales et cognitives de
l’autre, branche venue d’Amérique.
L’offensive anti Freud est passée par l’amendement Accoyer, puis par un
rapport de l’Inserm ; devant les protestations, Douste-Blazy a fait
machine arrière. Mais nouvelle attaque avec la parution du « Livre noir
de la psychanalyse », où 40 « experts », notamment américains, repartent
en guerre.
Voir la lettre de Ralite in Le Monde 10/9

8)Inégalités dans le monde : un = un million ?

Un chiffre parmi d’autres trouvé dans le dernier rapport mondial sur le
développement humain 2005 : les 500 personnes les plus riches du monde
ont un revenu combiné plus important que celui des 426 millions les plus
pauvres. En somme un (des plus ) riche = un million (des plus) de pauvres.
Ou encore :
2,5 milliards d’individus vivent avec moins de deux dollars par jour =
40% de la population mondiale = 5% du revenu mondial
Alors que les 10% les plus riches comptent pour 54% du revenu.
Sortir du seuil de pauvreté un milliard d’individus vivant avec moins
d’un dollar par jour ne coûterait que 300 milliards de dollars soit 1,6%
du revenu des 10% les plus riches de la population mondiale.

9)La rentrée des essais.

La rentrée éditoriale est aussi celle des essais. Livres Hebdo a
sélectionné pas moins de 745 documents et essais.
Parmi les grands sujets : le pétrole ; l’Islam ; l’Europe ; 2007 ;
l’entreprise ; la finance ; l’école. Et les biographies.
A noter : un sondage indique que 82% des Français disent ne pas
s’intéresser à la rentrée littéraire…

10)Le Medef et l’utopie…

La dernière université d’été du Medef avait pour thème « Réenchanter le
monde » et elle a beaucoup travaillé sur l’utopie.
Cette manière de placer ses « écoles centrales » sous des thématiques
est habituelle ; il y a deux ans, on parlait du « risque » (contre
l’immobilisme), mot-slogan devenu aujourd’hui un cheval de bataille de
la droite.
Cette année on a fait venir Kouchner pour parler de Jankélévitch et de
l’illégalité ; de Baverez sur le déclin français ; les leaders de FO, de
la CFDT ; etc .
Pourquoi ce thème maintenant ? pour participer à la relance de l’image
de l’entreprise, très dégradée dans l’opinion ? donner une « âme » au
libéralisme ? pour armer les patrons à débattre d’un sujet qui revient ?
pour pousser le patronat plus généralement à être plus idéologue et pas
seulement comptable et gestionnaire ? à sortir de son « bocal » comme
dit un participant et à travailler « sur le long terme » ?
On retrouve aussi là la patte d’intellos venus de l’ultra gauche ( genre
François Ewald) et passés à l’ultra-libéralisme.

Mouvement des idées
N °120 ( 23/9/05)

1)Individu et collectif : un livre attendu

Publication aux éditions Textuel de l’ouvrage collectif de Philippe
Corcuff, Jacques Ion et François de Singly, « Politiques de
l’individualisme, entre sociologie et philosophie ».
Les trois auteurs, trois sociologues marqués à gauche « réhabilitent »
la portée « émancipatrice » contenue dans le processus
d’individualisation liée à la modernité que Marx avait pointé, et que la
gauche avait oublié. Une lecture résolument de gauche de la notion
d’individu. L’articulation nouvelle entre le « je » et le « nous ». La
critique de Libé s’interroge : « Assiste-ton à la (re)naissance d’une
philosophie politique, radicale et critique qui ne bafouerait plus les
aspirations individuelles des hommes et des femmes ? »

2)Reconquête idéologique

Edito de l’Express de Bernard Guetta (15/9), pourtant libéral à tout
crin et ouiouiste acharné, qui constate que la catastrophe de la
Louisiane « met en question les dogmes libéraux ». « Ce sont les trois
dogmes libéraux selon lesquels l’impôt est un poison, chacun doit se
débrouiller par lui même et l’Etat n’est pas la solution, c’est le
problème, qui viennent d’être cruellement démentis ». Le moins d’Etat
est en accusation : « La gauche pourrait en être remise en selle. Elle
tient là tous les arguments d’une reconquête idéologique ».
Evidemment Guetta conclut en tentant de sauver un social-libéralisme bon
teint.
Ce thème de l’ »épuisement » du libéralisme revient assez souvent.

3)Crise des cadres

Le dernier rapport de l’APEC (Association pour l’emploi des cadres)
confirme une donnée permanente depuis deux-trois ans : les cadres
dépriment, se sentent « intranquilles », réduits à être « une ressource
au service du profit ». Les licenciements chez Hewlett-Packart ne
peuvent qu’accroître ce malaise. Conséquences : desinvestissement dans
le travail, repli sur des valeurs privées ( famille, proches),
individualisme, pessimisme.
Dans un dossier proche, le Cereq dresse un tableau très sombre des
jeunes doctorants en France et de leur avenir professionnel (11% au
chômage trois ans après la thèse en 2004). Voir Les Echos du 20/9.

4)Le double visage du blairisme.

Plusieurs articles ces derniers jours – le dernier en date in Libération
du 21/9 – sur le double langage du blairisme. Il affiche une rhétorique
sociale-libérale pur sucre, pose en idéologue au niveau international
mais opterait, discrètement, en Grande Bretagne pour une politique
social-démocrate classique avec hausse des dépenses publiques, création
massive d’emplois publics (600 000 depuis 1998 dont 200 000 dans
l’éducation et 300 000 dans la santé), recours croissant à l’impôt sur
les plus riches, création d’un SMIC, etc.
Affaire à suivre.
Un ancien conseiller en communication de Blair, Lance Price, vient de
sortir un livre sur la méthode de son ancien patron, son goût pour la
guerre par exemple ( !) : The spin doctor’s diary, chez Hodder.

5) Minimalisme sociale-démocrate

Sur la social-démocratie, sortie de « Où va la social démocratie
européenne ? », ouvrage collectif sous la direction de Pascal Delwit,
éditions de l’Université de Bruxelles. Chroniqué par T. Ferenczi dans Le
Monde du 23/9, où il souligne que ce courant est mal distingué de la
droite ; il conclut : « la modestie idéologique de cette famille qui
s’accommode d’un projet minimaliste. Ceux qui attendent de la politique
un grand dessin mobilisateur auront du mal à s’en contenter ».

6)Parents et valeurs

Enquête CSA/Bayard Presse sur la transmission des valeurs (religieuses
et autres) entre parents et enfants. In La Croix du 21/9. Où l’on
s’aperçoit que pour ces parents, de manière générale, cette transmission
est importante, elle est plus difficile qu’hier, et eux mêmes se sentent
un peu démunis.

7)Mondialisation et mafia

Belle couverture de presse du livre « Le monde des mafias. Géopolitique
du crime organisé de JF Gayraud (Odile Jacob), flic et juriste, qui
présente les mafias dans le monde. Et pose de bonnes questions : « Qui
possède réellement l’économie mondiale ? Quels sont par exemple les
véritables propriétaires de certaines sociétés même cotées à Paris,
Londres, Francfort ? ». L’ONU évalue le chiffre d’affaires mondial du
narcotrafic entre 300 et 500 milliards de dollars (un tiers du PIB
français). « Où va cet argent ? Il ne dort évidemment pas dans des
hangars humides de la forêt amazonienne ou des docks de Tirana ! ». En
Italie la mafia contrôlerait 15% du PIB, un commerce sur cinq, une
industrie sur sept. « Les mafias profitent de la mondialisation » titre
le Figaro. Et réciproquement…

8)La peur au travail.

Documentaire, mercredi 21/9, sur la chaîne Planète. « Un salarié sur
trois serait aujourd’hui en France victime de harcèlement moral sur son
lieu de travail. Et leur nombre ne fait qu’augmenter. »

9)Indigènes de la République : actualité éditoriale

Le Monde Livres (23/9, pVII) fait état de plusieurs ouvrages traitant du
passé colonial français : La société française au prisme de l’héritage
colonial (La découverte) ; L’islam imaginaire, Thomas Deltombe, La
découverte ; Le voile médiatique, Pierre Tévanian, Raison d’agir.
Dans un entretien une jeune historienne ( elle est l’auteure d’une thèse
sur la torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, publiée chez
Gallimard), Rapaelle Branche, rappelle que « toutes les discriminations
–des jeunes issus de l’immigration- ne peuvent pas être rattachées à
cette histoire coloniale ».

10) Spécial droite

Lire ci-dessous un article destiné au journal de Rasl’Front sur la
radicalisation de la droite

*Radicalisation de la droite*
*Projet, thèmes et limites*

Gérard Streiff, journaliste, historien. Communiste.
Auteur de « Jean Kanapa. Une singulière histoire du PCF », L’Harmattan,
2001.

PROJET

La radicalisation de la droite est un phénomène qui s’observe aux quatre
coins du monde. Le mouvement est parti des pays anglo-saxons, il y a un
quart de siècle, déjà. A l’aube des années 80, il fut initié par le
Républicain Ronald Reagan aux Etats-Unis et par la conservatrice
Margaret Thatcher en Grande Bretagne. Leur programme ? ultralibéralisme,
autoritarisme, démantèlement de l’Etat social. A cette époque, la droite
(parlementaire) française est prise à contre-pied : alors que le monde
occidental vire à droite, la France passe à gauche ( 1981, expérience
Mitterrand…). La droite, battue, est en crise et divisée. Une
caractéristique de cette droite française, en effet, est son
fractionnement, durable, inscrit dans l’histoire, entre plusieurs
courants, plus ou moins structurés. Ainsi, en ce début des années 80, on
repère assez bien les néo-gaullistes, les démocrates-chrétiens et les
libéraux, lesquels sont alors minoritaires au sein de cette famille (
voir les déboires persistants d’un homme comme Alain Madelin notamment).

Dans le seconde moitié des années 80 ( l’offensive dite des « quadras »)
puis durant la décennie 90 (avec la tentative Balladur), le courant
libéral tente de s’imposer à droite. Mais les divisions internes, les
résistances diverses du « modèle français » vont contrarier ces efforts
 ; en tout cas la droitisation de la droite ne s’opérera pas au rythme
voulu par ses auteurs.

On assiste, depuis quelques mois, au sein de ce courant, à une
accélération de ce travail de radicalisation. Parce que la droite doit
gérer les impératifs nouveaux nés de la mondialisation, de ses échecs
répétés ( régionales, européennes, référendum mais aussi la
présidentielle de 2002), du poids persistant de l’ultra-droite ainsi que
des ambitions politiciennes ( l’opération sarkoziste).

On voit donc la droite se chercher ouvertement une doctrine. Certes, ses
divisions demeurent patentes entre souverainistes, centristes,
chiraquiens ; le rapport de forces entre ces tendances peut bouger ;
mais pour l’heure le courant sarkoziste prétend à l’hégémonie et formule
le plus clairement cette volonté de radicalisation. Il ne s’agit plus
d’une adaptation ponctuelle de son programme mais d’une remise en cause
globale du « modèle français », tel qu’il est issu de la Libération, et
plus généralement du modèle social européen ( voir les efforts
parallèles de la droite allemande). Il en appelle à la « rupture » et à
une sorte d’alternance au sein même de la droite.

Il ne s’agit pas d’ un simple « coup » circonstanciel mais du
prolongement d’une longue évolution qui chemine à droite depuis vingt ans.

Ce renouvellement doctrinaire semble s’opérer avec méthode.
On se cherche des références théoriques. Il y a bien sûr Raymond Aron.
Le récent centenaire de sa mort a donné lieu à quantité de papiers à la
gloire de ce « penseur pour le XXIe siècle ». En même temps, Aron ne
semble pas suffire à la tache. Françoise Fressoz, dans les Echos
(11/3/05) rappelait par exemple que Sarkozy et les siens piochent
volontiers, outre Aron donc, dans Tocqueville, Schumpeter, Mounier et
John Rawls ; ce dernier est très apprécié pour sa théorie des inégalités
efficaces. On parle encore de Benjamin Constant, de Pierre-Paul
Royer-Collard, d’Adam Smith, de JB Say, de David Ricardo, B. de
Jouvenel, Jacques Rueff et, last but not least, Fridriech von Hayek.

L’UMP, depuis plusieurs mois, tente de se doter, pan par pan, de
nouvelles références sur les terrains de l’école, du travail, de
l’immigration, de la fonction publique, de la politique économique, des
valeurs, etc, au cours de Conseils nationaux spécialisés où planchent
ses experts. Elle mobilise ses universitaires, ses chercheurs, ses
économistes libéraux ; certains d’entre eux viennent de gauche voire
d’une ultra-gauche, comme François Ewald, passé des maos à l’UMP via le
haut patronat.

Elle s’appuie sur une machinerie partisane, des clubs de réflexion, des
médias ; elle puise largement dans les travaux du patronat, lui même « 
radicalisé » depuis quelques années au sein du Medef ; elle trouve son
énergie dans une classe habituée à dominer et bien décidée à durer.

Puisqu’il s’agit de sortir du modèle français, on s’intéresse de près, à
droite, aux modèles étrangers, le modèle anglo-saxon singulièrement. (Le
modèle danois a connu une gloire éphémère au printemps dernier ; il est
un peu oublié aujourd’hui car la droite mesure mieux le coût de
l’accompagnement social de cette politique… ). Le blairisme est suivi
avec attention ; le savoir-faire de Blair en matière de privatisations,
de gestion des inégalités, de communautarisme, d’atteinte aux libertés,
de pression sécuritaire est ouvertement vanté par la nébuleuse
sarkoziste. Tant il est vrai que cette droite radicalisée rêve de
reconquérir non seulement du côté frontiste mais aussi au centre, voire
à gauche.

THEMES

A suivre le discours de l’UMP, à lire sa presse, on distingue assez bien
les fils rouges de cette radicalisation. Trois axes méritent d’être
mentionnés.

1)Le démantèlement de l’Etat dans sa composante sociale au sens large.

La droite est en guerre contre l’Etat social. Ce n’est pas le moindre
des paradoxes de la part d’une famille si durablement étatiste. Son
discours est à deux vitesses : accroché à sa conception de l’Etat-flic,
l’Etat régalien, la droite multiplie les attaques contre l’Etat
régulateur, protecteur, et pousse à son désengagement dans toutes les
sphères de l’économie et du social. Dans le même ordre d’idées, elle
pilonne cette partie du salariat liée à l’Etat, tente d’enfoncer un coin
entre le privé et le public comme on dit, joue de la défiance et du
discrédit à l’égard des fonctionnaires, chercher à casser les
convergences populaires. On a vu à l’œuvre cette stratégie lors de la « 
réforme » des retraites.
L’Etat social, c’est l’assistance ; il faut au contraire « réhabiliter
le travail ». Ce mot d’ordre vient de loin. Raffarin s’y est essayé. Les
mots clés ? Mérite, réussite, performance, récompense, initiative.
La chasse est donnée à la notion d’égalité, remplacée par celle d’équité.
Extraits du discours de Sarkozy au congrès de l’Ump (fin 2004) : « 
L’objectif de la France, ce n’est pas le partage des richesses » ou « On
n’a pas à s’excuser d’avoir un patrimoine ».

2)La tentative de mise au pas des forces de résistance, à commencer par
les syndicats.
Ce n’est pas un hasard si la première mesure prise par
Margaret Thatcher, au début des années 80, fut de casser la grève des
mineurs, humilier leur puissant syndicat et sa figure emblématique
Arthur Scargill. La répression fut violente : 5987 personnes arrêtées,
1039 condamnées, parfois jusqu’à neuf mois d’emprisonnement. Pour fait
de grève. A peu près au même moment, le 3 août 1981, Ronald Reagan est
confronté au mouvement de 13 000 contrôleurs aériens ; ils revendiquent
pour le salaire, le temps de travail, la retraite anticipée. Reagan
déclare la grève illégale, refuse de négocier et licencie tout le monde !

Cette détestation des syndicats est très présente dans la rhétorique
sarkoziste, et la presse de droite nourrit en permanence le discrédit du
monde syndical. La chasse aux militants semble recherchée ( voir les
mesures prises contre les postiers de Bordeaux notamment). Et dans Les
Echos du 5 septembre dernier encore, le directeur de l’Institut Hayek
donnait en exemple les précédents de Reagan et de Thatcher pour pousser
le pouvoir français à « ne pas céder » aux syndicats et à leur « 
marxisme de cuisine » (sic), à résister à leurs « vociférations » : « 
Voilà ce à quoi les politiques européens doivent se préparer. »

3)Autoritaire, cette droite a dans le collimateur 1968, date symbole,
date butoir assimilé au laxisme, à l’irresponsabilité, au laisser faire.
Elle entretient une sorte de nostalgie sur l’avant-68. La lutte contre « 
l’héritage 68 » est devenu un refrain très prisé dans ces cercles.

Cela vaut par exemple pour l’école. Le discours sarkozien est
réactionnaire au sens propre, celui de retour au bon vieux temps : « Il
n’y a pas si longtemps, on évoquait avec respect le nom de son maître.
Aujourd’hui le mot même n’est plus utilisé » regrette le patron de l’UMP
(fin 2004). Et il martèle les mots de règle, discipline, travail, effort.

Ce discours rétrograde ( ce qui ne veut pas dire inefficace car il
rencontre des oreilles attentives) sur les valeurs est bien rodé, ces « 
valeurs oubliées par habitude, par démission, par faiblesse, que nous
allons incarner, leur donner une nouvelle force » (Sarkozy).

On voit se dessiner, dans la prose droitière, la perspective d’une
société redoutable, déjà en germe.

Il s’agit d’une société éclatée, communautarisée. Sarkozy a accordé une
attention toute particulière à la structuration de la communauté
musulmane par exemple. On dit que ce communautarisme a d’ores et déjà
été testé sur ses terres, à Asnières par exemple, ville dont le
député-maire est un certain Manuel Aeschlimann, prof de Sciences Po, que
ses propres amis appellent « le killer ».

C’est ce personnage qui sert volontiers de gourou à Sarkozy, présidant
une commission de suivi de l’opinion et consultant beaucoup. Il alimente
le chef de l’UMP en notes, sur le scepticisme européen des Français (
dès février 2005, dit-il, il signale à Sarkozy le risque de victoire du
Non), ou sur la variable économique dans la détermination du choix
électoral, ou l’appartenance religieuse, la volatilité des électeurs du
FN, etc. Lui estime que le vote idéologique est largement remplacé par
un vote sur enjeux ; c’est là qu’il faudrait intervenir, avec une
stratégie électorale adaptée et des argumentaires ciblés ( et dépouiller
du même coup le FN). Aux dernières nouvelles, il préparait des dossiers
sur les beurs, les femmes et les salariés du service public.

Cette droite radicalisée rêve d’une société délaïcisée, obscurantiste :
le seul livre récent de N. Sarkozy (octobre 2004) s’intitule « La
République, les religions, l’espérance » (Cerf). Le patron de l’UMP
plaide pour une « adaptation » de la loi de séparation des Eglises et de
l’Etat pour permettre le financement d’édifices religieux sur des fonds
publics, ou pour des avantages fiscaux en faveur des fidèles souscrivant
au denier du culte ! Il s’y livre – il vient de le redire devant
l’Académie des sciences morales- à une distinction byzantine entre « 
intégrisme » (les méchants) et « fondamentalisme » (les bons), car,
dit-il, « un croyant croit fondamentalement » ! S’inspirant de l’exemple
bushien, cette droite fait donc un appel du pied aux églises pour
qu’elles s’ingèrent plus directement dans la vie de la cité.

La société de la droite radicalisée exalte la compétition tous azimuts :
la concurrence est devenue la valeur de référence, des jeux de la
téléréalité à la vie boursière, de l’école au travail. C’est une société
fliquée, chargée de traquer l’étranger, le jeune, le pauvre, le
marginal, l’autre. Le poids de cette police, sa primauté sur la justice,
sont proprement inquiétants. C’est enfin une société amnésique avec
l’installation d’un nouvel ordre moral et culturel qui mise surtout sur
une « culture de masse » entretenant un imaginaire appauvri.

La rhétorique de la droite pour justifier sa radicalisation est très
travaillée ; on biffe les mots qui fâchent, on positive. Certes on ne
s’exclut pas le recours à des mots-tocsin comme le fameux « Karcher »
pour plaire aux plus durs ; on aime les rodomontades, jouer des
mécaniques : « Si nos lois ne plaisent pas, nul n’est obligé de les
subir en demeurant en France » (Sarkozy). Mais de manière générale, la
phraséologie est moderniste, ciblée, propre. On ne dira pas qu’il faut
casser le droit du travail mais qu’il faut libérer, innover, ouvrir,
réussir, créer, inventer, inciter.

Ce souci du mot « juste » n’est pas anecdotique ; il permet parfois à la
droite d’obtenir de réels gains politiques. Elle a ainsi remporté une
indéniable victoire idéologique en récupérant le terme de « réforme »,
longtemps entendu avec un contenu progressiste évident, et mis
aujourd’hui au service du glissement ultra-libéral. De la même manière,
on tente d’accoler à la droite l’idée de mouvement et à la gauche celui
d’immobilisme, de statu-quo, voire de conservatisme. On fustige « la
pensée unique » qui, bien sûr, serait à gauche.

Ces jeux de mots ne sont pas vains ; ils peuvent provoquer dans des
consciences de très réelles confusions.

LIMITES

En même temps, cette radicalisation de la droite se heurte à certaines
limites.

La première et la plus importante est que la droite a beau faire, le
libéralisme n’est pas populaire en France. Plus exactement, la
composante « morale » de son offensive, son côté gendarme, son propos
sécuritaire peuvent, par moments, rassembler ; mais ses propositions
sociales, qui sentent le jargon technocratique, celui qui ne s’adresse
qu’aux gagneurs, aux managers, heurtent trop directement les intérêts
populaires pour séduire. Cette idéologie du chacun pour soi charrie trop
d’insécurité sociale pour convaincre vraiment et largement.

Toutes les enquêtes, tous les sondages répétés ces dernières années
montrent que cette droite peut sembler par moment (faiblement)
majoritaire dans l’opinion sur tel ou tel mot d’ordre (exemple : le
service minimum dans le service public en cas de grève ou la venue de la
police à l’école), mais elle n’emporte jamais la majorité sur ses
fondamentaux libéraux en matière économique et sociale. Casser l’Etat
social ? L’opinion est contre et réclame aide, protection, solidarité.
Discréditer les syndicats ? ils apparaissent pourtant nécessaires aux
yeux des salariés. Jouer le communautarisme ? les Français de confession
musulmane par exemple sont peu empressés à s’y engager. Mobiliser
l’Eglise ? les sondés trouvent le poids pris par les religions ces
derniers temps excessif.

La mésaventure que vient de connaître l’hebdomadaire sarkosien « Le
Figaro Magazine » en cette rentrée est de ce point de vue significative.
Ce journal, très marqué à droite, voulait faire son premier numéro de
septembre avec une enquête choc sur « la fin des tabous », entendez les
tabous sociaux genre droit du travail, service public, protection
sociale, aide aux chômeurs, etc, toutes ces vieilleries qui nous
entravent, le refrain est connu. Donc la rédaction a commandé à la
Sofres une grosse enquête (50 questions, 1000 interviewés), probablement
fort coûteuse, destinée à appuyer son argumentation sur « le désir
d’ouverture sur la modernité ». Patatras ! Les sondés n’ont pas joué le
jeu ; ils se montrent très attachés aux acquis sociaux (SMIC, emploi,
code du travail…) et très allergiques aux délocalisations, aux
privatisations, aux inégalités salariales, aux licenciements
arbitraires, bref au libéralisme. Le Fig Mag en est marri. « Dans la
majorité comme dans l’opposition se manifestent d’importantes
résistances à tout ce qui pourrait modifier le modèle social français »
regrette la journaliste de service (10/9). Qui dit encore : « La
protection du secteur public et de l’emploi reste une exigence pour
beaucoup de Français. L’idée selon laquelle plus l’Etat se désengage,
plus la situation économique et sociale s’améliore, n’est pas encore
dans toutes les têtes, loin de là ». Le journal doit même constater que
d’une année sur l’autre, les positions antilibérales se sont renforcées
sur certains sujets : ainsi les partisans des fonds de pension ou de la
sélection à l’université ont respectivement chuté de 15 et de 7 points.
D’où ce soupir de nos nantis : « Au total la société n’avance pas assez
vite dans la prise en compte des contraintes de la logique du profit ».

En fait, la solution idéale pour la droite serait de faire du
libéralisme sans le dire. C’est très exactement le conseil que donne
Dominique Reynié, prof à Sciences Po Paris, dans le Figaro du 2
septembre. Le journal lui demande : « Comment la droite peut-elle penser
une émancipation de la tutelle de l’Etat qui ne serait pas reçue comme
une menace par l’opinion ? » et Reynié de répondre : « Le faire sans le
dire. Il est vraisemblable que nous y serons contraints. » Autre manière
de dire que cette droite radicalisée est en difficulté dans la bataille
des idées.

Ajoutons une ultime remarque : la rhétorique libérale semble
omniprésente dans la vie économique et sociale, dans les médias (où les
commentateurs en place lui sont tous acquis), dans le débat politique.
Cette idéologie surfe dans des lieux inattendus ( voir les commentaires
sur la Chine ou le Brésil). Des droites radicalisées semblent prendre du
galon aux quatre coins de la planète. Pour autant, ce libéralisme musclé
rencontre-t-il le triomphe annoncé ? correspond-il vraiment à une
attente populaire et aux besoins des sociétés contemporaines ?

Le chacun pour soi libéral a paru répondre à un nouvel air du temps dans
les années 80 ; il a semblé incarner alors la modernité, celle de « la
fin de l’Histoire » ; il a même rebondi, dans les années 90, aux
lendemains de la chute du mur de Berlin. Mais garde-t-il toujours la
même « force propulsive », pour reprendre une formule célèbre
(Berlinguer en 1977 à propos du soviétisme) ? Ce à quoi nous assistons
actuellement ne ressemble-t-il pas plutôt à une fin de vague ? Ne
remarque-t-on pas des résistances renforcées un peu partout et
l’émergence de valeurs communes appelées à (re)devenir majoritaires
comme l’entraide, la coopération, le partage, la solidarité et la
sécurité sociale ? C’est ce qu’a montré fortement le résultat du
référendum européen. Alain-Gérard Slama, talentueux idéologue de droite,
observait récemment (Le Figaro du 6 juin) : « L’attachement de l’opinion
au modèle français, qui n’est pas seulement social mais plus encore
culturel, dans sa conception des institutions, de la laïcité, de l’école
et du droit, vient encore d’être rappelé à l’occasion du référendum ».

Si cette leçon vaut pour la France, n’assiste-t-on pas aussi à des
évolutions intéressantes dans le monde ?

Au Japon, on nous a décrit l’incontestable succès électoral de Koizumi
comme celui d’un ultralibéral bon teint. Certes, mais un expert du Japon
comme l’universitaire Patrice Geoffron nuance aussitôt le propos et
montre que le premier ministre japonais ne fera pas ce qu’il veut « car
la décennie en cours se prête mal au « tout marché » et à un effacement
complet de l’Etat dans les tâches de coordination économique ». (Le
Monde, 20/9)

En Allemagne, l’insuccès de la CDU est interprétée comme la sanction
d’un affichage de propositions ultralibérales : « Les idées libérales de
la droite lui ont coûté la victoire » titre la presse (Le Monde, 20/9) ,
qui ajoute « On voit la difficulté d’imposer un virage libéral dans un
pays qui veut sauver son modèle plutôt que d’en changer ».

Aux Etats Unis même, le désastre qu’a connu le Sud de ce pays n’est pas
sans conséquences sur le débat d’idées. Le monde entier a pu voir, au
cœur même de la superpuissance, La Nouvelle Orléans abandonnée à son
sort des jours entiers, sans moyens de transport, sans nourriture, sans
eau, sans aide médicale et sans sécurité. Les ravages de l’ouragan
Katrina ont mis brutalement à nu les ressorts d’une société ensauvagée
et disloquée par overdose libérale. Un prof de Sciences Po à
l’Université de Stanford, Terry Lynn Karl, écrivait dernièrement (Le
Figaro, 9/9) : « Les idéologies de privatisation, qui empêchent de
gouverner efficacement et permettent aux privilégiés de sauver leur peau
alors que les pauvres doivent grimper sur les toits, doivent être
remises en question ».

Même un homme comme Bernard Guetta, ardent partisan pourtant de la
Constitution libérale européenne, note dans l’Express du 15 septembre :
« Trente ans après que les révoltes californiennes contre le fisc leur
eurent donné leur envol, les dogmes libéraux ont défait Keynes mais le
paradoxe est qu’ils viennent d’être au même moment mis en question ». Et
ce commentateur ajoute : « Car enfin que vient-on de voir à La
Nouvelle-Orléans ? Que s’y est-il passé si ce n’est l’échec d’un Etat
incapable de secourir ses citoyens, la rupture de digues que les
restrictions budgétaires avaient empêché d’entretenir et le déferlement
des eaux sur tous ceux qui n’avaient pas de voiture pour fuir par
eux-mêmes ? Ce sont les trois dogmes libéraux selon lesquels l’impôt est
un poison, chacun doit se débrouiller par lui-même et « l’Etat n’est pas
la solution mais le problème » qui viennent d’être cruellement démentis.
Sur tous les écrans du monde, c’est le moins d’Etat et non plus le trop
d’Etat qui est au banc des accusés. Trente ans après la Californie, la
Louisiane renverse les termes du débat ». Il précise encore : « La
gauche pourrait en être remise en selle. Elle tient là tous les
arguments d’une reconquête idéologique ». Mais ceci est un autre débat.

*Gérard Streiff*

Mouvement des idées
N °121 ( 30/9/05)

1)Scénario 2005/2006.

Note d’une quarantaine de pages du groupe « Entreprise et Personnel » (
trois rapporteurs, des managers et DRH tendance CFDT) sur la conjoncture
sociale et politique et les scénarios possibles d’ici 2007. L’étude
revient sur « les messages du référendum », sur le thème du « modèle
français », la conjoncture inquiétante, l’attitude du pouvoir et des
syndicats en cette rentrée ; la note enfin énumère trois scénarios
possibles : attentisme social, immobilisme et résignation jusqu’en 2007
( hypothèse la plus probable disent les rapporteurs ; la presse s’en est
fait l’écho) ; l’explosion sociale, moins probable mais possible ; « le
désarroi lié à une crise politique ».

2)L’individu et le collectif

Toujours dans l’étude mentionnée ci-dessus (pp 34/35), on retiendra une
réflexion, que l’on retrouve ces jours-ci dans plusieurs articles et
dossiers : comment expliquer ce paradoxe qui existe dans toutes les
études d’opinion actuelles : les gens sont globalement (très)
pessimistes sur l’état de la société et son avenir ; les mêmes disent
être globalement optimistes sur leur propre vie et destin. Il y a là en
fait une des explications majeures de la résignation sociale et
politique, de « la baisse continue de la conflictualité comme disent nos
technos. Les auteurs soulignent cette séparation entre les sentiments
personnels d’un côté et la non-solidarité interpersonnelle de l’autre.
Ce phénomène s’accentuerait. Il s’expliquerait par deux données :
l’éclatement du salariat (ghétoïsation sociale) d’une part, « 
l’adaptation individuelle des salariés au nouveau marché du travail »
(mobilité, flexibilité, précarité).

Les difficultés du rassemblement, finalement, y sont assez bien définies.

3)MEDEF, le parti des entrepreneurs

Retour sur l’Université d’été du MEDEF (29/31 août) dans les locaux de
HEC. 3000 patrons, 140 intervenants. Thème retenu « Réenchanter le monde
 ». Aucun sujet d’actualité à l’ordre du jour mais des problématiques
générales, politiques, géopolitiques, morales, philosophiques.
Des participants raisonnablement de droite, des idéologues plutôt de
coloration sociale-libérale. Ainsi dans la brochure de présentation, aux
côtés du très réactionnaire Maffesoli, on donne la parole à Erik
Orsenna, Alain Minc et Jacques Attali !
L’intitulé des ateliers :
*Nostalgie, craintes, chimères : notre imaginaire s’est-il rétréci ?
*Surmonter la désespérance (avec notamment Emmaüs et SOS Racisme)
*Les porteurs d’enchantement : créateurs et passionnés
*Comment inventer et se réinventer ?
*Changer tout, tout le temps
*Les promesses de la science
*Remettre l’Etat en état
*Une âme pour l’Europe (notamment Philippe Herzog)
*Nouveaux mondes : le rêve est-il encore américain ?
*Pays en développement : enfin l’espoir ?

La tonalité de ces trois journées ( disponibles sur le site internet du
MEDEF) montre qu’il s’agissait tout à la fois de redonner la « pêche »
aux patrons, de les armer pour participer aux débats d’idées, de « 
s’impliquer dans les enjeux de société » (Parisot), d’installer en
quelque sorte le MEDEF dans une posture de « parti » des patrons et plus
fondamentalement encore de donner corps à une sorte de philosophie
patronale que Seillères appelle le « nouveau positivisme », étrange
alliage de volontarisme, de scientisme, de technocratisme et de
corporatisme.

4)Le chômage n’est pas fatal

Sondage contradictoire et intéressant de BVA pour la revue « Acteurs
publics » qui montre que pour les Français, le chômage n’est pas fatal ;
85% pensent que toutes les solutions n’ont pas été testées ; 73% sont
pour un contrôle accru des chômeurs. Mais de la même manière, 73% sont
contre un droit de licenciement plus grand pour les patrons, ce qui dit
la revue « est un camouflet pour le contrat nouvelle embauche » ; 70%
disent qu’il faut d’abord protéger les emplois existants et empêcher les
licenciements ; 69% ne font pas confiance au gouvernement ; et ce sont
les syndicats qui apparaissent les plus crédibles pour proposer des
solutions (56%), loin devant le pouvoir, les partis, le patronat !

5)Le capitalisme total

Sortie du livre de Jean Peyrelevade, ex patron du Crédit Lyonnais,
intitulé « Le capitalisme total » au Seuil dans une collection (Idées).
Cette collection reprend un peu l’esprit des publications de la
Fondation Saint-Simon et a ouvertement une fonction militante. C’est
ainsi que ce livre est symptomatique du discours social-libéral actuel
sur le capitalisme.
Il s’agit à la fois de dénoncer les dérives du capitalisme financier
(les mots peuvent être forts et cet ex-requin de la banque sait de quoi
il parle) et d’éviter une critique radicale du système ; de reprendre
sous une version aménagée le vieux thème du « capitalisme populaire » :
on est tous des actionnaires, on est tous des capitalistes ; de dénoncer
le marxisme, les idées de lutte des classes, de retour de la classe
ouvrière, l’antilibéralisme ambiant ( avec l’argument massue : le
système marche, voyez la Chine !) et en même temps de composer avec
l’anticapitalisme actuel ; les remèdes qu’il propose pour « soumettre la
capitalisme aux valeurs de la démocratie » sont homéopathiques, mais il
doit amorcer une critique de l’actuelle liberté de mouvement des
capitaux : il propose « une autorité indépendante » qui dirait son mot
sur la question « de la liberté de mouvements de propriété ».

6)L’idéologie du risque, vulgate du patronat

Mis au cœur de la rhétorique patronale depuis quelques années, le thème
du risque est décortiqué dans un papier du sociologue Michel Kokoreff
dans la revue Le banquet (30/9). Voir revue de presse hebdo. « Le risque
se présente comme un mode de décryptage des événements qui sous-tend
l’installation progressive d’une nouvelle forme de gouvernement des
individus fondée sur l’exigence d’un bon gouvernement de soi : être
responsable, se prendre en charge, c’est à dire ne pas être à la charge
des autres. Dans cette perspective, le spécial avec ses pesanteurs et
ses contraintes est rabattu sur l’individu prétendument projectif et
maître de son destin ».

7)Les anti-consommation

Bon dossier du Monde du 25/9 , p6, sur le militantisme « 
anti-consommation », antipub, anti 4x4, antitélé ; une mouvance de
gauche, voire d’extrême gauche, qui peut être très militante ; proche de
la désobéissance civile.
Le dossier donne une bonne bibliographie à ce sujet.

8)Planète ado

Le drame d’Ivry ( suicide de deux jeunes filles) repose la question de
la place des ados aujourd’hui. Voir l’entretien avec Xavier Pommereau (
auteur de L’adolescent suicidaire chez Dunod) : le suicide est la
deuxième cause de mortalité des jeunes après les accidents de la
circulation. Il parle (JDD) de ce paradoxe : « On n’a jamais autant
reconnu qu’aujourd’hui le statut du petit enfant qui est couvé et choyé
alors que l’adolescent est quasi livré à lui-même pour grandir et se
débrouiller sur la planète ado, pour trouver ses propres marques ».

9)Modèle américain

Depuis les événements de Louisiane, et l’image terrible donnée alors de
la société américaine et ce modèle libéral, très nombreux papiers sur
cet enjeu. D’un côté une prise de conscience critique. Voir par exemple
la chronique de Sollers –bon indicateur de l’air du temps- dans le JDD
du 25/9 où il écrit : « incarnant le contraire absolu de l’URSS,
l’Amérique est sur le point de produire la même catastrophe par un
chemin opposé ». Même topo dans le long papier d’un philosophe slovène
dans le Monde du 24/9.
Au contraire le parti américain – qui mobilise assez peu – tente coûte
que coûte de défendre l’image américaine dans des plaidoyers sans
nuance. Voir par exemple le papier de Michel Pébereau – patron de la
Société Générale, un des principaux idéologues du patronat français-
dans Challenges du 30/9 ; longue énumérations de clichés à la gloire du
« modèle américain » !

10)Partis

PCF : le seul parti à monter, un peu (+1) au baromètre Figaro-Sofres
d’octobre, lequel indique une attention croissante de l’opinion aux
questions sociales ( et non sécuritaires) ; un doute à l’égard de tous
les politiques ; un recul assez général des cotes personnelles (Sarkozy
– 7).

UMP : curieuse réunion sur l’Europe ( en fait sur la Turquie) démarrée
en trombe avec un Giscard tonitruant et conclue par un Sarkozy
conciliant ; une explication : cette réunion prévue aux lendemains de
l’élection allemande voulait rebondir sur le triomphe de Merkel (et la
commune opposition UMP-CDU à la Turquie) ; le scrutin allemand a changé
un peu les choses.

Eglise : à retenir l’info sur les coulisses de l’élection du pape
(presse du 25/9) ; le vrai challenger de Ratzinger était le « 
progressiste » argentin Bergoglio qui a recueilli jusqu’à 40 voix contre
72 au futur pape.

CGT : article-programme de JC Le Duigou sur « Syndicats et démocratie
sociale » in Le Banquet de septembre. Cf. revue de presse hebdo.



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