Atelier Val de Reuil

L’Odyssée de la 4é3
Janvier 2029.

Chapitre 1

C’est la guerre, à Val de Reuil aussi. Le collège Pierre Mendès-France sert à présent d’hôpital. Le complexe sportif est devenu une réserve d’armes. On ne voit plus ces voitures qui, hier encore, volaient dans des sortes de tubes ovales. Les nouveaux immeubles géants, pires que des gratte-ciels, au centre ville, sont en ruine. La poussière est partout, la pollution pire que jamais. Plus moyen de distinguer le jour de la nuit, il y a tout le temps un même ciel chargé, il fait toujours gris. Plus question non plus d’exploiter les énergies renouvelables.

On raconte qu’à la prison « Les vignettes », des détenus en ont profité pour s’évader, et parmi les plus dangereux : c’est le cas de Zac Efron, un grand musclé, plombier de formation et surtout cannibale ; il a plusieurs crimes à son actif ; d’Ashley Tisdal, une belle blonde condamnée pour trafic de drogue ; de Vanessa, sa soeur jumelle, charmante personne peut-être mais arrêtée pour un cambriolage qui avait mal tourné ; de Rayan Evans, enfin, le pire des quatre sans doute, poursuivi pour pédophilie. On est sans nouvelle de ces quatre là. Sont-ils toujours en ville ? Ont-ils changé d’identité ? Cherchent-ils à se venger ?

En ville aussi il se passe de drôles de choses. Christelle par exemple vient de se réveiller, ce matin, à côté de son mari Jean ; leurs trois enfants, Aurélien, Anaïs et Thomas, dorment encore dans la pièce d’à côté. Christelle se regarde dans la glace, elle y voit une femme de... plus de trente ans. Jusque là, pas de problème sauf que...Christelle, hier soir encore, lorsqu’elle s’est endormie, n’avait que treize ans, et fréquentait la 4e3, elle n’était pas mariée, elle n’avait pas d’enfants. Bref, elle a pris vingt ans en une nuit ?! Et « gagné » un époux et trois gosses ! Affolée, elle se pince, croit qu’elle dort toujours mais pas du tout, elle ne dort pas : elle a bien changé de vie. Elle sort dans la rue ; une amie tout naturellement vient la chercher, en disant « Vite, vite, on va au travail ! »

Au travail ? Mais quel travail ? Se demande sans oser le dire Christelle. Elle ne sait même pas ce qu’est son taf. Elle suit son « amie » et se retrouve dans un salon de coiffure ; une cliente arrive, lui demande un dégradé. Elle ne sait pas du tout coiffer et lui fait finalement une coupe au carré. Elle se fait bien sûr disputer.

Derrière elle, dans le salon, quatre dames, assises, discutent ; deux d’entre elles sont chimistes, la troisième est ministre de l’Intérieur et la dernière mère au foyer. Christelle les écoute ; la ministre dit : « C’est étrange, hier j’étais à une soirée, chicha, vodka, petit copain et tout et tout, on s’amusait et puis il y a eu une coupure de courant ; après je ne me souviens plus bien de ce qui s’est passé mais j’ai l’impression d’avoir vieilli de vingt ans ! »
« C’est comme moi ! » disent en choeur les trois autres.

Chez Mina, aussi, l’ambiance est étrange ; cette lycéenne avait fêté la veille au soir son diplôme de fin d’année avec ses amis Adrien, Stacy et Pauline ; leur pot d’adieu avait duré une partie de la nuit ; et puis tous avaient dormi chez elle, dans un canapé, un fauteuil, par terre. Ce matin, ils font la grasse matinée. C’est Mina qui se réveille la première ; elle va à la cuisine ; en regardant par la vitre, elle manque tomber dans les pommes. Elle court réveiller ses amis, les amène devant la fenêtre. Stacy hurle, Adrien écarquille les yeux, Pauline reste bouche bée, personne ne comprend ce qui se passe.

Dehors, le monde est complètement différent de tout ce qu’elle connaît ; les bâtiments en face de chez elle ont des formes futuristes, étranges ; les voitures ne ressemblent pas à des voitures ; le quartier n’est plus du tout son ancien quartier ; tout a changé ; même les oiseauxn, dans le seul arbre qui reste, sont différents, ils semblent en métal !
Pauline remarque alors que tout l’appartement a changé ; au début, elle est la seule à le voir car les autres sont obsédés par le spectacle de la rue ; il y a un nouveau mobilier avec des couleurs « flashis », des formes inédites ; au mur on voit des signes abstraits.

Non loin de chez Mina, sur un terrain vague, la surprise est tout aussi grande. Un ouvrier était en train de raser un vieil immeuble, un ancien laboratoire, car on allait construire à la place un nouveau centre commercial. Soudain, au milieu des décombres, avec sa machine, il sent quelque chose, un obstacle ; il appelle son chef : « Monsieur, venez voir, je crois que j’ai touché quelque chose ! » Utilisant une vieille pelleteuse, comme on le faisait autrefois, il réussit finalement à soulever une sorte de cercueil, en fait un bloc de glace ! L’ouvrier est sidéré : « Monsieur, monsieur, regardez, il y a quelqu’un là dedans ». On conduit le « cercueil de glace » à l’intérieur d’un bâtiment. Le chef, heureusement, connaît cette méthode qui consistait jadis à congeler des humains ; il réussit à ranimer la personne, un grand jeune homme. Dégagé de la glace, il reprend vite conscience et raconte son histoire : à l’âge de 13 ans, en 2009, un docteur de Val de Reuil lui avait proposé une expérience, le congeler, le pétrifier en bloc de glace pour ne le réveiller que vingt ans plus tard ; il avait eu peur et trouvé cela impossible mais il accepta néanmoins l’aventure. On l’avait équipé d’une combinaison et doté d’une réserve d’oxygène, au cas où...On ne sait jamais. Il entra dans un bac d’eau, on ferma le couvercle. En dix minutes, il vit l’eau geler ; un froid intense l’envahit puis il tomba dans un trou noir. On enterra le « cercueil » derrière le laboratoire et les années pâssèrent ; on l’oublia. Le garçon dit encore qu’il avait eu pendant tout ce temps la sensation d’être conscient mais en même temps il ne voyait rien, n’entendait rien, ne sentait rien. Aujourd’hui, il n’a pas vieilli malgré les années, il a toujours 13 ans !

Chapitre 2

Stacy court dans le jardin, cherche des repères dans les environs, mais rien n’est pareil. Les autres, Mina, Adrien et Pauline la rejoignent ; ils n’y comprennent vraiment rien.
Soudain, un jeune garçon – si c’en est un !- passe sur... une planche volante. Il hurle à tout bout de champ : « Qui veut le journal ? », sur un ton robotique. Mina s’approche de lui, demande combien coûte son journal. « Trois zénis... » répond l’autre. Lina s’apprête à sortir son porte-monnaie en répètant : « Trois zénis ?! » Le garçon, de la tête, lui fait un signe positif ; elle lui montre ses euros qu’il prend contre le journal. Simplement, en partant, il dit : « Des euros ?! Mais ça date de 2009, ça ?! »
Elle prend peur, regarde la date du journal alors que ses amis s’approchent ; elle semble alors complètement effrayée. Adrien, près d’elle, lui prend le journal des mains et murmure : « 20...9 ! » ; puis c’est au tour de Stacy qui crie, lui : « 23 janvier 2029 !? »
Mina est si étonnée qu’elle en tombe par terre. Tous sont perplexes : 2029 !? Ils s’étaient couchés, hier soir, en 2009, et voilà que ce matin ils se réveillent en 2029 !
La stupeur passée, Mina regarde plus attentivement le journal. Il est difficile à lire car souvent des articles s’effacent, puis réapparaissent. « Il est ensorcelé, ma parole ! ».

Le titre du journal, VDR News, s’étale, en Une, sur six colonnes. Deux articles sur cette page. Sur trois colonnes, à droite, il est question de la situation internationale et de la guerre. Le titre en est : Le mur bombardé. On y apprend que le conflit entre l’Amérique et l’Iran s’est aggravé et transformé en une guerre Nord/ Sud. On a même construit un mur de l’Equateur pour séparer ces deux parties du monde. Des deux côtés, les forces ennemies sont rassemblées. On s’attend à une attaque aérienne. Hier, dit le journaliste, un obus s’est écrasé sur le mur, dans un bruit assourdissant et une lumière aveuglante. Les forces du Nord pensent que c’est une arme du Sud ; ceux du Sud répondent que c’est une arme du Nord. En tout cas, par l’ouverture du mur, déjà des milliers de personnes du Sud en ont profité pour passer au Nord. Objectif : la ville de Val de Reuil car il se dit que cette ville est celle qui, jusqu’à présent a été la moins touchée par la guerre.
Sur les trois autres colonnes, à gauche, l’autre article s’intitule « Sans nouvelles des évadés ». Il y est question des quatre prisonniers qui ont fui la prison « Les vignettes » ; on rappelle leurs noms : Ashley Tisdale, Vanessa Hudgens, Zac Efron et Rayan Evans. On dit qu’ils se seraient déjà fait faire des opérations de chirurgie esthétique. Résultat : ils ont complètement changé d’apparence, sont devenus méconnaissables. La police les cherche, elle aurait trouvé des traces du côté du lac des deux amants, une pièce d’eau gigantesque où on faisait, avant la guerre, du pédalo, du téléski, de la voile ; on s’y baignait aussi. Aujourd’hui, le lac est pollué, l’eau est noire, l’endroit désert.

Mina ferme le journal. On entend une voix qui vient de la maison. Depuis le jardin, par la fenêtre ouverte, elle voit en effet, et ses trois amis aussi, sur tout un mur du salon, transformé en écran géant, passer en boucle les informations de la chaîne CNB. Au micro, un jeune journaliste, Jeremy, présente : « Aujourd’hui, 23 janvier 2029, le pic de pollution est atteint ; cette pollution aurait tué l’an dernier 200 000 personnes ; des scientifiques affirment même que d’ici deux ans, il n’y aurait plus aucune espèce vivante sur Terre. »
« C’est gai ! » commente Mina.
Jeremy, à l’écran, continue à donner des informations ; il signale une manifestation contre la guerre à VDR ; elle aurait réuni plus de 5000 personnes ; des voitures ont même bloqué les principales routes, la police est intervenue. Il parle lui aussi d’un problème sur le mur de l’équateur mais évoque la chute d’un OVNI et non un bombardement. Il dit encore qu’on a repéré un objet ressemblant à un champignon nucléaire qui se dirigerait vers la Terre, et les experts et les militaires cherchent comment en dévier la trajectoire.
Enfin il fait état d’un scoop de dernière minute, une information que la rédaction vient de lui souffler dans son oreillette : on a retrouvé une personne, un jeune homme de 13 ans, qui s’était faite congeler il y a une vingtaine d’années ; sa cryogénisation (à – 190°c) date en effet de 2009. Le garçon n’a pas vieilli.
« Fin du journal » dit Jeremy qui disparaît de l’écran.

Les jeunes gens,eux, ont bien entendu la date, la même que celle qui figure sur le journal : 23 janvier 2029 ! Pas de doute, cette fois !

C’est alors que des soldats entrent dans le jardin où ils se trouvent.
« Où est la ministre ?! » Dit leur chef.
Ils ont une drôle d’allure, ressemblent à des chevaliers du 13è siècle, manient des épées de feu mais ils ont aussi des armes modernes, des pistolets intégrés au poignet de leur armure.
Les jeunes gens s’enfuient. « Je connais un abri souterrain ! » dit Mina ; les autres la suivent ; en fait c’est un asile, avec des gens inquiétants, aux yeux rouges, avec trois mains et dix doigts à chaque main. Des soldats dehors, des gens bizarres ici, il y a de quoi devenir fou. Pauline d’ailleurs est si choquée qu’elle en perd la mémoire.
« Il y a la guerre ? demande-t-elle soudain ; où ça ?? Où on est ? »
Elle semble avoir tout oublié. Mina tente de la rassurer.

Pendant ce temps, la ministre de l’Intérieur elle aussi se cache. Elle avait reçu plus tôt un appel du Président Songuiit, sur son « ordiphone » ; il lui donnait rendez vous à Paris ; elle y est allée avec ses amies, les deux chimistes, l’hôtesse de l’air et la mère au foyer. Mais la situation était incontrôlable dans la capitale et elles durent finalement revenir à VDR.

La ministre jette son « ordiphone » ; elle a compris que les soldats ennemis la cherchent ; or il y a dans l’appareil une puce qui leur permettrait de tout savoir sur elle, de suivre ses déplacements, connaître ses dépenses, ses rencontres, même ses mouvements d’humeur ; elle jette l’appareil dans l’Eure pour ne pas se faire repérer.
Les filles sont tristes, les chimistes ont perdu leur travail qu’elles aimaient bien.
Où se cacher ?
Chapitre 3

Finalement, sans s’être donné le mot, tous vont se retrouver à la gare. C’est un bâtiment qui se situe de l’autre côté de l’Eure, de forme hexagonale, avec un vaste hall d’accueil, un escalier menant au premier étage et conduisant à un passage aérien couvert, enjambant les voies.

Premiers arrivés : Mina, Pauline, Adrien et Stacy. Ils ont quitté leur cachette, traversé la dalle qui est un champ de bataille, puis passé par un lieu que la jeune femme reconnaît parfaitement : elle y a vécu quatre ans de sa vie, c’était le collège. Il est en ruine, les lumières cassées, les murs effondrés, les vitres brisées ; tout est gris, il n’y a plus de couleurs. Pauline qui n’a toujours pas retrouvé sa mémoire est à peine surprise. Les autres n’ont pas reconnu le lieu tout de suite, tant il a changé.
Mais des pas résonnent derriere eux, ils sortent du collège en courant ; ils se réfugient d’abord dans une haie géante. Les garçons voulaient retourner au supermarché acheter à manger, des schtoumpfs, des malabars, des carambars, des drogibus mais les filles disent qu’ils n’ont plus le temps pour ça. Ils arrivent enfin aux bords de l’Eure ; le spectacle n’est pas beau à voir ; on ne remarque plus le fond de la rivière, une mauvaise odeur s’en dégage ; des poissons flottent, morts, à la surface, divers objets dérivent au fil de l’eau, jaunâtre, des pots de yaourt, des restes de fruits... Tous regardent, longtemps, choqués, cette horreur. Mais il faut fuir, encore, car l’armée vient de les repérer ; le pont devant eux est presque détruit. Que faire ? Ils décident finalement de le franchir l’un derrière l’autre. Pauline passe la première, encouragée par Mina. A chaque pas, le pont craque, tout le monde frissonne. Mais Pauline passe ; puis c’est le tour d’Adrien, de Mina et de Stacy. Au moment où ce dernier s’engage sur la passerelle, tout s’écroule. Heureusement, il est rattrapé juste à temps par Pauline et Mina. Enfin réunis, ils partent vers la gare.

Peu après eux arrive à la gare un grand jeune homme ; il a le contour des yeux très noirs, a perdu des dents, son nez est de travers ; c’est celui qu’on a découvert congelé dans un cercueil de verre, c’est « l’homme glaçon » comme on l’appelle, un air de zombie. On lui a dit, sur le chantier, qu’il pouvait sortir « jusqu’à la gare ». Pourquoi cette direction ? Pourquoi la gare, demande-t-il ? Personne ne lui répond. En traversant la ville, il ne reconnaît pas la cité d’avant. Le laboratoire est à la place de la piscine ; à la place de la bibliothèque il y a une banque. Tout cela lui semble incroyable. L’église est devenue énorme, non pas en longueur mais en largeur ; il monte tout en haut du clocher, manque tomber, la place n’existe plus, la poste est grande ouverte. Tout est changé, absolument tout. Les fleurs, les arbres ont presque tous disparu ; on ne voit même plus le toît des bâtiments tellement il y a de pollution ; des personnes qu’il croise portent un masque à oxygène avec des bouteilles dans une sorte de caddie.

La ministre et ses trois amis rejoignent ces premiers arrivant un peu plus tard. Ils viennent de revisiter Val de Reuil ; tout y est changé sauf la cage d’escalier 227A ; ils y retrouvent des gravures, les boîtes aux lettres sont à code digital, les escaliers vers les garages sont des escalators ; un distributeur de boissons est là ; les filles, toutes des « anciennes » du 227A apprécient. Paraît qu’il faut aller à la gare, dit la ministre. « Passons par les égoûts, on ira plus vite ! » dit une fille. Effectivement il y a tout un réseau souterrain de tunnels ; ça sent pas très bon, on croise des rats mais au moins on évite les soldats.

Enfin c’est au tour des quatre évadés de rejoindre la gare. Après leurs opérations de chirurgie esthétique, ils ont bien changé. Ashle Tisdale a les cheveux chocolat avec des mèches blondes, ses yeux sont marron, le nez est refait, le front aussi ; Zac Efron porte des cheveux courts, noirs, il a les yeux verts, semble plus grand, plus musclé, le nez aussi est changé, disons qu’il a un style rocker. Ran Evans est devenu un métisse foncé, les cheveux noirs, les yeux marron, il a changé ses dents, porte des piercings partout ; Hudgens Vanessa est blonde platine, les yeux bleus, le visage transformé. Ils ont du mal à reconnaître eux aussi la ville avec tous ses escalators, ses tapis roulants ; une ancienne résidence pour personnes âgées est devenue un hôtel six étoiles ; mais pas question de rester en ville, c’est trop dangereux ; direction la gare.

La gare n’a pas été touchée par la guerre mais elle aussi a changé ; les trains, gris metallique, ne touchent plus les rails, ils semblent comme suspendus. « On dirait des bateaux sur terre » dit Mina. Dans le hall, plus de guichets, des robots ; mais pouvait-on encore acheter des billets ? Et pour aller où ?

Les soldats ont perdu de vue ceux qu’ils recherchent mais leur chef leur dit qu’il y a à la gare des silos, avec des missiles, nucléaires, très dangereux. « Il faut les détruire, dit-il ; il ne faut pas que les ennemis s’en emparent ; il faut y jeter des grenades dans chaque silo et refermer le couvercle, ça va péter mais on a des boucliers pour se protéger ».
A leur tour, les militaires se déploient vers la gare.

Pendant ce temps, Jeremy, le journaliste de CNB est en train de préparer le journal du soir. Il ne comprend plus ce qui se passe. D’un côté on dit que la ville sert de refuges aux gens qui fuient partout la guerre, elle serait surpeuplée ;on dit encore qu’on signale la présence en ville du ministre de l’Intérieur mais il n’est pas en mesure de confirmer. D’un autre, on lui a dit que tous les habitants fuient le centre vers la gare, que les militaires eux-mêmes se dirigent vers celle-ci. Pour réunir plus d’informations pour son prochain journal, Jeremy décide de s’y rendre à son tour avec son caméraman.
Chapitre 4

Sans s’être vraiment donné le mot, tout le monde se retrouve donc vers la gare.
Jeremy, le journaliste de CNB, a fait vite, il est déjà dans le bâtiment avec son cameraman ; il lui demande de tout filmer et lui, micro en main, interroge et raconte.
« Je vois la ministre de l’Intérieur et ses amis, dit-il. Elles s’approchent de quatre personnes qui ont l’air de se cacher derrière les guichets, là où avant, on vendait les billets. Qui sont ces gens ? Mais oui, elles les reconnaissent tout de suite ; ce sont les quatre évadés de la prison. Ils dormaient dans le coin. Pourtant, avec leur nouvelle apparence physique, ils avaient bien changé mais la ministre me déclare :
« On les a reconnus immédiatement ; je peux même vous dire que les filles, elles s’appellent Vanessa et Ashley ; et les garçons, c’est Zac et Rayan ! »
Les voyous sont tout à fait étonnés, dit encore le journaliste, car ils pensaient passer incognito, être devenus anonymes. Reprenant leur fuite, ils se sont repliés sur la ville, on les signale à présent rue « Le pas des heures », poursuivis par la ministre et ses amies.
« Quelle drôle de nom pour une rue, Le pas des heures, commente Jeremy ; j’aimerais bien que quelqu’un m’explique un jour d’où cette expression peut bien venir ? Rue du pas des heures ?! Si un de nos téléspectateurs le sait, il peut m’appeler »

Pendant ce temps là, les militaires, par dizaines, surarmés, arrivent aux abords du bâtiment de la gare ; ils ont tôt fait de repérer les silos à missile qu’ils voulaient détruire, ce qu’ils font. Ils trouvent aussi sur leur chemin un générateur de bouclier rebondissant géant ; une arme parfaite car on annonce toujours la chute imminente d’une météorite. Dans vingt minutes, dit même un gradé. « ça va péter dans vingt minutes ! ». Problème : comment alimenter le générateur en énergie ? Il y a bien des panneaux solaires mais la pollution est telle qu’elle cache le soleil ; quant au système hydraulique, abimé, on aurait pu le réparer au moyen de cables en cuivre, rares, mais ils sont devenus introuvables.

Dépités, les soldats entrent dans la gare au moment même où Stacy, Pauline, Mina et Adrien se trouvent au milieu du grand escalier conduisant aux quais. A la vue des uniformes, les jeunes gens paniquent, se mettent à monter les marches, à courir. C’est Adrien qui est en tête ; normal, c’est le plus peureux. Il arrive à l’étage, les filles le suivent. Une coupure de courant plonge alors l’endroit dans le noir. On entend déjà les premiers soldats monter à leur tour les escaliers. Les jeunes continuent de courir. Ils sont rejoints par une nouvelle venue, Elodie, une scientifique qui vient de Rouen.

Adrien, toujours en tête du groupe, se prend deux ou trois murs, « Bing », « Aiiie », « Boum » mais il arrive finalement devant une porte. Ouf, il l’ouvre, vite fait, elle permet de sortir. Vers où ? Un nouveau couloir, un autre labyrinthe, un long tunnel. Ça ne finira donc jamais ?! Nouvelle course, nouvelle fuite. Les jeunes se bousculent ; Stacy tombe, il crie, il a mal, très mal à la cheville. « C’est foulé ! Tu t’es foulé ! » dit Mina. Il se relève péniblement, boîte, se tient aux épaules de ses voisins, souffre. Il ralentit tout le monde. Puis revoilà la ville. Pauline reconnaît la rue : c’est la rue du Pas des heures. Elle aussi se dit : quel drôle de nom ! Mais c’est pas le moment de se poser des questions. Car les militaires sont toujours à leurs trousses et les jeunes gens fatiguent. On dirait même tout à coup qu’ils ne peuvent plus bouger, qu’ils ralentissent, qu’ils s’immobilisent.

Mais que se passe -t-il soudain ? Un grand flash se fait, un éclair éclabousse toute la rue du Pas des heures. Une lumière blanche. Comme un soleil pâle. Est-ce la météorite qui vient de heurter la terre ? Est ce la fin du monde ? Ou une éclipse ? Tout le paysage est illuminé. Combien de temps tout cela dure ? Une minute ? Deux minutes. Les personnages, comme figés, sont éblouis. Tous les personnages, c’est à dire les quatre évadés, eux-mêmes poursuivis par la ministre de l’Intérieur et ses copines, elles même suivies par Adrien et ses amis, rejoint donc par Elodie ; loin derrière on distingue encore l’homme glaçon, et tout ce petit monde est harcelé par une horde de militaires derrière lesquels on voit courir, micro en main, Jeremy, de CNB, et son cameraman.

Tout bouge, tout tremble. Puis une sonnerie se fait entendre. Driiiing, driiiing ?! Un réveil ? Une sonnerie. Et soudain, comme s’ils sortaient d’un mauvais rêve, tous les jeunes gens semblent se réveiller, ouvrir péniblement les yeux, hésiter. Et surprise : ils se retrouvent au collège, dans le hall d’entrée, un peu abasourdis. Ils ont beau fermer les yeux, les rouvrir, se pincer, pas de doute : ils sont de retour à Mendes France, Val de Rueil. En face d’eux, Mme Perreau qui leur dit : « Alors, la 4è3, vous êtes tous en retard ! Comme d’habitude ! Vous savez l’heure ? Il est 8h25 ! Allez, filez vite en cours ! Allez, allez ! »

En entrant en classe, ils voient la date au tableau : 11 mars 2009. Ils se regardent, rassurés. La journée commence par un cours de français ; au programme : le rêve et le cauchemar.
La prof demande : « Qui parmi vous peut me parler des rêves ? Est-ce que vous savez ce qu’est un cauchemar ? Est-ce que vous pourriez m’en raconter un ? »
Les élèves se regardent, une nouvelle fois ; personne ne réagit.
« Alors un cauchemar..., commence à expliquer la professeur devant une classe qui reste étrangement muette...



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